Ces bactéries mangent le plastique

Les hommes produisent 300 millions de tonnes de plastique par an. Pourtant, malgré tous nos efforts, moins de 10 % finit par être recyclé. Y a-t-il une meilleure façon de gérer tous ces déchets ? La microbiologiste Morgan Vague étudie des bactéries qui, grâce à certaines adaptations créatives, ont développé la capacité inattendue de digérer le plastique, ce qui pourrait nous aider à résoudre notre problème croissant de pollution plastique.

Le plastique, vous le connaissez tous,
vous ne l'aimez peut-être pas,

mais il y a de fortes chances
que vous vous en serviez tous les jours.

D'ici 2050, les chercheurs estiment

qu'il y aura plus de plastique
dans l'océan que de poissons.

Malgré tous nos efforts,

seulement 9 % du plastique
que nous utilisons est recyclé.

Pire encore, le plastique est
incroyablement résistant et durable,

et les chercheurs estiment

qu'il lui faut entre 500 et 5 000 ans
pour se décomposer totalement.

Il relâche des contaminants dangereux
dans nos océans, nos terres,

notre nourriture, notre eau et en nous.

Alors, comment nous sommes-nous retrouvés
avec tant de déchets plastiques ?

Eh bien, c'est tout simple.

Le plastique est bon marché,
résistant, adaptable,

et on en trouve partout.

Mais la bonne nouvelle,
c'est qu'il existe autre chose

également bon marché,
résistante, adaptable et partout,

et mes recherches montrent
qu'elle pourrait même nous aider

à résoudre notre problème
de pollution plastique.

Je parle des bactéries.

Les bactéries sont des êtres
vivants microscopiques,

invisibles à l'œil nu, qui vivent partout,

dans toutes sortes d'environnements
différents et extrêmes.

De l'estomac humain,
à la terre, la peau,

les évents hydrothermaux pouvant
atteindre des températures de 400 °C,

les bactéries vivent partout,

dans tout un tas de conditions
différentes et extrêmes.

Par conséquent, elles doivent être plutôt
créatives pour trouver leur nourriture.

Elles sont aussi en très grand nombre.

Les chercheurs estiment qu'il y a environ
50 millions de billions de billions -

c'est-à-dire cinq suivi de 30 zéros -

de bactéries sur notre planète.

Donc, sachant que nous, humains,

produisons 300 millions de tonnes
de nouveau plastique par an,

je dirais que la quantité de plastique

est assez comparable
au nombre de bactéries.

Donc, après en tel constat
et la découverte

de toutes les manières créatives
dont les bactéries se nourrissent,

j'ai commencé à me demander :

est-ce que les bactéries vivant dans
un environnement pollué par le plastique

ont trouver le moyen
de l'utiliser comme nourriture ?

Eh bien, c'est la question que j'ai décidé
d'étudier, il y a environ deux ans.

Et, heureusement pour moi,

je viens d'une des villes
les plus polluées des États-Unis,

(En riant) Houston au Texas.

Rien que dans ma ville,
il y a sept sites prioritaires,

désignés par l'Agence
de Protection Environnementale.

Ce sont des sites tellement pollués

que le gouvernement a considéré leur
nettoyage comme une priorité nationale.

J'ai donc décidé d'aller y faire un tour

pour collecter des échantillons
de sol grouillants de bactéries.

J'ai commencé à jouer avec un protocole,

qui est le nom savant
pour une recette de cuisine.

Et ce que j'ai essayé de cuisiner,

c'est un milieu sans carbone,
ou un milieu sans nourriture,

un environnement sans le carbone
ou la nourriture habituels

dont les bactéries ont besoin
pour survivre, comme nous, humains.

Dans cet environnement,
je ne fournissais à mes bactéries

qu'une seule source
de carbone ou de nourriture.

Je nourrissais mes bactéries
de polyéthylène téréphthalate,

autrement dit, du plastique PET.

Ce plastique est le plastic
le plus produit dans le monde.

Il est utilisé dans toutes sortes
de contenants alimentaires,

le plus célèbre étant la bouteille
d'eau en plastique,

que nous, humains, utilisons à ce jour
à un rythme d'un million par minute.

En gros, ce que je faisais,

c'était de soumettre mes bactéries
à un régime forcé de plastique PET

et observer si certaines arrivaient
à survivre, ou mieux, prospérer.

Ce type d'expérience pourrait servir
de dépistage de bactéries

qui se seraient adaptées
à un milieu pollué par le plastique

et auraient développé le don
super cool de manger le plastique PET.

Grâce à ce dépistage,

j'ai pu trouver des bactéries qui avaient,
justement, développé ce don.

Ces bactéries avaient découvert
le moyen de manger le plastique PET.

Alors, comment font-elles ?

Eh bien, c'est plutôt simple.

Tout comme nous, humains,
transformons notre nourriture en sucre

pour en tirer de l'énergie,

mes bactéries font la même chose.

Cependant, mes bactéries ont réussi
à opérer ce processus digestif

avec du plastique PET,
dur, résistant, et pérenne.

Pour ce faire, mes bactéries
utilisent une version spéciale

de ce que nous appelons une « enzyme ».

Les enzymes sont des composés simples
qui existent chez tous les êtres vivants.

Il existe plusieurs sortes d'enzymes,

mais leur rôle essentiel est de faire
progresser certains processus

comme celui de la transformation de la
nourriture en énergie par la digestion.

Par exemple, nous humains, possédons
une enzyme appelée « amylase »,

qui nous aide à digérer des amidons
complexes tels que le pain,

en petits bouts de sucre que nous
pouvons ensuite transformer en énergie.

Mes bactéries ont une enzyme
spéciale appelée « lipase »,

qui s'attache au plastique PET,
dur, résistant et pérenne,

et aide à le dissoudre
en petits morceaux de sucre

que mes bactéries vont ensuite
transformer en énergie.

Essentiellement, ce plastique passe

de l'état de polluant longue durée,
solide et résistant,

à celui de repas délicieux
pour mes bactéries.

C'est plutôt cool, non ?

(Public) Oui !

Etant donnée l'ampleur actuelle
de la pollution plastique,

il me semble que c'est plutôt utile.

Les statistiques que je vous ai données

sur la quantité de déchets plastiques
accumulés sur notre planète

sont impressionnantes.

Elles sont effrayantes.

Et je pense qu'elles montrent
que bien que la réduction,

la réutilisation et le recyclage
soient importants,

à eux seuls, ils ne suffisent pas
à résoudre ce problème.

Et c'est là, je pense, que ces bactéries
pourraient nous aider.

Mais, je comprends bien pourquoi
le concept de cette aide bactérienne

puisse rendre nerveuses
certaines personnes.

Après tout, si le plastique est partout
et que les bactéries le mangent,

n'y a-t-il pas un risque que ces bactéries

se répandent dans la Nature
et créent des ravages ?

En bref, la réponse est non,
et je vais vous dire pourquoi.

Ces bactéries sont déjà
présentes dans notre environnement.

Les bactéries de ma recherche
ne sont pas génétiquement modifiées.

Ce sont des bactéries naturelles

qui se sont simplement adaptées
à leur milieu pollué par le plastique,

et ont développé cette capacité
incroyable de manger le plastique PET.

Donc ce processus est, en fait, naturel.

Mais, il est incroyablement lent,

et il reste encore
beaucoup de travail à faire

pour comprendre comment accélérer
ce processus pour le rendre efficace.

Mes recherches explorent
des manières d'y arriver

grâce à une série
de prétraitements ultraviolets,

ce qui veut dire qu'on inonde
le plastique PET de lumière du soleil,

parce que la lumière du soleil agit un peu
comme de l'attendrisseur sur un bifteck,

rendant les liens forts, résistants
et pérennes dans le plastique PET

un peu plus mous et plus faciles
à mâchouiller pour mes bactéries.

Au final, ce que j'espère atteindre
dans mes recherches,

c'est créer un système fermé
sans carbone à l'échelle industrielle,

une sorte de composteur,

où ces bactéries pourraient
prospérer en milieu fermé,

avec pour unique source de nourriture
les déchets de plastique PET.

Imaginez qu'un jour, vous soyez capables
de jeter tous vos déchets plastiques

dans un bac, au coin de la rue,

destiné à usine de traitement de déchets
plastiques alimentée par des bactéries.

Je pense qu'en travaillant dur,
c'est tout à fait réalisable.

Ces bactéries mangeuses de plastique
ne sont pas la panacée.

Mais, vu les statistiques actuelles,
il est clair que nous, humains,

avons besoin d'un petit coup de main
pour résoudre ce problème.

Parce que, les amis, nous avons
un problème urgent de pollution plastique,

et les bactéries pourraient bien être
une part importante de la solution.

Merci.

(Applaudissements)