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De l'espoir et de la justice pour les femmes qui ont survécu à Daech

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    [Cette intervention contient
    du contenu réservé aux adultes]
  • 0:05 - 0:07
    Quand j'avais 14 ans,
  • 0:07 - 0:11
    mes parents avaient l'intention
    de me marier à un homme de leur choix.
  • 0:11 - 0:13
    J'ai refusé.
  • 0:13 - 0:17
    Ce choix de défier ma famille
    a tout façonné dans ma vie
  • 0:17 - 0:21
    et m'a mise sur le chemin pour devenir
    la personne que je suis.
  • 0:21 - 0:24
    Mais cela a parfois été
    et continue d'être très douloureux.
  • 0:25 - 0:26
    Mes parents ont été élevés
  • 0:26 - 0:29
    dans des familles marocaines
    traditionnelles et non éduquées
  • 0:29 - 0:34
    où la principale valeur d'une fille
    est mesurée par sa virginité.
  • 0:34 - 0:36
    Ils ont émigré en Belgique,
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    où je suis née et où j'ai été
    élevée et éduquée.
  • 0:40 - 0:42
    Je n'acceptais pas leur vision du monde.
  • 0:42 - 0:44
    Quand je leur ai dit non,
  • 0:45 - 0:48
    je l'ai chèrement payé en termes
    de violence physique et émotionnelle.
  • 0:49 - 0:51
    Finalement, je me suis enfuie de chez eux
  • 0:51 - 0:54
    pour devenir une détective
    de la police fédérale
  • 0:54 - 0:56
    pouvant aider à protéger
    les droits des autres.
  • 0:56 - 1:00
    Ma spécialité était d'enquêter
    sur des affaires de contre-terrorisme,
  • 1:00 - 1:03
    des enlèvements d'enfants
    et des homicides.
  • 1:03 - 1:05
    J'adorais ce travail,
  • 1:05 - 1:06
    il était extrêmement gratifiant.
  • 1:08 - 1:11
    Avec mes origines musulmanes,
    mes compétences en arabe
  • 1:11 - 1:13
    et un intérêt pour du travail
    à l'international,
  • 1:13 - 1:16
    j'ai décidé de chercher de nouveaux défis.
  • 1:16 - 1:19
    Après des décennies
    en tant qu'agent de police,
  • 1:19 - 1:23
    j'ai été recrutée pour devenir enquêtrice
    sur les violences sexuelles et sexistes
  • 1:23 - 1:26
    en tant que membre
    de la réponse judiciaire rapide
  • 1:26 - 1:28
    et de la liste de l'ONU Femmes.
  • 1:28 - 1:31
    La réponse judiciaire rapide
    est une organisation
  • 1:31 - 1:33
    d'enquête criminelle
    sur les atrocités de masse.
  • 1:34 - 1:37
    Elle opère grâce à des fonds
    à la fois publics et privés
  • 1:37 - 1:42
    et fournit des preuves et des rapports
    à plus de 100 pays participants.
  • 1:43 - 1:46
    De nombreux pays en conflit sont souvent
    incapables d'offrir une procédure juste
  • 1:46 - 1:49
    pour ceux qui ont été victimes
    de violence de masse.
  • 1:50 - 1:51
    Pour répondre à cela,
  • 1:51 - 1:55
    la réponse judiciaire rapide a été créée
    en partenariat avec l'ONU Femmes.
  • 1:56 - 1:57
    Ensemble,
  • 1:57 - 1:59
    la réponse judiciaire rapide
    et l'ONU Femmes
  • 1:59 - 2:02
    ont recruté, formé et certifié
  • 2:02 - 2:04
    plus de 250 professionnels
  • 2:04 - 2:08
    avec une expertise spécifique
    en violence sexuelle et sexiste,
  • 2:08 - 2:09
    comme moi.
  • 2:10 - 2:13
    Nos enquêtes sont menées
    selon le droit international
  • 2:13 - 2:16
    et nos découvertes finissent
    par devenir des preuves
  • 2:16 - 2:18
    pour poursuivre des criminels de guerre.
  • 2:18 - 2:21
    Ce mécanisme donne l'espoir aux victimes
  • 2:21 - 2:25
    que la justice et la responsabilité
    puissent un jour être trouvées
  • 2:25 - 2:27
    à la suite d'une guerre et d'un conflit.
  • 2:28 - 2:32
    Laissez-moi vous parler du travail
    le plus ardu que j'aie jamais fait.
  • 2:33 - 2:35
    C'était en Irak.
  • 2:35 - 2:40
    Depuis l'essor de l’État islamique
    en Irak et au Levant, ou Daech,
  • 2:40 - 2:43
    ce groupe a systématiquement
    attaqué et torturé
  • 2:43 - 2:46
    de nombreuses minorités
    religieuses et ethnies,
  • 2:46 - 2:48
    comme les chrétiens,
  • 2:48 - 2:51
    les Turkmènes chiites,
    les musulmans chiites,
  • 2:51 - 2:54
    les Shabaks chiites et les Yézidis.
  • 2:54 - 2:58
    La persécution des Yézidis
    a été particulièrement horrible.
  • 2:58 - 3:01
    Les 3 et 15 août 2014,
  • 3:01 - 3:06
    Daech a attaqué approximativement
    20 villages et villes du Sinjar, en Irak.
  • 3:07 - 3:12
    Ils ont exécuté tous les hommes
    de plus de 14 ans,
  • 3:12 - 3:14
    y compris les hommes âgés et handicapés.
  • 3:14 - 3:17
    Ils ont divisé les femmes et les filles,
  • 3:17 - 3:18
    les ont violées
  • 3:18 - 3:21
    et les ont vendues comme esclaves
    sexuelles et domestiques.
  • 3:21 - 3:22
    Un mois plus tard,
  • 3:22 - 3:25
    la résolution du conseil
    des droits de l'Homme de l'ONU
  • 3:25 - 3:27
    a mené à une mission
    exploratoire sur l'Irak
  • 3:27 - 3:30
    pour enquêter et documenter
    des violations et abus présumés
  • 3:30 - 3:33
    commis par Daech et des groupes associés.
  • 3:33 - 3:35
    J'ai été envoyée pour enquêter
  • 3:35 - 3:37
    sur les atrocités
    commises envers les Yézidis
  • 3:37 - 3:40
    avec un accent porté
    sur les crimes sexuels et sexistes.
  • 3:41 - 3:44
    Les Yézidis sont une communauté
    ethnoreligieuse parlant kurde
  • 3:45 - 3:46
    et basée au nord de l'Irak.
  • 3:47 - 3:52
    Leur système de croyance incorpore
    des aspects du judaïsme, du christianisme,
  • 3:52 - 3:54
    de l'islam et du zoroastrisme.
  • 3:55 - 3:56
    Durant des siècles,
  • 3:56 - 3:59
    les musulmans et les chrétiens
    ne comprenant pas leurs croyances
  • 3:59 - 4:03
    ont condamné les Yézidis
    comme des adorateurs du diable.
  • 4:03 - 4:08
    Daech les voyait ainsi
    et a fait vœu de les exterminer.
  • 4:09 - 4:12
    Faisons un exercice de réflexion.
  • 4:12 - 4:17
    Je veux que vous pensiez
    à votre pire expérience sexuelle
  • 4:17 - 4:19
    et que vous vous la rappeliez en détails.
  • 4:20 - 4:23
    Tournez-vous vers la personne
    à votre droite
  • 4:23 - 4:25
    et décrivez-lui cette expérience.
  • 4:25 - 4:28
    (Rires)
  • 4:30 - 4:31
    C'est difficile, hein ?
  • 4:31 - 4:33
    (Rires)
  • 4:33 - 4:35
    Je ne m'attends pas
    à ce que vous le fassiez.
  • 4:35 - 4:39
    Vous seriez tous mal à l'aise et gênés.
  • 4:39 - 4:42
    Alors imaginez une fille
    de 11 ans au Moyen-Orient
  • 4:42 - 4:45
    qui n'a pas eu d'éducation sexuelle,
  • 4:45 - 4:47
    que l'on a arrachée de sa zone de confort,
  • 4:47 - 4:49
    sa famille,
  • 4:49 - 4:53
    qui a été témoin de l'exécution
    de son père et de ses frères,
  • 4:53 - 4:55
    devant décrire en détails
  • 4:55 - 5:00
    le viol qu'elle a subi dans une culture
    où parler de sexualité est tabou.
  • 5:01 - 5:05
    Sa seule façon de recouvrer son honneur
    est de dissimuler le crime,
  • 5:05 - 5:08
    de croire qu'elle a été mariée
    contre son gré
  • 5:08 - 5:12
    ou de nier les événements par honte
    et peur d'être rejetée.
  • 5:12 - 5:14
    J'ai interviewé une fille
    que j'appellerai Ayda.
  • 5:14 - 5:18
    Elle a été achetée
    par un dirigeant de Daech, ou émir,
  • 5:18 - 5:22
    avec 13 autres filles
    ayant entre 11 et 18 ans.
  • 5:22 - 5:25
    Dans le groupe, il y avait
    ses trois nièces et deux de ses cousines.
  • 5:26 - 5:27
    Les 14 filles ont été emmenées
  • 5:27 - 5:30
    dans une maison
    pleine de combattants de Daech.
  • 5:30 - 5:34
    Un imam était présent et a indiqué
    que leur religion était immorale
  • 5:34 - 5:37
    et que le seul chemin
    était d'accepter l'islam
  • 5:37 - 5:39
    et d'épouser un homme musulman.
  • 5:39 - 5:43
    L'émir a écrit le nom des filles
    sur 14 petits bouts de papier.
  • 5:44 - 5:48
    Deux combattants de Daech
    ont pris chacun un bout de papier.
  • 5:48 - 5:51
    Ils ont appelé le nom écrit sur le papier
  • 5:51 - 5:55
    et ces filles ont été menées de force
    dans une autre pièce.
  • 5:56 - 5:59
    Alors que l'émir et l'imam
    entendaient les filles crier
  • 5:59 - 6:01
    pendant qu'on les violait,
  • 6:01 - 6:02
    ils se sont mis à rire.
  • 6:03 - 6:05
    Ils ont dit aux autres filles
  • 6:05 - 6:08
    qu'elles devraient profiter
    de l'expérience plutôt que de crier.
  • 6:09 - 6:12
    Après un moment, les filles
    ont été ramenées dans la pièce.
  • 6:13 - 6:15
    Elles étaient sous le choc
    et elles saignaient.
  • 6:16 - 6:18
    Elles ont confirmé
    qu'elles avaient été mariées
  • 6:18 - 6:19
    et avaient beaucoup souffert.
  • 6:20 - 6:23
    Il est important de considérer le fait
    qu'elles avaient été élevées
  • 6:23 - 6:27
    pour croire au rapport sexuel
    avec un homme dans leur vie :
  • 6:27 - 6:28
    leur mari.
  • 6:29 - 6:32
    Le seul lien qu'elles pouvaient
    établir en état de choc
  • 6:32 - 6:35
    était de définir leur viol
    comme un mariage.
  • 6:37 - 6:40
    Avant qu'on n'emmène et ne viole
    les deux filles suivantes,
  • 6:40 - 6:42
    Ayda a pris une décision terrifiante.
  • 6:42 - 6:45
    En tant que l'aînée du groupe,
    elle a convaincu l'émir
  • 6:45 - 6:49
    de les laisser utiliser la salle de bains
    pour se laver avant le mariage.
  • 6:49 - 6:51
    L'une des filles avait dit à Ayda
  • 6:52 - 6:54
    avoir remarqué de la mort-aux-rats
    dans la salle de bains.
  • 6:55 - 6:58
    Les 14 filles ont décidé
    de mettre un terme à leur souffrance
  • 6:58 - 7:00
    en buvant le poison.
  • 7:00 - 7:02
    Avant que le poison
    ne fasse pleinement effet,
  • 7:02 - 7:05
    elles ont été découvertes par Daech
    et amenées à l'hôpital,
  • 7:05 - 7:07
    où elles ont survécu.
  • 7:07 - 7:10
    Daech a décidé de séparer les filles
  • 7:10 - 7:12
    et de les vendre individuellement.
  • 7:13 - 7:17
    Ayda a été emmenée dans une autre maison
    et a été brutalement violée
  • 7:17 - 7:20
    après avoir de nouveau essayé
    de se suicider avec son voile.
  • 7:21 - 7:23
    Elle était battue et violée
    tous les deux jours.
  • 7:24 - 7:27
    Après quatre mois en captivité,
  • 7:27 - 7:29
    Ayda a trouvé le courage de s'enfuir.
  • 7:29 - 7:32
    Elle n'a plus jamais revu
    les 13 autres filles.
  • 7:33 - 7:35
    J'ai interviewé Ayda à multiples reprises.
  • 7:35 - 7:39
    Elle était prête à me parler car elle
    avait entendu dire par d'autres victimes
  • 7:39 - 7:43
    qu'il y avait une femme de l'ONU
    qui comprenait sa culture complexe.
  • 7:43 - 7:45
    Je l'ai regardée dans les yeux
  • 7:45 - 7:48
    et j'ai écouté attentivement les histoires
    de ses heures les plus sombres.
  • 7:49 - 7:52
    Nous avons créé un lien personnel
    qui perdure à ce jour.
  • 7:53 - 7:55
    Mon éducation a rendu cela facile pour moi
  • 7:55 - 7:58
    de comprendre son sentiment
    de honte extrême
  • 7:58 - 8:00
    et sa peur d'être rejetée.
  • 8:00 - 8:04
    Ce genre d'enquêtes ne sont pas uniquement
    pour réunir des informations et preuves,
  • 8:04 - 8:07
    mais aussi pour apporter
    du soutien à la victime.
  • 8:07 - 8:09
    Les liens que j'ai créés avec les victimes
  • 8:09 - 8:13
    ont renforcé leur confiance en elles
    et leur volonté d'obtenir justice.
  • 8:14 - 8:16
    En envisageant de s'enfuir,
  • 8:16 - 8:18
    Ayda, comme toutes
    les survivantes yézidies,
  • 8:18 - 8:19
    a fait face à un dilemme :
  • 8:20 - 8:24
    devrait-elle continuer de souffrir
    de la maltraitance de ses ravisseurs
  • 8:24 - 8:27
    ou serait-il mieux de retourner chez elle,
  • 8:27 - 8:30
    où elle serait confrontée
    à la honte, le rejet
  • 8:30 - 8:33
    et possiblement un crime d'honneur ?
  • 8:34 - 8:37
    Je ne connaissais que trop bien
    la douleur du rejet
  • 8:37 - 8:39
    de la part de ma communauté
    marocaine en Belgique
  • 8:39 - 8:42
    et je ne voulais pas que cela arrive
    à la communauté yézidie.
  • 8:42 - 8:44
    Un groupe d'entités concernées,
  • 8:44 - 8:49
    comprenant l'ONU, des ONG, des politiciens
    et des membres de la communauté yézidie
  • 8:49 - 8:51
    ont abordé un dirigeant religieux,
  • 8:51 - 8:52
    le Baba Cheikh.
  • 8:52 - 8:54
    Après nombre de réunions,
  • 8:54 - 8:57
    il a réalisé que ces filles n'avaient pas
    manqué de respect envers leur religion
  • 8:57 - 9:00
    en étant converties de force à l'islam
  • 9:00 - 9:02
    et mariées à des combattants de Daech.
  • 9:02 - 9:07
    Elles avaient plutôt été enlevées, violées
    et réduites à l'esclavage sexuel.
  • 9:07 - 9:10
    Je suis heureuse de vous annoncer
    qu'après nos réunions,
  • 9:10 - 9:12
    le Baba Cheikh a annoncé publiquement
  • 9:12 - 9:15
    que les survivantes seraient traitées
    comme des victimes
  • 9:15 - 9:17
    et acceptées par la communauté.
  • 9:17 - 9:19
    Ce message a été entendu
    dans toute la communauté
  • 9:20 - 9:23
    et a fini par parvenir aux survivantes
    détenues captives par Daech.
  • 9:24 - 9:26
    Après sa déclaration de soutien,
  • 9:26 - 9:29
    les survivantes
    ont été motivées à fuir Daech
  • 9:29 - 9:30
    comme l'avait fait Ayda
  • 9:30 - 9:33
    et de nombreuses jeunes femmes yézidies
    ont agi avec courage
  • 9:33 - 9:35
    et sont retournées dans leurs communautés.
  • 9:36 - 9:38
    La déclaration publique du Baba Cheikh
  • 9:38 - 9:41
    a sauvé la vie de nombreuses
    jeunes femmes yézidies,
  • 9:41 - 9:44
    en captivité et après leur fuite.
  • 9:45 - 9:46
    Malheureusement,
  • 9:46 - 9:49
    tous les dirigeants religieux
    n'ont pas accepté de parler avec nous.
  • 9:49 - 9:52
    Certaines victimes ont connu
    un sort bien pire que celui des Yézidies.
  • 9:52 - 9:57
    Par exemple, seules 43
    des 500 ou 600 victimes
  • 9:57 - 9:59
    de la communauté des Turkmènes chiites
  • 9:59 - 10:02
    ont pu rentrer chez elles
    après avoir fui Daech.
  • 10:02 - 10:05
    Pour certaines, leur famille
    leur a conseillé
  • 10:05 - 10:06
    de rester avec Daech
  • 10:06 - 10:11
    ou de se suicider afin de sauver
    l'honneur de la famille.
  • 10:11 - 10:14
    L'Allemagne a mis un projet en place
    pour soutenir les survivantes de Daech
  • 10:14 - 10:17
    en offrant un soutien psychologique
    et un hébergement
  • 10:17 - 10:19
    à 1 100 femmes et enfants,
  • 10:19 - 10:20
    y compris Ayda.
  • 10:20 - 10:23
    J'ai rendu plusieurs fois
    visite à Ayda avec mon travail.
  • 10:23 - 10:26
    Je suis si fière d'elle
    et des autres victimes.
  • 10:26 - 10:29
    Le progrès qu'elles ont réalisé
    est remarquable.
  • 10:30 - 10:32
    C'est émouvant de voir
    combien d'entre elles,
  • 10:32 - 10:34
    malgré les difficultés,
  • 10:34 - 10:36
    ont bénéficié de ce programme.
  • 10:36 - 10:39
    Le programme inclut un suivi psychologique
    individuel et en groupe,
  • 10:39 - 10:41
    de la thérapie artistique et musicale,
  • 10:42 - 10:43
    des activités sportives,
  • 10:43 - 10:44
    des cours de langues,
  • 10:44 - 10:46
    de l'école et d'autres
    efforts d'intégration.
  • 10:47 - 10:49
    J'ai observé qu'extraire les victimes
  • 10:49 - 10:52
    d'une zone de conflit vers un pays en paix
  • 10:52 - 10:55
    a eu un impact positif
    sur chacune d'entre elles.
  • 10:56 - 10:58
    Ce projet a attiré
    l'attention d'autres pays
  • 10:58 - 11:01
    qui ont témoigné de l'intérêt
    à aider plus de Yézidies.
  • 11:02 - 11:05
    Les femmes et filles yézidies
    m'appellent, m'envoient des messages
  • 11:05 - 11:07
    pour me parler de leurs notes à l'école,
  • 11:07 - 11:09
    de leurs chouettes voyages
  • 11:09 - 11:12
    ou pour m'informer de leurs rêves futurs,
  • 11:12 - 11:15
    comme écrire un livre sur ce à quoi
    elles ont été confrontées avec Daech.
  • 11:15 - 11:17
    Parfois, elles sont tristes
  • 11:17 - 11:19
    et ressentent le besoin
    de parler à nouveau des événements.
  • 11:20 - 11:21
    Je ne suis pas psychologue
  • 11:21 - 11:25
    et j'ai souffert de SSPT secondaire
    du fait de leurs histoires terribles.
  • 11:25 - 11:27
    Mais je continue
    de les encourager à parler
  • 11:27 - 11:29
    et je continue à écouter
  • 11:29 - 11:32
    car je ne veux pas qu'elles se sentent
    seules dans leur souffrance.
  • 11:32 - 11:34
    A travers ces anecdotes,
  • 11:34 - 11:36
    je vois émerger une vision globale.
  • 11:36 - 11:39
    Ces femmes et filles
    sont en voie de guérison.
  • 11:39 - 11:42
    Elles n'ont plus peur de réclamer justice.
  • 11:42 - 11:45
    Sans espoir, il ne peut pas
    y avoir de justice
  • 11:46 - 11:49
    et sans justice, il ne peut pas
    y avoir d'espoir.
  • 11:50 - 11:53
    Tous les 3 et 15 août,
    ce sont mes jours de commémoration
  • 11:53 - 11:55
    et je contacte les Yézidies
  • 11:55 - 11:57
    pour leur faire savoir
    que je pense à elles.
  • 11:57 - 11:59
    Elles sont heureuses quand je le fais.
  • 11:59 - 12:01
    C'est une journée
    chargée en émotions pour elles.
  • 12:01 - 12:04
    En août dernier, j'ai parlé avec Ayda.
  • 12:04 - 12:06
    Elle était heureuse d'annoncer
  • 12:06 - 12:09
    qu'une de ses nièces enlevée avec elle
  • 12:09 - 12:12
    avait enfin été libérée
    des mains de Daech en Syrie
  • 12:12 - 12:14
    et renvoyée en Irak.
  • 12:14 - 12:16
    Pouvez-vous y croire ?
  • 12:16 - 12:17
    Après quatre années ?
  • 12:18 - 12:21
    Aujourd'hui, son vœu le plus cher
    est que toute sa famille,
  • 12:21 - 12:23
    actuellement sur trois continents,
  • 12:23 - 12:25
    soit réunie.
  • 12:25 - 12:26
    J'espère que ce sera le cas.
  • 12:27 - 12:29
    En pensant aux survivantes
    avec lesquelles je travaille,
  • 12:29 - 12:33
    je me souviens des morts
    d'une Égyptienne médecin, écrivaine
  • 12:33 - 12:34
    et défenseur des droits humains,
  • 12:34 - 12:36
    Nawal El Saadawi.
  • 12:36 - 12:39
    Dans son livre, « Femme au degré zéro »,
  • 12:39 - 12:42
    elle a écrit : « La vie est très dure
  • 12:42 - 12:44
    et les seules personnes
    qui vivent vraiment
  • 12:44 - 12:47
    sont celles qui sont plus dures
    que la vie même. »
  • 12:48 - 12:52
    Ces victimes ont subi
    des souffrances inimaginables.
  • 12:52 - 12:54
    Mais avec un peu d'aide,
  • 12:54 - 12:56
    elles témoignent de leur résilience.
  • 12:56 - 13:00
    Chacune a son point de vue
    sur le genre de justice qu'elle recherche
  • 13:00 - 13:02
    et je crois profondément
  • 13:02 - 13:05
    qu'une procédure
    judiciaire crédible est essentielle
  • 13:05 - 13:06
    pour qu'elle recouvre sa dignité
  • 13:07 - 13:09
    et qu'elle close le chapitre
    de son traumatisme.
  • 13:09 - 13:13
    La justice, ce n'est pas seulement
    punir le coupable,
  • 13:13 - 13:16
    mais que la victime ait l'impression
    que les crimes commis envers elle
  • 13:16 - 13:20
    ont été documentés et reconnus
    par l’État de droit.
  • 13:20 - 13:23
    Pour moi, cela a été
    l'expérience d'une vie
  • 13:23 - 13:25
    de travailler avec ces survivantes.
  • 13:25 - 13:27
    Car je partage leur douleur,
  • 13:27 - 13:30
    leur langue et leur culture,
  • 13:30 - 13:32
    nous établissons des liens
    au plus profond de nous.
  • 13:33 - 13:36
    C'est en soi un acte de guérison :
  • 13:36 - 13:39
    être entendue, être vue,
  • 13:39 - 13:42
    qu'on nous offre de la compassion
    plutôt qu'on nous condamne.
  • 13:43 - 13:46
    Quand nous nous rapprochons autant
    de gens qui souffrent,
  • 13:46 - 13:49
    cela entraîne de la douleur
    pour les enquêteurs.
  • 13:49 - 13:54
    Mon travail est difficile,
    déchirant et traumatisant.
  • 13:54 - 13:56
    Mais je vais vous dire
    pourquoi je fais cela.
  • 13:57 - 14:00
    Quand je rencontre les survivantes
    de ces atrocités de masse,
  • 14:00 - 14:04
    quand je prends leur main
    et les regarde dans les yeux,
  • 14:04 - 14:07
    cela n'efface pas ma douleur,
  • 14:07 - 14:10
    mais elle en vaut la peine.
  • 14:10 - 14:12
    Il n'y a rien que je ferais
    plus volontiers.
  • 14:13 - 14:16
    Quand je vois ces courageuses survivantes
  • 14:16 - 14:19
    luttant pour rétablir un lien
    avec leur estime d'elles,
  • 14:19 - 14:24
    leur famille, leur place
    dans une société qui les estime,
  • 14:25 - 14:27
    c'est un honneur d'en être témoin,
  • 14:27 - 14:30
    c'est un privilège
    de chercher à obtenir justice.
  • 14:31 - 14:33
    C'est aussi une forme de guérison --
  • 14:33 - 14:35
    pour chacune d'entre nous.
  • 14:35 - 14:37
    Merci.
  • 14:37 - 14:43
    (Applaudissements)
Title:
De l'espoir et de la justice pour les femmes qui ont survécu à Daech
Speaker:
Rabiaa El Garani
Description:

La protectrice des droits humains Rabiaa El Garani partage une histoire difficile et déchirante de violence sexuelle commise envers les femmes et filles yézidies en Irak par Daech. Elle raconte son travail pour chercher à obtenir justice pour les survivantes. « Ces victimes ont subi des souffrances inimaginables. Mais avec un peu d'aide, elles témoignent de leur résilience, dit-elle. C'est un honneur d'en être témoin, c'est un privilège de chercher à obtenir justice. »

(Cette intervention contient du contenu réservé aux adultes)

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
15:01

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