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Title:
Les secrets du chant des orques | Pierre Robert de Latour | TEDxUniversitedeTours
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Description:
Spécialiste du comportement des orques, Pierre Robert de Latour est avant tout un passionné d’apnée : depuis 1998, il plonge en compagnie des cétacés, et a accumulé le nombre impressionnant de 6 200 plongées au contact des orques.
Animaux familiers mais mystérieux, les cétacés sont une forme de civilisation à part. Intelligents, ils disposent de savoirs dont nous n’avons pas idée. Pierre Robert de Latour en est convaincu depuis une écoute acoustique des baleines à bosse en Norvège en 2016. Pour comprendre et accéder à ces savoirs inconnus, une solution : comprendre leur langage.
Et si les sons des orques pouvaient être plus qu’une simple communication entre cétacés ? L’acoustique des mammifères marins est si particulière qu’elle renferme des capacités insoupçonnées. En les comprenant et en les protégeant, nous pourrions envisager de prendre exemple sur elle. Une seule question reste en suspens : combien de secrets la mélodie des abysses renferme-t-elle ?
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Cette présentation a été donnée lors d'un évènement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. Pour en savoir plus : http://ted.com/tedx
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(Video) (Sons d'orques)
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(Applaudissements)
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Les orques sont des créatures magnifiques.
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Elles ne méritent pas ce surnom
de « baleines tueuses ».
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D'abord, ce ne sont pas des baleines ;
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elles appartiennent
à la famille des dauphins.
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Et ensuite, elles ne se sont jamais
attaqué aux êtres humains,
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dans leur milieu naturel, je précise.
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La première chose que l'on ressent
quand on plonge à proximité des orques,
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c'est une joie intense, la joie d'être
accepté dans leur espace social
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et de pouvoir observer
quelques dizaines de minutes,
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leur vie sous-marine.
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Il arrive parfois qu'elles
se montrent curieuses,
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et elles s'approchent près, très près.
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On peut déceler dans ce regard
une vaste intelligence.
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On se sent scanné, analysé, scruté,
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comme si elles avaient le pouvoir
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d'accéder à nos émotions
les plus profondes.
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Mais surtout, on ne sent pas la peur,
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on ne sent pas la fatigue,
on ne sent pas le froid.
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On sent juste une vague d'émotions
et d'énergie qui nous submerge
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et nous fait vibrer de la tête aux pieds.
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Je le ressens chaque année un peu plus.
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Aujourd'hui, je sais pourquoi,
et je vais vous le raconter.
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Ma première rencontre
avec les orques date de 1997.
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Ça s'est passé deux jours avant
une compétition de pêche sous-marine.
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Cette rencontre
a changé le cours de ma vie.
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Ça a été comme un appel irrésistible.
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Deux jours plus tard,
je gagne cette compétition,
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et c'est avec la prime de mon sponsor
que je peux financer mon premier voyage
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dans le but de plonger avec les orques,
au nord de la Norvège, un an plus tard.
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Cette première expédition de 1998
a été suivie par une longue série,
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21 saisons sans discontinuer
au cours desquelles j'ai accumulé
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plus de 6 000 rencontres sous-marines
au plus près des orques.
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Grâce à cette expérience,
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j'ai mis au point une méthode d'approche
et d'interaction respectueuse
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qui fait référence aujourd'hui.
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J'ai consacré l'essentiel de mon temps
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à étudier le comportement social
et le langage corporel des orques.
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Cette présentation s'appelle
« Le chant des orques »,
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mais je n'ai réalisé mon premier
enregistrement sous-marin qu'en 2016.
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Ça s'est passé du côté
de Tromsø, dans le Kaldfjord,
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et ça a été un moment magique.
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Pendant la journée qui a précédé le test,
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nous avons observé plusieurs
dizaines de baleines à bosse
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et plusieurs centaines d'orques
qui s'étaient déplacées au milieu du fjord
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à proximité de notre mouillage.
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La nuit tombée, nous avons pris
notre barge en aluminium,
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et nous nous sommes rendus sur place.
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L'atmosphère était un petit peu spéciale.
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Il n'y avait pas de vent,
ce qui est rare.
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La surface du fjord était comme un miroir,
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et on pouvait voir de chaque côté
du fjord qui est assez étroit,
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la neige sur les montagnes.
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C'était assez saisissant comme moment.
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Nous avons stoppé les moteurs
et j'ai immergé mon hydrophone,
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dans le silence le plus absolu,
par une dizaine de mètres de fond.
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Un hydrophone, c'est un micro sous-marin
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qui permet d'enregistrer
les sons et de les écouter.
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J'ai branché le haut-parleur,
et alors là...
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Allez, venez avec moi sur le bateau.
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(Chants d'orques et de baleines)
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Unie mélodie saisissante et parfaitement
orchestrée est montée des profondeurs.
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J'étais bouleversé
par la beauté de ces chants.
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Notre bateau était
à l'interface de deux mondes,
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le monde des orques
et leurs secrets sous la surface,
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et le ciel et les étoiles
au-dessus de nous.
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Dans la magie de l'instant,
j'ai imaginé ces deux mondes connectés,
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et que ce qui connectait ces espaces,
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c'était les chants qui venaient
des profondeurs.
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Une aurore boréale s'est déclenchée
au-dessus de nos têtes.
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Les chants ont redoublé
d'intensité et d'harmonie,
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(Chants d'orques et de baleines)
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Chaque orque, chaque baleine à bosse
jouait sa propre partition
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dans ce que j'ai appelé plus tard
« la symphonie des abysses ».
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Mais surtout, ce qui
se passait allait bien au-delà.
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Ce n'était pas juste une mélodie
harmonieuse, agréable à écouter,
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je me sentais traversé,
pénétré par ces chants.
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J'ai senti une vague d'énergie,
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la même énergie qui circule
quand je plonge à proximité des orques.
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En consacrant toutes ces années à la seule
étude du langage corporel des orques,
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j'étais passé à côté
de quelque chose d'important.
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J'ai compris, en ce soir de décembre 2016,
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que les sons avaient une importance
capitale dans la vie des orques;
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et que c'est là que devaient
s'orienter nos recherches.
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Quelques semaines après la fin
de la saison, en mars 2017,
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je suis parti en Guadeloupe et j'ai rendu
visite à Pierre Lavagne de Castellan.
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Pierre, c'est un ingénieur
bio-acousticien, c'est la référence,
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le monsieur « chants des baleines
et chants des cachalots ».
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Et il y travaille depuis
plus de trente ans.
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Au cours de nos entretiens,
Pierre me répétait sans arrêt :
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« Le message est dans le chant ».
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Il le martelait comme un leitmotiv,
et moi, je buvais ses paroles,
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et je me disais en moi-même :
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« C'est quoi, ce message ?
Qu'est-ce qu'ils se disent ?
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Qu'est-ce qu'ils cherchent à nous dire ? »
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J'ai quitté la Guadeloupe avec
plus de questions que de réponses.
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Je suis rentré en France et j'ai
commencé des recherches sur Internet
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pour essayer de comprendre ces notions.
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Je n'avais aucune connaissance du son.
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J'ai été sur Google : un son, c'est quoi ?
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Un son, c'est une onde. OK.
Une onde, c'est quoi ?
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Une onde, c'est une oscillation
avec un transfert d'énergie.
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OK.
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Elle est définie par son
amplitude, sa fréquence.
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Elle peut se visualiser par un graphe.
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Il y a les ondes électromagnétiques,
les ondes mécaniques,
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les ondes stationnaires.
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Ça ne me parlait pas vraiment tout ça.
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Je ne voyais pas comment
je pouvais utiliser tout ça.
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Et un jour, en faisant des recherches
sur les ondes stationnaires,
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je découvre les travaux
de Ernst Friedrich Chladni.
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Ernst Friedrich Chladni
est un ingénieur, physicien, musicien,
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qui a découvert comment
visualiser les sons.
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Il a eu cette idée d'utiliser
une plaque en cuivre,
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fixée sur un support,
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sur laquelle il a déposé
une fine couche de sable,
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et à la périphérie de laquelle
il a fait jouer l'archet de son violon.
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Regardez, le résultat est étonnant.
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(Vidéo) (Grincement d'archet)
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On peut observer au cours
de cette expérience
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que le sable se déplace
à la surface de la plaque
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et forme une figure géométrique.
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On appelle cette figure géométrique
une figure ou une assiette de Chladni.
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Chladni en a dressé tout
un catalogue de plusieurs milliers,
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parce que le côté intéressant,
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c'est que chaque fréquence
produit une image spécifique.
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Là où ça devient carrément passionnant,
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c'est quand assez récemment
Alexander Lauterwasser,
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qui est un chercheur et photographe
naturaliste allemand,
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a découvert que la forme
de certaines espèces vivantes
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était l'exacte copie
des assiettes de Chladni.
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Sur cette photo, issue de son livre
« Images sonores d'eau »,
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on peut voir une fleur avec l'assiette
de Chladni correspondante.
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Ça peut être aussi le dos d'une tortue,
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ou cette photo prise au microscope,
de la diatomée arachnoidiscus,
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qui est l'exacte copie
de la figure de Chladni
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correspondant à la
fréquence de 5 000 Hertz.
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Alexander Lauterwasser
théorise sa découverte.
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Les vibrations sonores sont à l'origine
de la forme des êtres vivants.
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Les vibrations sonores sont à l'origine
de la forme des êtres vivants.
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Quelques années avant lui,
Hans Jenny, le physicien suisse,
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a travaillé sur les effets
du son sur la matière,
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notamment sur les liquides
et les semi-liquides.
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Voici une de ses expériences.
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On y observe que sous l'effet
d'une vibration sonore,
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cette pate semi-liquide, normalement
posée au fond de l'enceinte,
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se dresse, s'érige en dépit
de la force gravitationnelle
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et suit certains mouvements.
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Selon Hans Jenny, ces mouvements
ne sont pas chaotiques ou aléatoires,
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mais ils sont parfaitement
organisés et reproductibles.
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Quand j'ai vu cette expérience
de Hans Jenny,
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j'ai immédiatement connecté
avec d'anciennes photos
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que j'ai prises de mes
premières expéditions.
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On y voit un fin film liquide
qui est projeté en avant
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de la mâchoire inférieure des orques
pendant qu'ils nagent.
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Je n'avais pas prêté attention
à ces photos au début,
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mais j'ai connecté avec
les expériences de Hans Jenny.
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Ça n'a aucune raison d'être.
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J'ai interrogé un ingénieur
en hydrodynanisme,
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spécialiste de la dynamique des fluides,
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Selon lui, ces formations
ne peuvent pas être
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sans l'existence d'une force extérieure.
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Les orques provoqueraient-ils
ce phénomène ?
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Les orques produiraient-ils
cette fréquence
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qui leur permet de réaliser ces formations
artistiques éphémères ?
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J'étudie les orques depuis 1998.
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Ces créatures appartiennent
à la famille des cétacés.
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Elles sont dotées d'un cerveau plus gros
et potentiellement plus puissant,
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plus performant que celui des hommes.
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Ils sont conscients d'eux-mêmes,
de ce qui les entoure,
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Je les ai vus résoudre
des problèmes complexes,
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notamment en adaptant leur stratégie
de prédation selon les contextes,
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de manière extrêmement réactive.
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Ils sont organisés en société,
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des groupes familiaux dirigés par
la plus ancienne femelle, la matriarche.
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Les orques sont dotés
d'organes acoustiques.
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Ils se transmettent leur savoir,
leur culture, leur langage,
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de génération en génération,
depuis des millions d'années.
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Notre civilisation date de 5 000 ans.
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Notre technologie n'a pas 200 ans.
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Nous, les humains,
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nous dominons le monde.
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Nous contrôlons pratiquement
l'essentiel du vivant.
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Nous pensons tout savoir,
mais il reste tellement à découvrir.
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Pierre Lavagne de Castellan, encore lui,
a observé à plusieurs reprises,
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des baleines à bosse
qui se rassemblent en groupes
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et s'administrent mutuellement
des massages sonores.
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Ces observations récentes
montrent que les baleines,
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mais aussi les dauphins et les orques,
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ont développé au fil
de l'évolution, des savoirs
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qui leur permettent d'utiliser les sons
à autre chose que la simple communication.
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Je continue mes investigations
avec peut-être l'espoir un peu fou
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de comprendre ces phénomènes,
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car ce que je ressens quand
e m'immerge à proximité des orques,
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ce bien-être que je ressens,
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pour moi, est dû aux sons
qu'ils produisent.
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Les océans sont menacés,
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menacés par les activités humaines :
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conséquences
du réchauffement climatique,
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pollution sonore, pollution chimique,
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surpêche, trafic maritime, plastique.
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Il est grand temps de changer
nos habitudes pour réduire ces menaces.
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Sauvons nos océans
pendant qu'il en est encore temps.
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Protégeons les orques,
cette civilisation océanique lumineuse.
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Perçons les secrets de leur langage.
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Nous accéderons à leur savoir,
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et alors oui,
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nous pourrons nous soigner
avec le chant des orques.
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Je vous remercie.
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(Applaudissements)