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Title:
L'école post-pandémie | Andrea Santiago | TEDxRíodelaPlataED
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Description:
Le confinement a obligé les écoles à fermer, ce qui a conduit à développer de nouveaux outils de communication entre les élèves et les enseignants. Andrea Santiago, enseignante d'une école publique de la province de Buenos Aires en Argentine, nous explique que la pandémie a changé certaines choses dans un sens positif et qu'il faudrait continuer dans ce sens une fois que le coronavirus sera derrière nous. Elle enseigne les mathématiques dans l'une des plus grandes écoles publiques de la province de Buenos Aires et est une spécialiste de l'enseignement des mathématiques. Elle est également animatrice de clubs TED-Ed et mère d'un adolescent. Comme beaucoup d'autres enseignants, elle a repensé pendant le confinement à son rôle et à celui des institutions auxquelles elle fait partie.
Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx
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L'un de mes élèves, Alan,
vit dans une petite maison à Villa Itatí
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avec sa mère, ses cinq frères et sœurs,
sa belle-sœur et un neveu.
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Une fois qu'il a fini d'aider à la maison,
il se prépare et s'en va.
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Il parcourt trois rues du quartier,
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monte une côte très raide pleine de boue
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et traverse le dernier pâté de maisons
qui le sépare de l'école.
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Sauf qu'il ne va pas en cours
avec ses camarades,
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mais plutôt faire la queue pour récupérer
de la nourriture pour sa famille.
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Le bâtiment est fermé
à cause du confinement.
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En attendant devant la porte,
il profite du Wi-Fi gratuit
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pour télécharger les exercices
que nous lui transmettons
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et pour envoyer ceux qu'il a terminés.
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Aujourd'hui, sa famille lui a prêté
leur seul portable
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car ils savent qu'il a besoin
d'avoir accès à Internet.
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Il est heureux de lire nos messages
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où nous l'encourageons
à poursuivre ses efforts.
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Et où nous répondons à ses questions.
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C'est loin d'être facile pour lui
d'étudier à distance,
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mais, au moins, il dispose d'un moyen
de communication pour poser ses questions.
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Avoir des classes vides signifie
moins d'opportunités pour les jeunes.
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Les inégalités se creusent,
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celles que beaucoup d'entre eux
connaissent depuis un certain temps.
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Ils y remédient comme ils peuvent afin
de bénéficier de leur droit à l'éducation.
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Il est vrai que les familles
et les professeurs,
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nous avons accueilli l'école chez nous.
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Nous lui avons fourni le refuge nécessaire
pour qu'elle continue à fonctionner.
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Mais il est plus évident que jamais
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qu'il est crucial de maintenir
et de renforcer les liens
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que l'école favorisait.
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On le voit quand nous, les professeurs,
nous nous retrouvons à l'école
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pour remplir les sacs d'aide alimentaire :
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ce qui nous importe le plus,
c'est d'échanger des nouvelles
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avec les enfants dont nous n'avons pas
de nouvelles récentes.
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On est tellement sur le qui-vive que,
tout en remettant les sacs de nourriture,
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on remonte la queue
à la recherche d'un parent
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ou de quiconque qui pourrait
nous donner des nouvelles.
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La pandémie a obligé certains enfants
à partir vivre dans d'autres familles
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quand leurs parents ou grands-parents
étaient hospitalisés ou confinés.
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Avant, le défi, c'était
que beaucoup d'entre eux
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continuent de se rendre à l'école.
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Aujourd'hui, ce qui nous inquiète le plus,
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c'est qu'ils abandonnent.
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Quand l'école a débarqué dans les maisons,
elle a tout chamboulé.
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Par exemple, Valen en a tellement marre
de tous ces appels vidéo,
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de tout ce travail envoyé
par ses professeurs
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qu'il a demandé à sa mère que
« l'école s'en aille de chez lui ».
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Nous, les parents,
avons dû changer nos habitudes
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pour nous impliquer davantage
dans la scolarité de nos enfants.
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Pour moi, ça s'est bien passé.
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Mon fils adolescent, qui souffre
d'un déficit de l'attention,
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est à jour dans ses devoirs
pour la première fois de sa scolarité.
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Tout comme Alan, il pose directement
ses questions à ses professeurs.
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Il a appris à utiliser ces outils
pour mieux lire et écrire.
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Pour lui et pour beaucoup d'autres jeunes,
être obligé d'utiliser la technologie
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leur a permis de développer une autonomie
qu'ils ne possédaient pas.
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De l'autre côté de l'écran,
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mes collègues professeurs
ont réagi comme ils ont pu.
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La plupart d'entre nous
nous occupons de nos familles
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tout en travaillant depuis la maison.
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Avec peu de moyens,
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nous nous occupons des jeunes
et de leurs familles à toute heure,
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nous nous organisons constamment,
nous corrigeons sur un écran.
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Daniel, par exemple,
est un super professeur en présentiel.
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Mais aujourd'hui, il se sent exclu
car il ne maîtrise pas bien la technologie
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et ce changement a été si brutal
qu'il n'a pas pu s'y adapter.
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À l'autre extrême, il y a Alejandra
qui teste tous les types d'applications
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des centaines de fois,
même si ça lui prend des heures.
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Et, comme dans toute profession,
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il y en a qui préfèrent s'en détourner
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et qui surchargent les autres de travail.
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C'est comme ça qu'est l'école aujourd'hui.
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Comme une machine
presque à court de munitions
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dont on voit tous les rouages
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et où les fils partent en lambeaux.
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Qui fonctionne en mode dégradé
avec le peu qu'on a pu lui donner.
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C'est une vieille machine,
vieille mais noble.
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Une machine bloquée par une montagne
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de réformes éducatives
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sorties tout droit d'administrations
à mille lieues de la réalité du terrain.
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Des écoles à qui, en plus de l'éducation,
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on a confié plein d'autres
responsabilités tout aussi énormes.
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Et, comme si ce n'était pas assez,
on les a submergées de tâches inutiles
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qui relèvent plus de la bureaucratie.
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Aujourd'hui, nous disposons
d'une opportunité unique :
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celle de s'unir pour réarmer cette machine
afin qu'elle fonctionne beaucoup mieux.
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Il faut donner plus d'espace aux jeunes
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pour qu'ils s'engagent
et s'investissent dans leur scolarité,
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mais aussi pour éviter
d'absurdes conversations entre adultes
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qui seraient facilement résolues
en posant la question aux élèves.
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Il faut que nous gardions les familles
au cœur de ce système.
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Elles se sont chargées
de l'école chez elles
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et il ne faut absolument pas perdre
leur participation active
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dans cette nouvelle école.
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Il faut aussi faire appel aux universités,
aux enseignants, aux organismes sociaux,
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des banques alimentaires
aux clubs sociaux,
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car ils font partie
du tissu social créé par l'école
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et ce qu'il s'y passe
se répercute forcément sur eux.
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Je ne sais pas de quoi
va avoir l'air cette machine
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que nous avons réarmée
avec les outils que nous avions
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et les nouveaux outils
dont nous disposons.
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Par contre, je suis certaine
que l'enseignement physique
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doit occuper une place très importante
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pour tisser des liens plus forts
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et ne doit pas être gaspillé
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dans des activités
dont nous avons appris au forceps
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qu'elles peuvent être réalisées à distance
ou qu'elles sont désuètes.
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Si, à notre retour, l'école reste la même,
c'est que nous n'aurons rien retenu.
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Nous le devons aux jeunes,
aux professeurs, aux familles
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qui font un effort énorme
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afin de préserver ce droit à l'éducation.
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Une éducation réellement de qualité
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qui nous transforme tous
sur le plan affectif,
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sur le plan personnel
et en tant que citoyens.
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Nous avons une opportunité unique
qui ne se représentera pas,
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même pas dans cent ans.
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Le défi, c'est d'être à la hauteur
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et de travailler à repenser et à recréer
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une meilleure école, ensemble.