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Et si nous éduquions nos enfants à la joie ? | Antonella Verdiani | TEDxVaugirardRoad

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    J'ai dix ans.
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    C'est le jour de l'admission pour
    entrer à l'école de la Scala de Milan.
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    Je monte les marches
    d'un immense escalier
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    qui m'amène
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    à la salle d'examen.
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    J'ai peur !
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    J'ai vraiment très peur,
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    et pendant que je monte,
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    il y a une foule d'enfants magnifiques,
    ce sont les élèves de la Scala
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    qui descendent, ils sont tous beaux,
    parfaits et minces.
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    Moi, qui ne suis ni
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    parfaite ni particulièrement mince,
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    je commence à me sentir différente.
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    Au bout de l'escalier,
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    il y a deux dames
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    au sourire assez figé,
    le même qu'il faut afficher
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    lorsque l'on danse, que l'on a des
    crampes insoutenables au mollet.
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    C'est ça, la danse classique !
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    Elles nous disent :
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    « Voilà, rentrez. »
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    C'est une énorme salle
    avec des énormes miroirs.
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    Et là je vois que nous sommes une
    vingtaine de fillettes, nous sommes
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    toutes assez terrorisées
    par ce lieu austère.
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    Le piano
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    démarre une musique, je me
    souviens, c'était un Nocturne de Chopin.
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    C'était magnifique !
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    Ces dames nous disent :
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    « Là, vous pouvez danser à votre façon,
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    les pieds nus. »
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    Heureusement, je pense, parce
    qu'à ce moment,
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    j'oublie tout ce que j'ai appris
    pendant deux ans de cours
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    et je danse, je m'élance dans
    la danse et je suis
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    portée par la musique
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    et pendant que je danse,
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    j'entends les mots rassurants
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    qu'avait mon professeur,
    mon maestro, Maestro Morucci,
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    lorsqu'il disait : « Écoute, il y a
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    deux choses importantes :
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    la technique et la passion.
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    Le jour viendra où
    elles ne feront plus qu'un.
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    Toi tu as la passion, c'est ton trésor. »
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    Brusquement,
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    la musique avec un claquement de mains
    s'arrête.
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    Maintenant, il faut passer l'inspection
    devant ces deux dames
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    qui ont toujours le même sourire.
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    L'une d'elles commence
    à inspecter mes pieds
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    et mes jambes, surtout mes pieds.
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    Elle commence à les regarder avec
    insistance et elle appelle
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    quelqu'un :
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    sa copine là,
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    sa collègue lui dit quelque chose
    que je ne comprends pas.
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    Elle me dit aussi
    de faire un tour devant elle.
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    Et à ce moment, la même sensation de
    différence, la même qui m'avait prise
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    dans la cage d'escalier
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    lorsque
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    j'étais là en train
    de regarder les élèves,
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    me reprend !
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    Je dois être vraiment quelqu'un de
    bizarre, je pense à mes pieds,
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    ils sont vraiment bizarres !
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    En cachette, je regarde les pieds
    de mes copines qui me semblent,
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    bien sûr, les plus élégants du monde.
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    Heureusement,
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    l'inspection se termine.
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    Maintenant, il faut aller
    dans une autre salle,
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    et celle-ci est une salle de classe.
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    C'est la classe des élèves
    de l'école primaire
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    de la Scala.
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    Et c'est une classe
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    avec de vieux bancs en bois,
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    avec un tableau noir, une salle de classe.
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    « Mettez-vous sur les bancs ! », on nous
    ordonne. « On va faire l'appel. »
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    Et au fur et à mesure que les noms
    sont appelés, on nous indique
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    la droite
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    ou la gauche.
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    Et puis une des dames,
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    toujours le même sourire bien sûr,
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    nous dit : « Maintenant,
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    nous avons pris notre décision :
    ici à notre droite,
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    les élèves que avons sélectionnées
    pour entrer à la Scala et
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    à gauche celles que, malheureusement,
    nous ne pouvons pas retenir.
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    Vous pouvez disposer. »
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    Je suis à gauche.
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    Soudain, je comprends le pourquoi de
    cet examen si approfondi de mes pieds
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    et la confirmation que je suis quelqu'un
    de vraiment bizarre
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    arrive.
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    D'un coup, les larmes commencent
    à couler sur mes joues.
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    Je me souviens, plus que des larmes,
    c'était des sanglots désespérés.
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    Avec ces larmes,
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    j'arrive quand même à descendre
    l'escalier et j'arrive
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    là où ma maman m'attend
    au rez-de-chaussée et je lui dis
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    avec beaucoup de fatigue : « Maman,
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    on m'a refusée. »
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    D'un seul coup, en un claquement de mains,
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    ma vie,
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    mon monde magnifique
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    de petite fille promise à la danse
    s'écroule.
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    De bonne élève,
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    je deviens quelqu'un
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    de mauvais,
    un monstre aux pieds difformes.
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    Aujourd'hui encore,
    je me revois dans le bus
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    qui me ramène à la maison.
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    J'étais en sanglots...
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    Et puis je me revois encore,
    pendant des années où je devais chausser
  • 4:55 - 4:57
    des sandales en été,
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    j'avais honte de mes pieds
    sans savoir pourquoi !
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    Personne ne me l'avait dit !
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    Et puis,
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    encore,
  • 5:04 - 5:07
    pendant au moins dix ans
    après cet épisode,
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    j'avais
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    le cœur qui se serrait à chaque fois
    qu'on m'emmenait voir des spectacles
  • 5:12 - 5:14
    en croyant bien faire,
    des spectacles de danse,
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    ou que je les regardais à la télé.
  • 5:16 - 5:19
    Et là c'était la souffrance
    qui se réveillait à chaque fois,
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    c'était comme si j'avais perdu à jamais
    le sens du mot « être heureuse »,
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    le droit d'être heureuse !
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    Heureusement, le temps a fait son œuvre.
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    Un jour, je me suis libérée
    de ce sortilège de l'échec
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    et j'ai réalisé qu'il y a mille façons
    de danser la vie.
  • 5:40 - 5:41
    Et donc,
  • 5:41 - 5:43
    j'ai réalisé une autre chose :
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    que cet épisode,
    cette blessure d'enfant, n'avait pas
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    brisé
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    une, voire deux choses fondamentales
    pour moi :
  • 5:51 - 5:54
    la capacité de rêver et
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    la joie de vivre,
  • 5:56 - 5:58
    celle que j'avais lorsque je dansais.
  • 5:58 - 6:01
    Donc, jeune adulte et même
    maintenant,
  • 6:01 - 6:06
    j'ai commencé à prendre des cours et
    je continue encore les cours de danse,
  • 6:06 - 6:10
    de danse classique, de tango,
    de tarentelle...
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    Si je vous dis ça, ce n'est pas
    pour vous étaler ma vie.
  • 6:16 - 6:19
    Cela n'a rien d'extraordinaire,
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    c'est normal, c'est banal.
  • 6:23 - 6:26
    Cela m'est arrivé à moi,
    ça peut vous arriver à vous,
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    cela arrivera peut-être à vos enfants.
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    Pour moi, il n'y a absolument rien
    de normal dans tout ça.
  • 6:34 - 6:35
    Cet épisode
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    est la manifestation
    d'une cruauté ordinaire
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    que notre monde,
    notre système éducatif en tête,
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    continue d'infliger aux enfants
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    en tuant leur capacité à rêver.
  • 6:47 - 6:50
    Je ne veux pas être complice de ça.
  • 6:51 - 6:53
    Je ne veux pas être complice de ça.
  • 6:55 - 6:57
    Et donc,
  • 6:57 - 6:59
    lorsque j'ai commencé à
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    pouvoir
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    décider pour moi,
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    je suis allée à l'université.
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    Je suis d'abord
  • 7:07 - 7:09
    allée
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    faire des études doctorales
  • 7:13 - 7:18
    et j'ai écrit une thèse qui
    s'appelle « Éduquer à la joie ».
  • 7:19 - 7:21
    Qu'est-ce que ça veut dire
    « éduquer à la joie » ?
  • 7:21 - 7:23
    J'ai découvert d'abord
  • 7:23 - 7:25
    que la joie
    est ma passion aujourd'hui.
  • 7:25 - 7:28
    Et puis figurez-vous que j'ai
    découvert une chose,
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    c'est que la joie, son mot,
    l'étymologie de « joie »,
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    en sanskrit, c'est « Yuj ».
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    Cela veut dire le lien,
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    c'est la connexion, c'est la reliance.
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    C'est magnifique !
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    Mais qu'est-ce que ça veut
    dire d'être relié ?
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    C'est quoi être relié ?
  • 7:47 - 7:50
    Je pense que c'est très simple.
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    J'ai vu ça chez les enfants, vous
    l'avez vécu aussi, moi je m'en souviens.
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    C'est la mémoire de mon corps qui me
    l'a dit, c'est ce que je vivais, moi,
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    quand je dansais et j'ai vu les enfants,
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    quand ils sont en train de dessiner, de
    jouer, de faire des choses qu'ils aiment
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    particulièrement faire,
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    ils oublient le monde autour d'eux.
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    Ils sont tellement absorbés que vous
    pouvez les appeler pendant deux heures,
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    ils ne vous entendent pas,
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    et en plus, ils sont en train d'apprendre
    sans aucune fatigue.
  • 8:21 - 8:22
    C'est génial !
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    Cette reliance
    me ramène à ce que j'ai vécu
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    lorsque je dansais sans fatigue.
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    C'était
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    être en contact direct
  • 8:32 - 8:33
    avec
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    le monde, avec le ciel et la terre,
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    avec les animaux, les fleurs,
    avec les gens, avec vous !
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    Qu'est-ce que ça a
    à voir avec l'éducation ?
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    Beaucoup !
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    parce qu'imaginez,
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    si on commençait à éduquer
    à partir de ça...
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    Si on commençait
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    à partir
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    de quelque chose que la permaculture
    a déjà découvert.
  • 8:59 - 9:02
    La permaculture, vous connaissez,
    c'est une science écologique.
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    La permaculture dit :
    « Cultivez là où c'est déjà fertile ».
  • 9:06 - 9:09
    Vous imaginez ce que
    ça voudrait dire de commencer
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    à pouvoir apprendre
  • 9:12 - 9:16
    à partir de quelque chose
    qui est notre richesse, notre trésor ?
  • 9:17 - 9:19
    Révolutionner l'éducation.
  • 9:19 - 9:22
    Cela changerait complètement
    la face du monde !
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    Cela serait aussi apprendre
    sans aucune fatigue.
  • 9:27 - 9:31
    Dans le passé, des pédagogues,
    des éducateurs, des philosophes,
  • 9:31 - 9:36
    l'avaient déjà compris : Montessori,
    Steiner, Freinet.
  • 9:36 - 9:40
    Ils avaient déjà compris
    mais ils n'ont pas été beaucoup écoutés.
  • 9:41 - 9:43
    La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui,
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    de plus en plus
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    d'éducateurs,
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    d'enseignants,
  • 9:47 - 9:50
    de maîtres, de maîtresses, de parents,
  • 9:50 - 9:53
    ont non seulement repris le flambeau
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    de ces prédécesseurs
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    mais sont en train d'inventer
    des nouvelles pratiques pédagogiques.
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    Je vous assure que j'en vois beaucoup,
    beaucoup, beaucoup.
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    Ce sont des personnes qui
  • 10:02 - 10:04
    inventent
  • 10:04 - 10:07
    de nouvelles méthodes qui sont
    toutes basées sur la liberté,
  • 10:07 - 10:10
    le respect du rythme de l'enfant,
  • 10:10 - 10:14
    et la capacité, leur capacité à rêver.
  • 10:14 - 10:16
    Ma joie à moi,
  • 10:16 - 10:18
    c'est de me connecter,
  • 10:18 - 10:19
    d'être en contact
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    avec cette reliance.
  • 10:21 - 10:24
    C'est pour cela qu'avec un groupe
  • 10:24 - 10:27
    de personnes qui savent encore rêver,
  • 10:27 - 10:28
    j'ai fondé une alliance.
  • 10:28 - 10:31
    Une alliance
    pour le renouveau de l'éducation
  • 10:31 - 10:34
    qui s'appelle le printemps de l'éducation.
  • 10:34 - 10:38
    Parce que tout est déjà là,
    il faut tout simplement relier.
  • 10:38 - 10:40
    C'est ça, éduquer à la joie !
  • 10:41 - 10:45
    C'est finalement se souvenir
    de ce que disait Maria Montessori
  • 10:45 - 10:48
    lorsqu'elle disait :
  • 10:48 - 10:52
    « La joie d'apprendre est aussi
    indispensable que l'intelligence,
  • 10:55 - 10:57
    que la respiration aux coureurs
  • 10:57 - 10:59
    et aux danseurs aussi ! »
  • 11:00 - 11:06
    (Applaudissements)
Title:
Et si nous éduquions nos enfants à la joie ? | Antonella Verdiani | TEDxVaugirardRoad
Description:

Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.

Docteur en Sciences de l'éducation, Antonella Verdiani a été spécialiste d'éducation à la paix à l'UNESCO (1987-2005). Consultante internationale et chercheuse, elle forme enseignants et parents selon son approche transdisciplinaire « Éduquer à la joie » (www. educationalajoie.com). A l'initiative de l'alliance citoyenne Printemps de l'éducation (www.printemps- education.org), elle a publié « Ces écoles qui rendent nos enfants heureux ».

Captation, réalisation et montage par www.Isegoria.fr

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
11:08

French subtitles

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