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Ce que nous ne savons pas sur les enfants musulmans en Europe

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    Enfant,
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    je savais que j'avais
    des super-pouvoirs.
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    C'est vrai !
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    (Rires)
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    Je pensais que c'était vraiment formidable
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    car je pouvais comprendre et corréler
    avec les sentiments des « marrons »,
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    comme mon grand-père,
    un musulman conservateur.
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    Je pouvais, aussi, comprendre ma mère
    afghane et mon père pakistanais,
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    pas très religieux mais ouvert
    et plutôt libéral.
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    Et bien sûr, je pouvais corréler
    avec les sentiments des « blancs »,
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    les Norvégiens blancs de mon pays.
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    Vous savez, blancs, marrons, qu'importe...
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    je les aime tous.
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    Je les comprenais tous, même si ce
    n'était pas toujours le cas entre eux.
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    Ils étaient tous des miens.
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    Pourtant, mon père
    était toujours très inquiet.
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    Il disait toujours que,
    même avec la meilleure éducation,
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    je n'allais pas être traitée
    avec équité.
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    J'allais quand même, selon lui,
    faire l'objet de discrimination,
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    et que la seule façon d'être
    acceptée par les blancs,
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    serait de devenir célèbre.
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    Notez bien qu'il a eu cette conversation
    avec moi quand j'avais sept ans.
  • 1:07 - 1:08
    (Riant)
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    Donc... À sept ans, il me dit :
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    « Écoute, c'est soit le sport,
    soit la musique ! ».
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    Il ne connaissait rien au sport
    - béni soit-il -, donc ce fut la musique.
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    Donc, à sept ans, il rassembla
    tous mes jouets, toutes mes poupées,
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    et s'en débarrassa.
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    En échange, il me donna
    un petit clavier Casio minable,
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    et... (Rires) ... Oui !
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    ...et des cours de chant,
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    et, en gros, il me força à pratiquer
    pendant des heures, tous les jours.
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    Très vite, il me fit chanter devant
    un public de plus en plus large,
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    et, bizarrement, je devins presque
    une espèce d'enfant-modèle
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    du multiculturalisme norvégien.
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    J'étais très fière, bien sûr, parce que
    même les journaux, à cette époque,
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    commençaient à dire du bien
    des « marrons »
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    donc, je pouvais sentir
    que mon super-pouvoir grandissait.
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    À 12 ans,
    en revenant de l'école,
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    j'ai fait un petit détour
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    car je voulais acheter mes bonbons
    préférés appelés « Salty Feet ».
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    Je sais, ça peut paraître
    plutôt détestable... (Rires)
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    mais je les adore !
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    Ce sont ces petits morceaux
    de réglisse salés en forme de pied.
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    Maintenant que je le dis tout haut,
    je réalise, c'est terrible !
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    (Rires)
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    Quoi qu'il en soit, j'en raffole.
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    Donc, au moment d'entrer
    dans le magasin,
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    il y avait cet adulte blanc
    dans l'embrasure,
  • 2:33 - 2:34
    me bloquant le passage.
  • 2:34 - 2:39
    J'ai, donc, essayé de le contourner.
    Et ce faisant, il m'a arrêtée.
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    Il m'a regardée...
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    Et il m'a craché
    au visage, en disant :
  • 2:44 - 2:49
    « Écarte-toi de mon chemin, petite pétasse
    noire ! Petite salope pakistanaise !
  • 2:49 - 2:51
    Va-t-en ! Retourne chez toi,
    d'où tu viens ! ».
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    J'étais complètement horrifiée !
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    Mes yeux étaient fixés sur lui.
  • 2:56 - 3:00
    J'étais trop effrayée pour enlever
    la salive de mon visage,
  • 3:00 - 3:02
    quand bien même
    elle se mélangeait à mes larmes.
  • 3:02 - 3:06
    Je me souviens avoir regardé autour,
    espérant à tout moment, maintenant,
  • 3:06 - 3:09
    qu'un adulte allait venir
    et le faire cesser.
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    Mais les gens continuaient à me dépasser
    en hâte, en prétendant ne pas me voir.
  • 3:14 - 3:17
    J'étais vraiment désorientée
    parce que je pensais :
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    « Enfin... Mes blancs, allez !
  • 3:20 - 3:25
    Où sont-ils ? Que se passe-t-il ?
    Pourquoi ne viennent-ils pas me sauver ? »
  • 3:25 - 3:27
    Inutile de dire que je n'ai pas
    acheté les bonbons.
  • 3:27 - 3:30
    J'ai juste couru à la maison
    aussi vite que j'ai pu.
  • 3:30 - 3:33
    Tout allait bien, du moins, pensais- je.
  • 3:33 - 3:36
    Avec le temps, j'ai eu
    de plus en plus de succès,
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    et j'ai commencé à susciter aussi
    le harcèlement des « marrons ».
  • 3:42 - 3:43
    Dans la communauté
    de mes parents,
  • 3:43 - 3:47
    certains estimaient
    inacceptable et déshonorant
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    pour une femme,
    d'être dans la musique,
  • 3:50 - 3:53
    et d'être si présente dans les médias.
  • 3:53 - 3:59
    Très vite, donc, j'ai commencé à être
    attaquée dans mes propres concerts.
  • 3:59 - 4:01
    Je me souviens un des concerts,
    j'étais sur scène.
  • 4:01 - 4:04
    Je me penche vers le public
  • 4:04 - 4:07
    et la dernière chose que je vois,
    c'est la figure d'un jeune marron,
  • 4:07 - 4:11
    et tout ce que je sais, c'est qu'un
    produit chimique est lancé dans mes yeux.
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    Et je me souviens que je ne voyais
    plus rien et mes yeux pleuraient,
  • 4:15 - 4:17
    mais je continuais à chanter.
  • 4:17 - 4:22
    On m'a craché au visage dans les rues
    d'Oslo, cette fois-là, un marron.
  • 4:22 - 4:26
    Ils ont même tenté, une fois,
    de me kidnapper.
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    Les menaces de mort étaient incessantes.
  • 4:28 - 4:31
    Je me souviens qu'un barbu plus âgé
    m'a arrêtée, une fois, dans la rue
  • 4:31 - 4:35
    en disant : « Je vous hais vraiment
    parce que vous faites penser à nos filles
  • 4:35 - 4:38
    qu'elles peuvent faire
    tout ce qu'elles veulent. »
  • 4:39 - 4:42
    Un gars plus jeune m'a averti
    de surveiller mes arrières, en disant :
  • 4:42 - 4:45
    « La musique est non-islamique
    et le travail des putains.
  • 4:45 - 4:49
    Si vous continuez, vous allez être violée,
    et votre estomac va être tranché
  • 4:49 - 4:53
    afin que vous ne puissiez pas engendrer
    une autre putain comme vous. »
  • 4:54 - 4:57
    De nouveau, j'étais si désorientée !
    Je ne comprenais pas ce qui se passait.
  • 4:57 - 5:00
    Mes marrons maintenant, commençaient
    à me traiter de cette façon.
  • 5:00 - 5:02
    Comment cela se faisait-il ?
  • 5:02 - 5:05
    Au lieu de rapprocher les mondes,
    les deux mondes,
  • 5:05 - 5:08
    c'était comme si je tombais
    entre mes deux mondes.
  • 5:08 - 5:12
    Je suppose que le crachat était
    pour moi, comme la kryptonite.
  • 5:13 - 5:15
    Dès l'âge de 17 ans,
  • 5:15 - 5:18
    les menaces de mort étaient continues
    et le harcèlement constant.
  • 5:18 - 5:21
    C'est devenu si grave qu'un jour,
    ma mère m'a fait asseoir et a dit :
  • 5:21 - 5:24
    « Nous ne pouvons plus te protéger,
    assurer ta sécurité.
  • 5:24 - 5:26
    Il va falloir que tu partes. »
  • 5:26 - 5:31
    J'ai acheté un aller simple pour Londres.
    J'ai fait ma valise et je suis partie.
  • 5:32 - 5:36
    Ma plus grande peine, à ce moment,
    c'est que personne n'a rien dit.
  • 5:36 - 5:39
    Mon départ de la Norvège
    a été très médiatisé.
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    Mes marrons... Mes blancs...
    Personne n'a rien dit.
  • 5:43 - 5:46
    Personne n'a dit :
    « Attends ! Ce n'est pas juste ! »
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    « Supportez, protégez cette fille
    car c'est une des nôtres ! »
  • 5:50 - 5:51
    Personne n'a dit ça.
  • 5:51 - 5:55
    Je me sentais plutôt comme,
    vous savez, à l'aéroport,
  • 5:55 - 5:59
    sur le carrousel des bagages, vous avez
    ces valises qui tournent et tournent,
  • 5:59 - 6:02
    et il y a toujours
    cette unique valise, à la fin,
  • 6:02 - 6:05
    celle que personne ne veut,
    celle que personne ne vient réclamer.
  • 6:05 - 6:07
    Je me sentais comme ça.
  • 6:07 - 6:11
    Je ne me suis jamais sentie
    aussi seule, ni aussi perdue !
  • 6:12 - 6:14
    Donc, après mon arrivée à Londres,
  • 6:14 - 6:17
    j'ai finalement repris
    ma carrière musicale.
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    Un nouveau lieu, mais, malheureusement,
    la même vieille histoire.
  • 6:21 - 6:24
    Je me souviens d'un message
    disant que j'allais être tuée
  • 6:24 - 6:28
    et que des rivières de sang
    allaient se mettre à couler,
  • 6:28 - 6:31
    et que j'allai être violée
    plusieurs fois avant de mourir.
  • 6:31 - 6:35
    À ce point, je dois dire que je commençais
    à avoir l'habitude de tels messages.
  • 6:35 - 6:37
    Mais ce qui était différent,
  • 6:37 - 6:41
    c'était que maintenant, ils commençaient
    à menacer ma famille.
  • 6:41 - 6:43
    Donc, j'ai de nouveau fait ma valise.
  • 6:43 - 6:46
    J'ai quitté la musique
    et j'ai déménagé aux États-Unis.
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    J'en avais assez.
  • 6:48 - 6:50
    Je voulais ne plus rien
    avoir à faire avec tout ceci.
  • 6:50 - 6:53
    Je n'allais sûrement pas être tuée
    pour quelque chose
  • 6:53 - 6:57
    qui n'était même pas mon rêve,
    mais le choix de mon père.
  • 6:58 - 7:00
    Alors...
  • 7:00 - 7:03
    Je me suis un peu perdue,
    effondrée en quelque sorte.
  • 7:03 - 7:05
    Mais j'ai décidé
    que ce que je voulais faire,
  • 7:05 - 7:09
    c'est de passer les années
    qu'il me reste à vivre
  • 7:09 - 7:12
    à aider les jeunes et essayer d'être là,
  • 7:12 - 7:15
    ne serait-ce qu'un peu,
    de toutes les façons possibles.
  • 7:15 - 7:18
    J'ai donc commencé à faire du bénévolat
    pour différentes organisations
  • 7:18 - 7:23
    travaillant avec les jeunes musulmans
    à l'intérieur de l'Europe.
  • 7:24 - 7:26
    Et, à ma grande surprise,
  • 7:26 - 7:32
    j'ai découvert qu'un si grand nombre
    de ces jeunes souffraient et peinaient.
  • 7:32 - 7:36
    Ils faisaient face à tant de problèmes
    avec leurs familles et communautés
  • 7:36 - 7:40
    qui semblaient plus concernées
    par leur honneur et leur réputation,
  • 7:40 - 7:43
    que par le bonheur et la vie
    de leurs propres enfants.
  • 7:44 - 7:46
    J'ai senti que peut-être,
    je n'étais pas si seule,
  • 7:46 - 7:48
    et que je n'étais pas si bizarre.
  • 7:48 - 7:51
    Peut-être existait-il beaucoup plus
    de gens comme moi.
  • 7:51 - 7:53
    Ce que la plupart des gens
    ne comprennent pas,
  • 7:54 - 7:58
    c'est qu'il y en a tant d'entre nous
    qui avons grandi en Europe,
  • 7:58 - 8:00
    qui ne sommes pas libres
    d'être nous-mêmes.
  • 8:00 - 8:03
    On ne nous permet pas
    d'être qui nous sommes.
  • 8:03 - 8:07
    Nous ne sommes pas libres
    de nous marier,
  • 8:07 - 8:10
    ou d'être en relation avec les gens
    que nous choisissons.
  • 8:10 - 8:12
    On ne peut pas
    choisir notre carrière.
  • 8:12 - 8:16
    C'est la norme chez les musulmans
    du cœur de l'Europe.
  • 8:16 - 8:20
    Même dans les sociétés les plus libres
    du monde, nous ne sommes pas libres.
  • 8:20 - 8:24
    Nos vies, nos rêves, nos futurs
    ne nous appartiennent pas.
  • 8:24 - 8:27
    Ils appartiennent à nos parents
    et leurs communautés.
  • 8:27 - 8:31
    J'ai découvert d'innombrables
    histoires de jeunes,
  • 8:31 - 8:34
    qui sont perdus pour nous tous,
  • 8:34 - 8:36
    qui sont invisibles pour nous tous,
  • 8:36 - 8:40
    mais qui souffrent,
    et qui souffrent seuls,
  • 8:40 - 8:42
    - des gamins que nous perdons
    dans des mariages forcés,
  • 8:42 - 8:45
    dans la violence et les abus
    basés sur l'honneur.
  • 8:45 - 8:49
    En fait, j'ai réalisé après plusieurs
    années avec ces jeunes,
  • 8:49 - 8:51
    que je ne pourrai pas continuer,
  • 8:51 - 8:56
    que je ne peux pas passer le reste
    de ma vie, effrayée, dissimulée,
  • 8:56 - 8:59
    et que j'allais devoir
    faire quelque chose.
  • 9:00 - 9:03
    Et j'ai aussi réalisé
    que mon silence, notre silence,
  • 9:03 - 9:06
    permet à de tels abus de continuer.
  • 9:06 - 9:10
    J'ai donc décidé de mettre à profit
    mes super-pouvoirs de mon enfance,
  • 9:11 - 9:15
    en essayant de faire comprendre aux gens
    de chaque côté de ces problèmes,
  • 9:15 - 9:20
    ce que c'est d'être une jeune personne
    coincée entre votre famille et votre pays.
  • 9:21 - 9:24
    Alors, j'ai commencé à faire des films,
    et à raconter ces histoires.
  • 9:25 - 9:29
    Je voulais aussi que les gens comprennent
    quelles sont les conséquences fatales
  • 9:29 - 9:32
    de ne pas prendre
    ces problèmes au sérieux.
  • 9:32 - 9:35
    Le premier film effectué
    fut sur Banaz.
  • 9:35 - 9:39
    C'était une jeune fille kurde,
    de 17 ans, à Londres.
  • 9:40 - 9:43
    Elle était obéissante, faisait tout
    ce que ses parents voulaient.
  • 9:43 - 9:45
    Elle essayait de tout faire bien.
  • 9:45 - 9:48
    Elle s'est mariée à quelqu'un,
    choisi par ses parents,
  • 9:48 - 9:51
    bien qu'il la frappait
    et la violait constamment.
  • 9:52 - 9:55
    Quand elle demandait
    l'aide de sa famille, ils disaient :
  • 9:55 - 9:57
    « Tu dois retourner
    et être une meilleure épouse »,
  • 9:57 - 10:00
    car ils ne voulaient pas avoir
    une fille divorcée sur le dos
  • 10:00 - 10:03
    car, bien sûr, cela apporterait
    le déshonneur sur la famille.
  • 10:04 - 10:07
    Elle était frappée si violemment
    que ses oreilles saignaient.
  • 10:07 - 10:12
    Quand, finalement, elle partit
    et trouva un jeune homme de son choix,
  • 10:12 - 10:14
    dont elle tomba amoureuse,
  • 10:14 - 10:16
    la communauté et la famille l'apprirent,
  • 10:16 - 10:18
    et elle disparut.
  • 10:18 - 10:21
    Elle fut découverte
    trois mois plus tard.
  • 10:21 - 10:26
    Elle avait été empaquetée dans une valise
    et enterrée sous la maison.
  • 10:28 - 10:33
    Elle avait été étranglée,
    et frappée à mort
  • 10:33 - 10:37
    par trois hommes, trois cousins,
    sur l'ordre de son père et de son oncle.
  • 10:38 - 10:40
    Le plus tragique dans l'histoire de Banaz,
  • 10:40 - 10:43
    c'est qu'elle s'était rendue
    à la police, en Angleterre,
  • 10:43 - 10:46
    cinq fois pour chercher de l'aide,
  • 10:46 - 10:49
    leur disant qu'elle allait
    être tuée par sa famille.
  • 10:49 - 10:53
    La police ne l'a pas crue
    donc, ils n'ont rien fait.
  • 10:53 - 10:54
    Le problème dans tout cela,
  • 10:54 - 10:59
    c'est que, non seulement beaucoup
    de nos gamins rencontrent ces problèmes
  • 10:59 - 11:02
    au sein de leurs familles
    et des communautés de leurs familles,
  • 11:02 - 11:08
    mais ils rencontrent aussi
    l'incompréhension et l'apathie
  • 11:08 - 11:11
    dans les pays où ils ont grandi.
  • 11:12 - 11:14
    Quand leurs propres familles
    les trahissent,
  • 11:14 - 11:16
    ils se tournent vers
    le reste d'entre nous.
  • 11:16 - 11:18
    Et quand nous ne comprenons pas,
  • 11:18 - 11:21
    nous les perdons...
  • 11:21 - 11:24
    Pendant que je faisais ce film,
    plusieurs personnes m'ont dit :
  • 11:24 - 11:27
    « Tu sais, Deeyah,
    c'est simplement leur culture.
  • 11:27 - 11:29
    C'est ce que ces gens
    font à leurs enfants,
  • 11:29 - 11:32
    et nous ne pouvons pas
    vraiment interférer. »
  • 11:32 - 11:36
    Je peux vous assurer qu'être assassiné
    n'est pas dans ma culture,
  • 11:36 - 11:39
    vous savez, et sans doute,
    celles qui me ressemblent,
  • 11:39 - 11:42
    les jeunes femmes venant
    des mêmes milieux que moi,
  • 11:42 - 11:46
    devraient être l'objet des mêmes droits
    et des mêmes protections
  • 11:46 - 11:50
    que n'importe qui dans notre pays,
    pourquoi ne serait-ce pas le cas ?
  • 11:50 - 11:54
    Donc, pour mon film suivant,
  • 11:54 - 11:55
    je voulais essayer de comprendre
  • 11:55 - 11:58
    pourquoi certains de nos jeunes
    musulmans, en Europe,
  • 11:58 - 12:01
    sont attirés par l'extrémisme
    et la violence.
  • 12:01 - 12:03
    Mais, avec ce sujet, j'ai aussi réalisé
  • 12:03 - 12:06
    que j'allais devoir
    faire face à ma pire peur :
  • 12:07 - 12:10
    les marrons à barbe !
  • 12:11 - 12:17
    Des hommes comme ceux qui m'ont harcelée
    la plus grande partie de ma vie,
  • 12:18 - 12:20
    des hommes dont j'ai eu peur
    la majeure partie de ma vie,
  • 12:20 - 12:23
    des hommes que j'ai aussi
    profondément détestés,
  • 12:23 - 12:25
    pendant de très nombreuses années !
  • 12:25 - 12:29
    J'ai donc passé les deux années suivantes
    à interviewer des terroristes condamnés,
  • 12:29 - 12:32
    des djihadistes et d'anciens extrémistes.
  • 12:32 - 12:35
    Ce que je savais déjà,
    ce qui était déjà très clair,
  • 12:35 - 12:40
    c'est que la religion, la politique,
    le bagage colonial de l'Europe,
  • 12:40 - 12:44
    et les échecs de la politique extérieure
    occidentale de ces dernières années,
  • 12:45 - 12:46
    faisaient tous partie du tableau.
  • 12:47 - 12:49
    Mais, ce qui m'intéressait plus,
  • 12:49 - 12:52
    c'était découvrir les raisons
    humaines et personnelles
  • 12:52 - 12:56
    pour lesquelles certains de nos jeunes
    sont réceptifs à de tels groupes.
  • 12:57 - 13:03
    Et ce qui m'a vraiment surprise, c'est que
    j'ai découvert des êtres blessés.
  • 13:04 - 13:06
    Au lieu des monstres
    que je souhaitais trouver
  • 13:06 - 13:11
    - que j'espérais trouver, honnêtement,
    car cela aurait été très gratifiant -
  • 13:11 - 13:13
    j'ai découvert des gens brisés.
  • 13:14 - 13:15
    Tout comme Banaz,
  • 13:15 - 13:18
    j'ai trouvé que ces jeunes
    hommes étaient déchirés
  • 13:18 - 13:21
    pour avoir essayé de combler le fossé
  • 13:21 - 13:25
    entre leurs familles et le pays
    dans lequel ils étaient nés.
  • 13:26 - 13:29
    J'ai appris, aussi, que les groupes
    extrémistes, terroristes,
  • 13:29 - 13:33
    profitent précisément
    de ces sentiments de nos jeunes,
  • 13:33 - 13:36
    et canalisent ceux-ci de façon cynique,
    vers la violence.
  • 13:36 - 13:38
    « Venez à nous ! » disent-ils,
  • 13:38 - 13:41
    « Rejetez les deux côtés,
    votre famille et votre pays,
  • 13:41 - 13:43
    parce qu'ils vous rejettent !
  • 13:43 - 13:46
    Pour votre famille, leur honneur
    est plus important que vous.
  • 13:46 - 13:47
    Et pour votre pays,
  • 13:47 - 13:53
    un vrai Norvégien, Britannique ou Français
    sera toujours un blanc, jamais vous ! »
  • 13:54 - 13:58
    Ils promettent aussi à nos jeunes,
    les choses dont ils ont soif :
  • 13:58 - 14:02
    importance, héroïsme, un sentiment
    d'appartenance et une motivation,
  • 14:02 - 14:05
    une communauté qui les aime
    et les accepte.
  • 14:05 - 14:08
    Ils donnent au faible
    le sentiment d'être fort.
  • 14:08 - 14:14
    Ceux qui étaient invisibles et silencieux
    sont enfin vus et entendus.
  • 14:15 - 14:18
    C'est cela qu'ils procurent à nos jeunes.
  • 14:18 - 14:22
    Pourquoi ces groupes procurent-ils cela
    à nos jeunes et pas nous ?
  • 14:23 - 14:28
    Le point est que
    je n'essaie pas de justifier
  • 14:28 - 14:31
    ou excuser quoi que ce soit
    de la violence.
  • 14:31 - 14:35
    Ce que j'essaie de dire,
    c'est que nous devons comprendre
  • 14:35 - 14:39
    pourquoi certains de nos jeunes
    sont attirés par ça.
  • 14:40 - 14:42
    En fait, je voudrais aussi vous montrer :
  • 14:42 - 14:46
    ce sont des photos d'enfance
    de certains de ces hommes dans le film.
  • 14:47 - 14:51
    Ce qui m'a vraiment frappée,
    c'est qu'un si grand nombre d'entre eux
  • 14:51 - 14:53
    - jamais je n'aurais pensé cela -
  • 14:53 - 14:56
    mais un si grand nombre d'entre eux
    ont des pères absents ou abusifs.
  • 14:57 - 14:59
    Et plusieurs de ces jeunes
  • 14:59 - 15:03
    finissent par trouver des images
    de père attentif et compatissant,
  • 15:03 - 15:06
    à l'intérieur de ces groupes extrémistes.
  • 15:06 - 15:10
    J'ai aussi découvert des hommes
    brutalisés par la violence raciste,
  • 15:10 - 15:14
    qui ont cessé de se sentir victimes
    en devenant eux-mêmes violents.
  • 15:14 - 15:19
    En fait, j'ai trouvé, avec horreur,
    quelque chose que j'ai bien reconnu.
  • 15:19 - 15:26
    J'ai trouvé le même sentiment que j'avais
    ressenti, à 17 ans, en fuyant la Norvège :
  • 15:26 - 15:30
    la même confusion, la même tristesse,
  • 15:30 - 15:34
    le même sentiment de trahison,
  • 15:35 - 15:38
    et de n'être à ma place nulle part,
  • 15:39 - 15:42
    le même sentiment d'être perdu,
    et déchiré entre deux cultures.
  • 15:43 - 15:45
    Cela dit, je n'ai pas choisi
    la destruction.
  • 15:45 - 15:48
    J'ai choisi de prendre la caméra
    au lieu du fusil.
  • 15:48 - 15:51
    Et je l'ai fait à cause
    de mes super-pouvoirs.
  • 15:51 - 15:56
    Je pouvais voir que comprendre
    est la réponse, plutôt que la violence :
  • 15:56 - 15:58
    voir les êtres humains,
  • 15:58 - 16:02
    avec toutes leurs vertus
    et toutes leurs faiblesses,
  • 16:02 - 16:04
    au lieu de continuer à caricaturer :
  • 16:04 - 16:06
    nous et eux,
    les méchants et les victimes.
  • 16:06 - 16:09
    J'ai finalement accepté le fait
  • 16:09 - 16:12
    que mes deux cultures n'avaient pas à être
    sur une trajectoire de collision,
  • 16:12 - 16:16
    mais, au contraire, sont devenues
    un espace où je trouve ma propre voix.
  • 16:16 - 16:19
    J'ai cessé de sentir comme
    si je devais choisir un camp,
  • 16:19 - 16:21
    mais cela m'a pris des années
    et des années.
  • 16:22 - 16:26
    Il y a tant de nos jeunes, aujourd'hui,
    aux prises avec ces mêmes problèmes...
  • 16:26 - 16:29
    Et ils luttent seuls.
  • 16:29 - 16:32
    Ce sont des écorchés vifs.
  • 16:33 - 16:36
    Et pour certains, la vision du monde
    de l'Islam radical
  • 16:36 - 16:40
    devient une infection
    qui suppure dans ces plaies ouvertes.
  • 16:41 - 16:45
    Un proverbe africain dit :
  • 16:46 - 16:49
    « Si les jeunes ne sont pas
    initiés au village,
  • 16:49 - 16:53
    ils le brûleront
    rien que pour ressentir sa chaleur. »
  • 16:53 - 16:56
    Je souhaiterais demander
  • 16:56 - 16:58
    aux parents musulmans
    et aux communautés musulmanes :
  • 16:58 - 17:01
    aimerez-vous
    et prendrez-vous soin de vos enfants
  • 17:01 - 17:03
    sans les forcer
    à répondre à vos attentes ?
  • 17:03 - 17:06
    Pouvez-vous les choisir
    à la place de votre honneur ?
  • 17:06 - 17:09
    Pouvez-vous comprendre
    pourquoi ils sont si en colère et exclus
  • 17:09 - 17:12
    quand vous placez votre honneur
    avant leur bonheur ?
  • 17:13 - 17:15
    Pouvez-vous essayer d'être
    un ami pour votre enfant,
  • 17:15 - 17:17
    afin qu'il vous fasse confiance
  • 17:17 - 17:19
    et désire partager avec vous
    ses expériences,
  • 17:19 - 17:22
    plutôt que d'avoir à chercher
    cela ailleurs ?
  • 17:22 - 17:26
    Et à nos jeunes gens
    tentés par l'extrémisme :
  • 17:27 - 17:31
    pouvez-vous réaliser que votre rage
    est alimentée par la douleur ?
  • 17:32 - 17:35
    Trouverez-vous la force
    de résister à ces vieux hommes cyniques
  • 17:35 - 17:39
    qui souhaitent utiliser votre sang
    pour leurs propres bénéfices ?
  • 17:39 - 17:42
    Pouvez-vous trouver une façon de vivre ?
  • 17:42 - 17:44
    Ne voyez-vous pas que
    la plus douce vengeance,
  • 17:44 - 17:48
    c'est que vous viviez une vie
    heureuse, pleine et libre ?
  • 17:48 - 17:50
    Une vie définie par vous
    et personne d'autre ?
  • 17:51 - 17:55
    Pourquoi ne voulez-vous que devenir
    un autre gamin musulman mort ?
  • 17:55 - 17:57
    Et pour le reste d'entre nous :
  • 17:57 - 18:00
    quand commencerons-nous
    à écouter nos jeunes ?
  • 18:01 - 18:04
    Comment pouvons-nous les soutenir
    en réorientant leur douleur
  • 18:04 - 18:07
    vers quelque chose
    de plus constructif ?
  • 18:07 - 18:11
    Ils pensent que nous ne les aimons pas,
    et nous moquons de ce qui leur arrive,
  • 18:11 - 18:13
    que nous ne les acceptons pas.
  • 18:13 - 18:17
    Pouvons-nous trouver un moyen
    pour qu'ils se sentent autrement ?
  • 18:17 - 18:20
    Que nous faut-il
    pour les voir et les remarquer,
  • 18:20 - 18:25
    avant qu'ils ne deviennent soit
    les victimes, ou les auteurs de violence ?
  • 18:25 - 18:29
    Pouvons-nous nous forcer à nous soucier
    d'eux et les considérer des nôtres ?
  • 18:29 - 18:31
    Et ne pas être en rage seulement
  • 18:31 - 18:34
    quand les victimes
    de violence nous ressemblent ?
  • 18:34 - 18:37
    Pouvons-nous trouver un moyen
    de rejeter la haine
  • 18:37 - 18:39
    et effacer les divisions entre nous ?
  • 18:39 - 18:43
    Nous ne pouvons pas nous permettre de
    nous laisser tomber, nous ou nos enfants,
  • 18:43 - 18:45
    même si, eux, nous ont laissé tomber.
  • 18:45 - 18:47
    Nous sommes tous ensemble là-dedans.
  • 18:47 - 18:53
    À long terme, vengeance et violence
    ne marcheront pas contre les extrémistes.
  • 18:53 - 18:57
    Les terroristes veulent que nous nous
    blottissions de peur dans nos maisons.
  • 18:57 - 18:59
    en fermant nos portes et nos cœurs.
  • 18:59 - 19:03
    Ils veulent que nous ouvrions
    plus de blessures dans nos sociétés,
  • 19:03 - 19:07
    pour pouvoir les utiliser
    et répandre leur infection plus largement.
  • 19:07 - 19:10
    Ils veulent que nous devenions comme eux :
  • 19:10 - 19:13
    intolérants, haineux et cruels.
  • 19:14 - 19:17
    Le lendemain des attaques de Paris,
  • 19:17 - 19:20
    un de mes amis a envoyé
    cette photo de sa fille.
  • 19:21 - 19:23
    C'est une fillette blanche
    avec une fillette arable.
  • 19:23 - 19:25
    Elles sont meilleures amies.
  • 19:25 - 19:30
    Cette image est la kryptonite
    des extrémistes.
  • 19:31 - 19:34
    Ces deux fillettes,
    avec leurs super-pouvoirs
  • 19:34 - 19:36
    montrent la voie à suivre
  • 19:36 - 19:40
    vers une société
    que nous devons construire ensemble,
  • 19:40 - 19:44
    une société qui intègre et soutient,
  • 19:44 - 19:47
    plutôt que de rejeter nos enfants.
  • 19:48 - 19:50
    Je vous remercie
    de m'avoir écoutée.
  • 19:50 - 19:52
    (Applaudissements)

Title:
Ce que nous ne savons pas sur les enfants musulmans en Europe
Speaker:
Deeyah Khan
Description:

Enfant d'une mère afghane et d'un père pakistanais, élevée en Norvège, Deeyah Khan sait ce que c'est d’être une jeune coincée entre sa communauté et son pays. A travers ce discours puissant et plein d'émotion, la réalisatrice fait la lumière sur le sentiment de rejet et d'isolation connu par beaucoup d'enfants musulmans qui grandissent en Occident, et les conséquences fatales de ne pas comprendre notre jeunesse avant qu'elle ne tombe entre les mains des groupes extrémistes.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
20:11

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