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Ma mémoire, c'est moi! (2/5) - RTS Vacarme

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    (Générique) Musique - Vacarme
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    Je vois toujours, par exemple une photo de,
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    c'est la dernière de mes filles qui est sur une plage, c'était du côté de Sète,
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    parce que c'est mes filles qui m'ont raconté.
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    Puis elle est toute petite, elle a quoi, 2-3 ans, elle a les cheveux tout blonds,
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    puis elle lève le doigt au ciel, puis elle est en train de marcher sur la plage.
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    Je me dis, purée, j'ai vécu ça et c'est moi qui l'ai pris en photo comme ça.
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    Je voyais que j'avais vécu ça, mais il y avait... c'était pas palpable.
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    (Musique de générique) Vacarme. Ma mémoire, c'est moi!
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    Marc Giouse - Véronique Marti.
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    (Véronique Marti?) Bonjour à tous.
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    En septembre 2006, le 17 exactement,
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    Marc Rueger, un père de famille fribourgeois d'une quarantaine d'années,
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    est traversé par une puissante décharge électrique
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    en voulant réparer la pompe à chaleur de sa maison.
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    Une décharge entrée par le majeur, resortie par la tête,
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    effaçant au passage un pan entier de sa mémoire,
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    Dix années s'envolent dans l'accident, les dix dernières.
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    Il se réveille aux soins intensifs, le lendemain, et reconnaît mal ses proches.
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    En 24 heures, ils ont pris de l'âge, des cheveux gris.
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    Ses fillettes, elles, sont devenues des adolescentes.
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    Pour lui, c'est un peu comme s'il était resté 10 ans dans le coma.
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    A l'amnésie s'ajoute l'aphasie: pendant deux ans, Marc n'a plus pu parler.
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    La parole est revenue ensuite, mais pas les souvenirs.
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    Il va nous raconter aujourd'hui son histoire, et surtout comment on se reconstruit,
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    comment on retrouve le fil de son identité
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    quand un quart de sa vie s'est volatilisé d'un coup,
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    et comment le vivent les proches.
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    Voici "Dix ans sans souvenirs"
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    un reportage de Cécile Guérin réalisé par Matthieu Ramsauer.
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    (Musique de générique)
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    (Tic-tac)
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    (Marc Rueger) Ben, quand j'ai eu mon accident en 2006,
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    je me suis retrouvé, voilà, en sortant du coma,
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    aphasique, hémiplégique et puis avec une partie de mémoire effacée.
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    (Cécile Guérin) Une partie de votre vie effacée?
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    (MR) Totalement, puis j'ai jamais rien retrouvé ... sauf un, oui, une image:
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    j'étais avec mon épouse au milieu d'un champ à côté d'une voiture,
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    et on est en train de piqueniquer.
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    Le problème de la mémoire, c'est, elle s'est arrêtée grosso modo, f... 1996.
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    Mais après, vous collez directement 10 années plus tard,
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    mais ça veut dire qu'il n'y a pas un espace-temps.
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    (CG) Mais donc, attendez: 2006, vous avez l'accident, vous perdez la mémoire,
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    donc vous vous retrouvez comme si vous étiez en 1996?
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    (MR) Exactement.
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    (CG) Il y a un gap qui existe plus?
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    (MR) Voilà, et il est pas quantifiable,
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    en ce sens que c'est pas comme sur une cassette
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    qui a un morceau de musique, ben qu'il y a plus, il y a un temps de pause:
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    non, c'est collé.
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    Moi, je me suis réveillé --
    (CG) -- C'est collé?
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    (MR) -- j'ai dit... j'ai pas reconnu mes filles.
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    (CG) Elles avaient quel âge?
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    (MR) Alors, l'aînée avait, 2006, elle est de 91, elle avait 15 ans
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    (CG) Et vous croyiez qu'elle avait 5 ans?
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    (MR) La deuxième avait 13 ans, et puis la dernière avait 10 ans.
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    Alors je lui ai dit: "Ben voilà, Camille, mais c'est qui, les deux jeunes filles?"
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    Par contre mon épouse, à l'époque, bon, parce que maintenant je suis divorcé,
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    elle, je l'ai reconnue, parce qu'elle n'avait pas changé.
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    C'est vrai qu'elles l'ont un peu mal pris.
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    Je pense que ça a dû être très dur pour elles.
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    Et en fait, j'avais pris l'aînée pour la plus petite.
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    Donc voilà, c'est du collé.
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    (CG) Pour un enfant, entre 0 et 10, ou entre 5 et 15,
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    il s'en passe des choses avec son papa?
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    (MR) Alors voilà, ben c'est... j'osais plus regarder les photos.
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    parce que c'est comme si je regardais l'album photo de...
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    d'une connaissance, ou comme ça.
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    Mais en fait, c'était des moments que je n'avais pas vécus,
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    j'avais pas le ressenti d'une photo.
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    Et puis alors ça, c'était l'horreur.
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    Alors bien que mes filles, elles on fait,
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    enfin tout mon entourage avait fait un travail super,
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    en essayant de m'expliquer: "Ben tu vois, c'était telle date", enfin--
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    (CG) Et elles essayaient de vous faire retrouver cette mémoire.
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    (MR) Voilà. Alors... mais, ben rien n'était présent.
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    Donc OK, je vous mens, vous m'acceptez.
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    Après, il y a un jour où il a fallu sortir de l'hôpital.
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    Alors, ça, c'était la grosse angoisse.
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    Parce que les premières émissions que j'ai vues,
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    un jour, je regardais un Grand Prix Formule 1, et j'ai dit:
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    "Putain! Les voitures, elles ont changé."
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    Donc, qu'est-ce qui m'attend dehors?
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    Parce que je sentais un peu l'hôpital, un peu comme une protection.
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    J'avais peur de sortir. Quand je suis arrivé à la maison,
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    j'ai vu que oui, alors oui, il y avait plein de choses qui avaient changé,
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    mais les murs n'avaient pas changé.
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    Ça, c'était... ça m'a un petit peu réconforté.
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    Mais c'était de voir un peu tout ce changement, et tout.
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    Les personnes, aussi.
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    J'avais un peu une espèce de parano, là,
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    je voyais les gens qui me regardaient, enfin..
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    un jour, j'allais avec mon épouse à la déchetterie, je lui dis:
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    "Ils me regardent tous,"
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    enfin, j'écris dans mon cahier "t'as vu gnagnagna"
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    Et moi, je ne savais pas qui c'était.
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    (CG) Et eux, ils savaient?
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    (MR) Bien sûr, alors par la suite, il y a des personnes qui m'ont dit:
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    "Ben, on osait pas t'aborder parce que, ben on savait pas comment faire, euh..."
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    (CG) Les gens étaient un peu troublés.
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    C'est troublant, c'est-à-dire que...
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    ils vous connaissaient dans ces 10 ans qui vous manquaient.
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    Et vous, vous pouviez pas dire:
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    "Ah ben oui, tu te souviens, on est allés," je sais pas, "faire ça ensemble."
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    C'était, il y avait ce lien qui était perdu, quelque part?
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    (MR) Ben oui, parce que j'ai refait connaissance avec des amis que j'avais eus --
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    (CG) Dans ces 10 ans-là
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    (MR) -- dans ces 10 ans-là, mais que je m'en rappelais pas.
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    (CG) C'était des inconnus, pour vous?
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    (MR) Pour moi, t'es qui?
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    Alors dans mes cahiers que j'ai toujours gardés,
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    parce que j'ai un tas de cartons à bananes
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    avec je ne sais plus combien de centaines de cahiers,
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    j'écrivais tout dans un cahier A4 pour communiquer --
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    (CG) Parce que vous aviez pas la parole, hein?
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    Là, maintenant, vous avez retrouvé la parole.
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    (MR) Voilà, oui.
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    C'était pas évident, dans le sens que, si je prends le cas,
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    je rencontrais des personnes, je sais pas,
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    on était à une table de bistrot, un truc comme ça,
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    je voulais discuter, ou bien même en famille, hein?
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    Je voulais discuter, mais en fait, j'avais pas droit au chapitre.
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    Alors vous avez toujours les mains occupées,
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    avec des services, ou un verre ou un truc comme ça.
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    Puis quand vous écrivez,
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    ça va beaucoup plus long que la parole.
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    Et puis un jour, je rappelle, en mangeant du poulet,
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    ça, c'est mon anecdote,
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    puis j'ai repensé à un vieux film, "Les enfants du silence."
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    Et tout à coup, j'ai dit: "Purée, les sourds, ils ont la langue des signes."
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    Puis c'est là que je me suis dit qu'il fallait apprendre cette langue,
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    parce que pour moi, c'était... c'était la solution miracle.
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    (CG) Pour pouvoir vous exprimer en direct, quoi.
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    (MR) Mais par contre, ben voilà, ben j'ai...
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    c'est vrai que cette langue, je l'ai appris relativement vite.
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    J'ai été très profond dans le domaine de la surdité, qui est un domaine très intéressant.
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    Mais en fait, ça va... J'ai pas pu communiquer, en fait, avec les personnes entendantes.
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    Par contre, alors, j'ai changé un peu de monde,
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    parce que pour moi, c'était plus facile avec les personnes sourdes,
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    on s'exprimait en langue des signes,
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    pas besoin de cahier, pas besoin de sac avec un stylo, avec tout le tralala.
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    Donc pour moi, c'était un confort.
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    (CG) Et puis eux, ils vous renvoyaient pas à votre vie d'avant?
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    (MR) Ah non, c'était...
    (CG) C'était des nouveaux amis.
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    (MR) ... m'ont encoura... alors il y a quelque chose qui était, j'ai trouvé ça fabuleux,
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    c'est qu'en fait, ils étaient... m'ont encouragé à apprendre leur langue, leur culture.
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    Ils étaient vraiment, à quelque part, aux petits soins,
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    parce que pour eux, c'était un truc un peu jamais vu.
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    Et puis j'ai été vraiment accueilli, mais à bras ouverts.
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    Oui, c'était, j'allais dire presque le meilleur,
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    le meilleur médicament contre ce qui m'était arrivé,
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    parce que ben voilà, j'avais quelque chose à apprendre,
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    ça m'occupait l'esprit, je ruminais pas. Ça a été un truc passionnant.
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    (2 notes répétées, aussi sur ce qui suit)
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    (MR) Si vous regardes mon mur, là un petit peu --
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    (CG) Il y a des post-it, oui, ah non il y a des photos. On va voir?
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    (MR) Il y a des postit, oui.
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    (CG) On va voir, non mais je veux pas les post-it, je vois ça,
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    mais on peut aller voir ensemble
    (musique se développe)
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    (MR) Alors, (MR + CG) Les postit,
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    (MR) ça, c'est ma mauvaise mémoire. Parce que...
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    (CG) Elle a pris un coup dans l'accident, quand même?
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    (MR) Oui, alors j'ai une excellente mémoire sur tout ce qui est très antécédent,
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    je peux dire: "Dans les années 90, toi, je t'ai rencontré,
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    tu étais habillé telle, de telle manière et on s'est vus telle date, telle heure."
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    (CG) Votre enfance, tout ça...
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    (MR) J'ai une mémoire d'éléphant, même les gens sont des fois surpris.
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    Par contre, ben voilà, il y a plein de choses, des fois, que...
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    que j'oublie, même que je les écris ou je dois les voir.
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    Même dans mon travail, des fois, il y a des choses que je fais encore aujourd'hui
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    et que je sais pas pourquoi je les fais:
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    je les ai apprises, mais c'est, comme je vous disais, la mémoire corporelle ou mémoire--
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    (CG) des gestes
    (MR) -- résiduelle,
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    c'est, voià, c'est comme quand on dit, on fait du vélo, puis
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    (CG) Ça s'oublie pas.
    (MR) Ça s'oublie pas.
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    (CG) Mais c'est quoi, dans votre travail, vous êtes, vous faites quoi comme travail?
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    (MR) Je suis technicien de maintenance dans un, dans des bains thermaux
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    (CG) D'accord, donc chauffagiste, comme ça, enfin, ces gestes-là?
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    (MR) On s'occupe de chauffage, de sanitaires --
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    de, enfin --
    (CG) D'accord.
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    (MR) -- la totale, hein , l'électricité: j'ai toujours pas peur de l'électricité,
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    parce que je m'en rappelle pas.
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    CG) Oui, parce que votre accident, c'était --
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    (MR) C'était une électrocution.
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    Et par contre, c'est un peu un métier de passion, tout ce qui est wellness, tout ça.
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    déjà depuis des années, parce qu'à l'époque, ben, quand cet accident m'est arrivé,
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    j'avais ma propre entreprise.
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    (CG) Donc vous aviez ces gestes-là, vous les connaissiez par coeur, on va dire, la...
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    presque des gestes de routine?
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    (MR) Oui, mais, par contre, je me rappelle pas tous ceux que j'ai appris,
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    alors des fois, je me surprends encore, encore aujourd'hui je faisais un boulot...
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    et je sais pas pourquoi, mes mains le font et puis c'est bon, ça roule.
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    (CG) Sans savoir comment vous avez appris ça?
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    (MR) Comment et où je l'ai appris, je ne sais pas.
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    (CG) Mais par contre, vous êtes sûr que c'est le bon geste?
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    (MR) C'est... c'est automatique... "tiens, c'est fait."
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    (CG) Et ça vous surprend encore?
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    (MR) Alors maintenant, ça me surprend... maintenant j'en rigole un peu.
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    Parce que voilà, ben il y a eu l'année passée, justement, toute cette thérapie ENDR
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    qui m'a fait que maintenant, toutes ces choses là ne m'angoissent plus,
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    donc, maintenant, je les vois avec, avec sourire.
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    (CG) Oui, c'est-à-dire qu'il y a une partie de la mémoire, on va dire, des gestes,
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    qui vous revient comme ça, naturellement.
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    Puis il y a une autre partie, j'imagine, la mémoire autobiographique,
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    enfin, tous ces souvenirs, où, je pense, vous faites des efforts pour vous en rappeler,
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    et puis là, ça revient pas, donc, c'est hyper-énervant, j'imagine.
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    (MR) Voilà, ben si on --
    (CG) A regarder, là, sur votre mur,
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    (MR) sur ce mur--
    (CG) vous avez des photos.
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    (MR) Alors très honnêtement, jusqu'à il y a deux ans en arrière, il y avait rien.
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    J'ai eu essayé d'afficher ces photos, là, c'est mes filles, quand elles étaient petites.
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    Et ça, c'était une photo, justement, qui a été prise peu de temps avant mon accident.
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    Donc j'avais déjà de la peine à la regarder,
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    du reste, elle était en face de moi quand j'étais à l'hôpital.
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    C'est le seul truc que j'avais affiché au départ.
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    (CG) Vos filles, oui.
    (MR) Il y avait, par exemple...
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    Oui, parce que c'est vrai qu'elle comptent beaucoup.
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    C'était nos dernières vacances en 2006, dont j'ai aucun souvenir.
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    (CG) Vous êtes à faire du kayak, euh...
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    (MR) Er ça, je m'en rappelle pas.
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    Et ça, c'était exclu de les regarder, parce que...
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    ah, j'étais mal foutu pendant je sais pas combien de temps, après.
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    (CG) Ça vous déprimait?
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    (MR) Ah oui, ça... déprime, c'est vrai, ça me travaillait, enfin,
  • 12:10 - 12:13
    je sais pas, c'est des trucs qui, qui travaillent.
  • 12:13 - 12:18
    Puis juste en dessus, j'ai encore un carton à bananes plein de, rempli de pochettes de photos,
  • 12:19 - 12:21
    mais que j'ai commencé à ouvrir, ben justement,
  • 12:22 - 12:26
    ben, fin... j'ai fini cette thérapie c'était quoi, début 2015,
  • 12:27 - 12:29
    où là, ben voilà, j'ai commencé à afficher.
  • 12:29 - 12:31
    Parce que, ben voilà, j'ai dit:
  • 12:31 - 12:34
    "Mais c'est quand même dingue que, aujourd'hui, je peux les voir,
  • 12:34 - 12:37
    "je peux essayer de m'imaginer, bien que j'aie pas la sensation du vécu,
  • 12:38 - 12:39
    "mais ça ne me touche plus."
  • 12:40 - 12:41
    (CG) Ça ne vous fait plus souffrir?
  • 12:41 - 12:46
    (MR) Oui. Très honnêtement, je dois dire que ça fait, ben voilà,
  • 12:46 - 12:48
    ça fait une année que je revis.
  • 12:50 - 12:52
    Où cette fois, je peux dire que je suis heureux.
  • 12:52 - 12:55
    Mais pendant neuf ans, c'était vraiment difficile.
  • 12:55 - 13:00
    (CG) C'est difficile à expliquer comment le fait d'oublier 10 ans de sa vie,
  • 13:00 - 13:04
    de plus avoir cette mémoire-là, peut, si je vous comprend bien,
  • 13:04 - 13:09
    faire chavirer en fait votre, votre être intérieur, enfin, qui vous êtes vraiment?
  • 13:10 - 13:13
    (MR) Oui, et bien, ça a fait chavirer notre couple,
  • 13:13 - 13:18
    parce que vraiment, alors, c'est parti, je sais, parce que c'est ce que les gens m'ont dit,
  • 13:18 - 13:21
    que... on s'entendait bien avant, donc il y avait pas de souci,
  • 13:21 - 13:24
    y avait cet accident, et puis c'est là que c'est parti en vrille.
  • 13:25 - 13:29
    Alors on va pas commencer à chercher qui a fait faux ou quoi que ce soit,
  • 13:29 - 13:33
    mais il y avait juste une fois une infirmière du CHUV, ben elle me dit,
  • 13:33 - 13:36
    "mais apparemment, votre entourage n'a pas été soutenu."
  • 13:36 - 13:39
    Alors effectivement, moi, j'ai été très bien soutenu.
  • 13:39 - 13:45
    Si j'en regarde à côté, c'est vrai que là, il y a pas eu vraiment un grand soutien.
  • 13:46 - 13:52
    Et puis vous êtes, enfin des fois peut-être aussi, je me sentais une personne différente,
  • 13:52 - 13:56
    je me dis: "Mais t'étais qui, avant? Tu faisais quoi? J'ai vu des trucs, j'ai --"
  • 13:57 - 14:03
    euff, oui, vraiment, je recherchais mais je n'avais aucun souvenir.
  • 14:03 - 14:09
    Donc c'est.... c'est flippant. Moi, je l'ai, quelque part, mal vécu.
  • 14:09 - 14:11
    Maintenant, avec le recul, où je peux dire,
  • 14:11 - 14:15
    maintenant, je peux regarder les choses en face... euh oui, alors
  • 14:16 - 14:17
    - mais j'aimerais pas repasser, hein.
  • 14:19 - 14:24
    Puis quand on n'est pas sûr de soi, parce que voilà, ben, ça influence --
  • 14:24 - 14:26
    (CG) C'est la confiance?
  • 14:26 - 14:29
    (MR) Oui, alors on n'a vraiment plus confiance en soi.
  • 14:29 - 14:31
    Après, on peut s'imaginer n'importe quoi,
  • 14:31 - 14:35
    alors j'ose pas expliquer tout ce qui m'a passé par la tête.
  • 14:39 - 14:42
    (CG) Ah, et vous doutez presque de vos proches qui vous montrent des choses, quelque part?
  • 14:42 - 14:44
    Enfin, j'imagine, enfin vous--
  • 14:44 - 14:49
    (MR) Oui, ça s'est passé, non mais attends, je me rappelle, là, je me pinçais à la sortie de...
  • 14:49 - 14:51
    ben j'étais même pas sorti de l'hôpital, je me pinçais, je me disais,
  • 14:51 - 14:55
    "Non, mais tu, tu rêves, mon coco!" (Accords au piano, aussi sur la suite)
  • 14:55 - 14:58
    (CG) Cette famille-là n'était pas de la famille, quasiment, ces enfants-là tu les connai--
  • 14:58 - 15:03
    (MR) Alors oui, bon, mais ces années, enfin, mais t'es en train de rêver
  • 15:03 - 15:05
    alors moi, je voulais me réveiller.
  • 15:06 - 15:09
    Mais je me suis jamais réveillé, parce qu'en fait, j'étais réveillé.
  • 15:20 - 15:22
    (CG) Et le lien avec vos filles?
  • 15:22 - 15:27
    Maintenant, il y a eu dix ans qui sont passés, donc vous les avez vécues, ces dix nouvelles années.
  • 15:28 - 15:30
    (MR) Alors, elles ont pas été faciles au début, ben heuh
  • 15:30 - 15:33
    mais maintenant, je dirais que c'est... c'est top.
  • 15:35 - 15:38
    (CG) Parce qu'elles avaient du mal, pour elles, de voir qu'elles avaient un papa qui s'....
  • 15:38 - 15:41
    qui avait oublié les souvenirs de leur vie, quoi?
  • 15:42 - 15:53
    (MR) Effectivement, et je pense que... elles ont beaucoup plus mal vécu que moi ce....
  • 15:53 - 15:56
    je peux essayer de m'imaginer,
  • 15:56 - 16:02
    mais ça doit être très dur que son père se souvient pas ou... ça doit être dur.
  • 16:02 - 16:04
    (CG) Ou son père ne nous reconnaît pas...
  • 16:04 - 16:08
    (MR) Alors ça, il n'y a même pas de commentaire, quoi.
  • 16:08 - 16:12
    Très honnêtement, ben voilà, je m'étais concentré sur un truc,
  • 16:13 - 16:16
    ben voilà, bêtement, ce qui m'a sauvé, comme je disais avant,
  • 16:16 - 16:19
    qui était le meilleur médicament, c'était l'apprentissage de la langue des signes,
  • 16:19 - 16:22
    parce que voilà, c'était, c'est quelque chose d'assez complexe,
  • 16:23 - 16:26
    c'est quelque chose de très passionnant, parce qu'il y a une culture derrière.
  • 16:26 - 16:30
    Donc au moins j'avais ça, et puis c'est vrai que je me suis focalisé là-dessus pour,
  • 16:30 - 16:33
    aussi pour ne pas penser à autre chose.
  • 16:33 - 16:35
    Parce que sitôt que j'avais un moment --
  • 16:35 - 16:37
    ou alors, par exemple, je dévorais les bouquins.
  • 16:38 - 16:40
    Tout à coup, si je travaillais pas,
  • 16:40 - 16:44
    je pouvais passer une journée à plonger dans un bouquin,
  • 16:44 - 16:49
    juste pour ne pas ruminer, repenser à des choses,
  • 16:49 - 16:53
    parce que de toute façon, il n'y avait pas, il n'y avait pas de réponse, parce que --
  • 16:53 - 16:55
    (CG) Mais vous avez pas rencontré, par exemple en Suisse,
  • 16:55 - 16:59
    d'autres personnes amnésiques, qui ont été amnésiques à un moment,
  • 16:59 - 17:01
    ou amnésiques encore, ou --
  • 17:01 - 17:04
    (MR) Alors, j'ai eu des discussions, via les,
  • 17:05 - 17:08
    je veux pas dire réseaux sociaux mais email et tout.
  • 17:09 - 17:12
    Mais d'un, après, de l'autre côté, des fois, ça me faisait aussi un peu peur,
  • 17:12 - 17:14
    parce que je me disais, pour finir, on est...
  • 17:14 - 17:20
    moi, je refusais quelque part, cette situation, donc j'avais pas trop envie...
  • 17:20 - 17:23
    j'avais envie de partager et puis en même temps même, j'avais pas envie.
  • 17:24 - 17:30
    (CG) Perdre comme ça une part, un pan de mémoire, ça rend très fragile, en fait?
  • 17:30 - 17:36
    Sur comment on est avec les autres, ou comment on est avec soi-même?
  • 17:37 - 17:39
    (MR) Ouh, ça décompense totalement.
  • 17:40 - 17:44
    Alors j'essayais des fois de faire bonne figure, bien que ça n'allait pas.
  • 17:48 - 17:53
    Oui, intérieurement, oui, il y a ... tout y passe, quoi.
  • 17:55 - 17:58
    Oui, par contre, oui, oui, en effet, il y a quand même eu des bons points.
  • 17:58 - 18:01
    Ça me tilte maintenant, ça me tilte maintenant, oui.
  • 18:03 - 18:10
    Un bon point, parce que j'aime bien la musique, j'ai redécouvert la musique,
  • 18:10 - 18:14
    dans le sens que, je me rappelle, ben oui,, j'étais, c'est une petite anecdote,
  • 18:14 - 18:16
    j'étais à l'hôpital, j'entendais toujours une chanson, j'ai dit:
  • 18:16 - 18:18
    "Ouah, purée, c'est cool, ça, cette musique,
  • 18:18 - 18:21
    "ah oui, franchement, c'est top! Et il me la faut!"
  • 18:21 - 18:28
    Alors comme la deuxième de mes filles était un peu des mêmes goûts musicaux, hard rock, tout ça,
  • 18:30 - 18:33
    puis un soir, par hasard, elle était en visite chez moi, je lui dis:
  • 18:33 - 18:35
    "Ah, tiens, tiens, regarde, écoute!"
  • 18:36 - 18:40
    "Ah, Papa, c'est Evanescence. Oui mais t'as le disque à la maison."
  • 18:41 - 18:44
    Alors là je lui ai dit: "Purée!"
    "Oui, attends, je te l'apporte."
  • 18:44 - 18:48
    Et puis j'étais sorti de l'hôpital, on a acheté le second qui était sorti,
  • 18:48 - 18:52
    c'était pour le lancement du deuxième, puis je dis:
  • 18:52 - 18:55
    "Ah, purée!" Ah, j'ai redécouvert une partie de mes CD.
  • 18:55 - 19:00
    ♪ Now I will tell you what I've done for you ♪
  • 19:01 - 19:05
    ♪ Fifty thousand tears I've cried ♪
  • 19:06 - 19:11
    ♪ Screaming, deceiving and bleeding for you ♪
  • 19:11 - 19:21
    ♪ And you still won't hear me going under ♪
  • 19:29 - 19:32
    Alors ça, c'était un bon côté, mais il n'y en a pas eu beaucoup, je crois.
  • 19:32 - 19:34
    Mais musicalement, oui.
  • 19:34 - 19:37
    Ou bien alors, relire des bouquins que je me rappelais plus d'avoir lus.
  • 19:38 - 19:41
    (En riant:) C'est les rares points positifs.
  • 19:41 - 19:46
    (CG) Parce que les autres souvenirs alliés à des photos, etc, ça, c'était... horrible?
  • 19:46 - 19:50
    (MR) Je voyais que j'avais vécu ça, mais il y avait... c'était pas palpable.
  • 19:51 - 19:54
    Je vois toujours, par exemple, une photo qui m'avait fait un peu craquer,
  • 19:54 - 19:59
    je l'ai pas ici parce que, oui je la garde un peu précieusement,
  • 19:59 - 20:02
    c'est la dernière de mes filles qui est sur une plage, c'était du côté de Sète,
  • 20:02 - 20:04
    parce que c'est mes filles qui m'ont raconté,
  • 20:05 - 20:08
    puis elle est toute petite, elle a, quoi, 2-3 ans, les cheveux tout blonds,
  • 20:08 - 20:11
    puis elle lève le doigt au ciel, puis elle est en train de marcher sur la plage.
  • 20:11 - 20:13
    C'est vraiment une photo, moi, qui m'a...
  • 20:14 - 20:17
    j'ai dit "Purée, j'ai vécu ça, et c'est moi qui l'ai pris en photo comme ça."
  • 20:17 - 20:22
    Et ne pas palper le moment, c'est plus que frustrant, ça fait mal
  • 20:24 - 20:27
    Alors maintenant, je peux le voir, parce que je vois ça d'une manière différente,
  • 20:27 - 20:29
    ben voilà, c'est....
  • 20:29 - 20:32
    (CG) C'est-à-dire que maintenant, si, d'un coup de baguette magique
  • 20:32 - 20:33
    la mémoire vous revenait?
  • 20:33 - 20:36
    Est-ce que ce serait encore une envie, ou maintenant, c'est OK?
  • 20:37 - 20:43
    (MR) Alors, ça, ça a toujours été ma... peut-être maintenant, pas vraiment, non, parce que...
  • 20:43 - 20:45
    mais à l'époque, c'était une angoisse, parce que je me dis:
  • 20:45 - 20:48
    "Mais si ça me revient, donc les souvenirs
  • 20:48 - 20:53
    "que je me suis fabriqués avec ce qu'on m'a dit et la réalité,
  • 20:53 - 20:57
    "ça va être le Big Bang à l'intérieur et je sais pas comment je vais m'en sortir."
  • 20:58 - 21:01
    Alors si -- (CG) Ou encore une autre, un autre monde, ou quoi?
  • 21:01 - 21:04
    (MR) Voilà, je sais pas si, (en riant:) je sais pas si j'aurais résisté. (Il rit)
  • 21:04 - 21:06
    (CG) On ne sait plus qui on est, là, du coup.
  • 21:06 - 21:11
    (MR) Exactement. Par contre, là, quand je vois mes filles, qu'elles sont petites,
  • 21:11 - 21:16
    ça, c'est des souvenirs qui sont bien là, quand elles sont les deux en pyjama, là, c'est --
  • 21:16 - 21:17
    (CG) Ça, vous vous en rappelez?
  • 21:17 - 21:19
    (MR) Ah oui, parce que ça, je me rappelle, j'avais fait ces photos,
  • 21:19 - 21:25
    elles avaient reçu leur pyjama, là c'était... c'est, oui, c'était des moments.
  • 21:25 - 21:26
    Alors quand elles sont toutes petites, ben voilà.
  • 21:27 - 21:30
    Puis, j'ai plein de souvenirs, c'est très riche,
  • 21:30 - 21:32
    puis après, pouf, y a plus rien, c'est collé.
  • 21:32 - 21:36
    J'avais essayé différentes thérapies, d'acuponcture, d'hypnose,
  • 21:36 - 21:39
    enfin je crois qu'on a tout essayé (il rit).
  • 21:39 - 21:49
    Mais ça n'a pas fonctionné. (musique 2 notes etc)
  • 21:49 - 21:52
    (CG Vous avez quel rapport avec votre mémoire? Vou voulez...
  • 21:52 - 21:56
    (MR) Ah, je me suis adapté, mais je sais que ma mémoire, j'allais dire, à court terme,
  • 21:56 - 22:01
    alors elle, elle est... elle est défaillante, quoi.
  • 22:02 - 22:05
    Et puis ça, depuis mon accident, vraiment, c'est catastrophique.
  • 22:06 - 22:10
    Alors j'ai pris le... au début, ben quand j'écrivais tout dans mes cahiers, ben c'était simple,
  • 22:10 - 22:12
    il'y avait qu'à retourner les pages, et puis je savais ce que j'avais fait.
  • 22:13 - 22:17
    Par exemple, je prends un exemple, à mon travail, en fin de journée,
  • 22:17 - 22:19
    on fait son rapport de la journée, rapport de travail de la journée,
  • 22:20 - 22:23
    je suis toujours en train de tourner les pages de ce que j'ai fait,
  • 22:23 - 22:25
    parce que je note ce que je fais.
  • 22:25 - 22:30
    "Autant, mais euh," du moment que j'ai fini, "ben tu vois, il y a ça, il y a ça il y a ça. OK, c'est bon?"
  • 22:31 - 22:34
    Après, je sais pas, par exemple la matinée de travail,
  • 22:34 - 22:38
    OK, on mange ou bien on se boit un café, un truc comme ça:
  • 22:38 - 22:42
    "Euh, attends voir j'ai fait quoi, ce matin, déjà?"
  • 22:44 - 22:49
    Alors des fois je me rappelle, des fois pas. Alors je triche (il rit).
  • 22:49 - 22:53
    (CG) Vous notez? Mais par contre, faire à manger, tout ça, c'est pas oublié?
  • 22:53 - 22:59
    (MR) Ah, la cuisine et moi, ça c'est... c'est une longue histoire, j'ai une histoire d'amour.
  • 23:01 - 23:03
    Et puis j'adore cuisiner, c'est ma passion.
  • 23:03 - 23:07
    (CG) Et la mémoire, des fois aussi, de, on va dire, émotionnelle?
  • 23:08 - 23:11
    Celle-là, elle a été un peu touchée, on va dire?
  • 23:13 - 23:20
    (MR) Oui... oui. J'aime pas trop en parler; (en riant) j'aime pas trop en parler.
  • 23:22 - 23:27
    J'ai... j'ai beaucoup caché de choses, dans le sens, au niveau des émotions,
  • 23:27 - 23:37
    parce que j'osais pas le montrer, je sais pas, on... se gêne...
  • 23:40 - 23:44
    Oui, j'aime pas trop en parler. (En riant:) Je garderai ça pour moi.
  • 23:44 - 23:46
    (CG) Ça a changé votre manière de voir la vie?
  • 23:47 - 23:56
    (MR) Totalement. Euh... aujourd'hui, je mets, oui bon, comme vous êtes,
  • 23:56 - 24:00
    si je prends avant, en tant que, j'avais ma petite entr..., j'aime ma petite boîte
  • 24:00 - 24:04
    et comme ça, on est petit patron, on court d'un côté, d'un autre, on est...
  • 24:04 - 24:06
    je sais pas, il y a déjà eu un.... globalement,
  • 24:06 - 24:10
    un, peut-être un côté matérialiste, un côté financier, enfin...
  • 24:10 - 24:17
    On n'a pas les vraies valeurs que, qu'après une bonne secouée (il rit)
  • 24:17 - 24:19
    (Voix off) Vacarme.
  • 24:19 - 24:27
    (MR) Par contre, j'ai, je dirais j'ai de la chance que... j'ai toujours l'impression d'avoir 25 ans.
  • 24:27 - 24:34
    (musique de générique)
  • 24:34 - 24:39
    (CG) 058 236 236 0 pour me dire comment vous réagissez
  • 24:39 - 24:42
    à ce témoignage d'un homme qui a perdu dix ans de souvenirs
  • 24:43 - 24:45
    Si les dix dernières années de votre vie
  • 24:45 - 24:47
    disparaissaient instantanément de votre mémoire,
  • 24:48 - 24:51
    auriez-vous l'impression d'être la même personne qu'avant?
  • 24:51 - 24:55
    Qu'est-ce qui aurait changé, et qu'est-ce qui serait resté?
  • 24:55 - 24:56
    Appelez-nous dès maintenant
  • 24:56 - 25:03
    pour nous dire ce que cette idée éveille en vous, au 058 236 236 0.
  • 25:03 - 25:06
    (Générique) Vacarme: Marc Giouse, Véronique Marti,
  • 25:06 - 25:10
    Stéphanie Coudray, Diane (check) Dufaux, Matthieu Ramsauer.
  • 25:10 - 25:13
    (CG) Et demain, nous nous rendrons en région parisienne
  • 25:13 - 25:16
    où, dans l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches,
  • 25:16 - 25:18
    une femme tente de renouer les fils abimés
  • 25:18 - 25:22
    de la mémoire de ses patients grâce aux odeurs.
  • 25:22 - 25:26
    (Dr Patty Canac) L'odorat, c'est le sens de l'invisible, qui parle du visible,
  • 25:26 - 25:28
    et c'est aussi ce sens qui nous construit.
  • 25:28 - 25:30
    (Qui?) En fait, ça ajoute de l'émotion,
  • 25:30 - 25:34
    et l'émotion ça nous aide à nous rappeler, à mémoriser
  • 25:34 - 25:36
    et à nous rappeler de ce qu'on nous a dit,
  • 25:36 - 25:39
    alors on peut retrouver des parties de la mémoire qu'on a,
  • 25:39 - 25:41
    qu'on pense qu'on a perdues, mais en fait,
  • 25:41 - 25:44
    elles sont encore dans notre tête, dans un coin,
  • 25:44 - 25:46
    et ce qui est difficile, c'est de trouver
  • 25:46 - 25:48
    où est la mémoire qu'on a perdue.
  • 25:48 - 25:53
    (musique de générique)
Title:
Ma mémoire, c'est moi! (2/5) - RTS Vacarme
Description:

Voir https://www.rts.ch/la-1ere/programmes/vacarme/7424217-vacarme-du-02-02-2016.html :

"...Dix ans sans souvenirs

Suite à une électrocution, Marc Rueger se réveille aphasique et amnésique. Les souvenirs des dix dernières années de sa vie se sont envolés pour toujours. La vie avec sa famille et ses amis devient alors difficile. Comment retrouver le fil de son identité et construire le futur quand son propre passé s’est échappé ? Dix ans après cet accident, alors qu’il s’est patiemment reconstruit, Marc Rueger témoigne pour Vacarme des tours et détours joués par sa mémoire.

Bibliographie:

Mémoire sans paroles, Marc Rueger, Faits divers

Reportage: Cécile Guérin

Réalisation: Matthieu Ramsauer

Production: Véronique Marti"

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Video Language:
French
Team:
Captions Requested
Duration:
27:03

French subtitles

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