Votre corps a été façonné par la mort spectaculaire d'étoiles

Nous sommes tous reliés par la naissance, la mort et la renaissance spectaculaires des étoiles, dit l'astrophysicien Enrico Ramirez-Ruiz. Voyagez à travers l'histoire cosmique de l'univers à mesure qu'Enrico Ramirez-Ruiz explique comment les supernovas ont façonné les éléments de la vie à l'origine de tout, de l'air que vous respirez jusqu'aux atomes qui nous composent.

Nous sommes tous reliés par les atomes.

Fondamentalement, universellement.

Mais qu'est-ce que ça signifie ?

Je suis un astrophysicien
et, pour cette raison,

il est de mon devoir de retracer
l'histoire cosmique

de chacun de vos atomes.

En effet, je dirais que

l'un des plus grands accomplissements
de l'astronomie moderne

est d'avoir compris
comment nos atomes s'assemblent.

Alors que l'hydrogène
et l'hélium ont été créés

dès les deux premières minutes
du big bang,

l'origine des éléments lourds,

comme le fer dans votre sang,
l'oxygène que vous respirez,

le silicone dans vos ordinateurs,

se trouve dans
le cycle de vie des étoiles.

Les réactions nucléaires créent des
éléments plus lourds avec des plus légers,

c'est pour cela que les étoiles brillent

et finissent par exploser,

enrichissant ainsi l'univers
en éléments lourds.

Ainsi, sans la mort des étoiles,

il n'y aurait pas d'oxygène,

ni d'autres éléments plus lourds
que l'hydrogène et l'hélium,

et il n'y aurait donc pas de vie.

Il y a plus d'atomes dans nos corps

que d'étoiles dans l'univers.

Ces atomes ont
une très longue durée de vie.

L'origine de nos atomes

peut être reliée aux étoiles
qui les ont fabriqués en leur sein,

puis les ont expulsés
partout dans la Voie lactée,

il y a des milliards d'années.

Je dois le savoir,

parce que je suis en fait
un croque-mort spécialisé en étoiles.

(Rires)

Je vous emmène aujourd'hui dans un voyage
commençant par l'explosion d'une supernova

et se terminant par l'air
que nous respirons en ce moment même.

De quoi notre corps est-il fait ?

96% de notre corps est composé
de seulement quatre éléments :

l'hydrogène, le carbone,
l'oxygène et l'azote.

Le personnage principal
de ce conte cosmique est l'oxygène.

Non seulement la grande majorité
de notre corps se compose d'oxygène,

mais c'est aussi le seul élément qui lutte
pour la protection de la vie sur Terre.

La majeure partie de l'oxygène
dans l'univers

a été en effet produite
tout au long de l'histoire de l'univers

dans ces explosions de supernovas.

Ces explosions annoncent
la disparition d'étoiles massives.

Et lors d'un mois brillant,

une explosion de supernova peut produire
plus de lumière qu'une galaxie entière

contenant des milliards d'étoiles.

C'est vraiment incroyable.

C'est parce que les étoiles massives
brûlent plus fort

et meurent de manière plus spectaculaire
que les autres étoiles.

La fusion nucléaire est vraiment
le poumon de toutes les étoiles,

y compris du soleil,

et par conséquent, elle est la principale
source de toute l'énergie sur Terre.

Vous pouvez imaginer ces étoiles
comme des centrales nucléaires

alimentées par la collision
des atomes entre eux

dans leur noyau brûlant et dense.

Les étoiles comme notre soleil,

qui sont relativement petites,

brûlent l'hydrogène en hélium,

mais les étoiles les plus lourdes
qui pèsent huit fois la masse du soleil

continuent ce cycle de combustion

même après avoir épuisé
les ressources en hélium de leurs noyaux.

Donc à ce moment-là,

l'étoile massive ne garde
que son noyau de carbone,

qui, comme vous le savez,
est le pilier de la vie.

Ce noyau de carbone
continue de se consumer

et cela augmente donc la température,

ce qui permet à de nouvelles
réactions nucléaires de se produire.

Le carbone brûle ensuite en oxygène,

en néon, en silicium, en soufre

et finalement en fer.

Et avec le fer, c'est terminé.

Pourquoi ?

Car le fer est le noyau
le plus dense de l'univers,

ce qui signifie qu'il est impossible
d'extraire de l'énergie en brûlant du fer.

Lorsque tout le noyau de l'étoile
est composé de fer,

il est à court de carburant.

C'est vraiment un mauvais jour
pour une étoile.

(Rires)

Sans carburant, impossible
de produire de la chaleur,

alors la gravité gagne la bataille.

Le noyau de fer n'a pas d'autre options
que de se désintégrer,

atteignant ainsi des densités
incroyablement élevées.

Imaginez 300 millions de tonnes

réduites dans un espace
de la taille d'un carré de sucre.

À ces densités extrêmement élevées,
le noyau résiste à l'effondrement

et par conséquent,

toute la matière retombe
et rebondit sur le noyau.

Et ce rebond spectaculaire

qui se produit en environ
une fraction de seconde,

est à l'origine de la propulsion du reste
de l'étoile dans toutes les directions,

générant en fin de compte
une explosion de supernova.

Malheureusement pour les astrophysiciens,

les conditions à l'origine
de ces explosions d'étoiles

ne peuvent pas être recréées
en laboratoire.

(Rires)

A ce jour, heureusement pour l'humanité,
nous en sommes incapables.

(Rires)

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Eh bien, nous les astrophysiciens,

nous nous appuyons sur
des simulations informatiques avancées

afin de comprendre
ces phénomènes complexes.

Ces simulations nous sont utiles
pour analyser le comportement du gaz

dans ces conditions extrêmes.

Elles répondent
à des questions fondamentales :

« Qu'est-ce qui a en définitive
déréglé une étoile massive ? »

« Comment cette implosion
s'est-elle transformée en explosion ? »

Il y a beaucoup de débats dans ce domaine,

mais nous sommes tous d'accord
pour dire que les neutrinos,

qui sont des particules
élémentaires insaisissables,

jouent un rôle crucial.

Oui ?

Je vais vous montrer
l'une de ces simulations.

Les neutrinos sont créés en grande
quantité quand le noyau se désintègre.

Et en fait,

ils sont à l'origine du transfert
de l'énergie dans ce noyau.

Comme la radiation
thermale dans un radiateur,

les neutrinos pompent l'énergie
vers le noyau,

ce qui augmente les chances
de dérégler l'étoile.

En effet, durant une fraction de seconde,

les neutrinos puisent tant d'énergie

que la pression augmente suffisamment fort
pour créer une onde de choc

qui atteint et dérègle
l'étoile toute entière.

C'est dans l'onde de choc
que les éléments sont créés.

Donc, merci les neutrinos.

(Rires)

Les supernovas brillent fort

et pendant un bref instant,

elles émettent plus d'énergie
que le soleil dans toute sa durée de vie.

Le point lumineux que vous voyez ici,

qui n'existait pas auparavant,

brille comme un phare.

Il indique clairement la position
où l'étoile massive est morte.

Dans une galaxie comme la Voie lactée,

nous estimons qu'une fois tous les 50 ans,

une étoile massive meurt.

Ce qui implique que
quelque part dans l'univers,

une supernova explose
presque à chaque seconde.

Heureusement pour les astronomes,

certaines d'entre elles se trouvent
en fait assez proches de la Terre.

Plusieurs civilisations ont enregistré
des explosions de supernovas

bien avant l'invention du télescope.

La plus connue d'entre-elles

est sans doute l'explosion
qui a engendré la nébuleuse du Crabe.

Oui ?

Les astronomes coréens et chinois
ont enregistré cette supernova en 1054,

Les Amérindiens certainement aussi.

Cette supernova est apparue à environ
5 600 années lumières de la Terre.

Elle était si brillante

que les astronomes
pouvaient la voir la journée.

Elle a été visible à l’œil nu pendant
deux ans dans le ciel nocturne.

Avançons d'un coup d'un millénaire
ou presque et que voyons-nous ?

Nous observons ces filaments
soufflés par une explosion,

se déplaçant à 480 km par seconde.

Ces filaments sont essentiels
pour nous aider à comprendre

comment meurent les étoiles massives.

L'image que vous voyez là

a été recueillie
par le télescope spatial Hubble

sur une période de trois mois.

Elle est très importante
pour les astronomes

car elle transmet l'héritage chimique

de l'étoile qui a explosé.

Les filaments orange que vous voyez là
sont les lambeaux restants de l'étoile

et sont constitués
principalement d'hydrogène,

tandis que les filaments bleus
et rouges que vous voyez

sont de l'oxygène
tout fraîchement synthétisé.

L'étude des vestiges d'une supernova
comme la nébuleuse du Crabe,

a ainsi permis aux astronomes de conclure

que presque tout l'oxygène sur Terre a été
produit par l'explosion de supernovas

tout au long de l'histoire de l'univers.

Nous estimons

que pour réunir tous les atomes
d'oxygène dans notre corps

il a fallu à peu près
100 millions de supernovas.

Ainsi, chaque partie de vous,
ou du moins la majorité,

provient d'une explosion de supernova.

Vous devez vous demander

comment ces atomes,

créés dans des conditions si extrêmes,

ont-ils finalement élu domicile
dans votre corps ?

Je voudrais vous proposer
une expérience théorique.

Imaginez, nous sommes dans la Voie lactée
et une supernova se produit.

Elle projette des tonnes et des tonnes
d'atomes d'oxygène

dans un espace presque vide.

Certains d'entre eux ont pu
s'assembler en un nuage.

Il y a 4,5 milliards d'années,

quelque chose a démantelé ce nuage
et a entraîné son anéantissement,

créant le soleil en son centre
et le système solaire.

Ainsi, le soleil, les planètes
et la vie sur Terre

dépendent de ce cycle magnifique

de la naissance, de la mort
et de la résurrection d'une étoile.

Le recyclage d'atomes dans l'univers
se perpétue ainsi.

En conclusion, l'astronomie et la chimie
sont intimement liées.

Nos formes de vie ont évolué pour respirer
les déchets produits par les plantes.

Mais vous savez désormais

que nous respirons aussi les déchets
produits par les supernovas.

(Rires)

Donc prenez un moment, respirez.

Un atome d'oxygène vient juste
d'entrer dans votre corps.

Il est certain que cet atome d'oxygène

se souvient qu'il était
à l'intérieur d'une étoile

et qu'il a probablement été fabriqué
par une explosion de supernova.

Cet atome a peut-être parcouru
le système solaire tout entier

jusqu'à ce qu'il s'écrase sur Terre,

bien avant de vous rejoindre.

Quand nous respirons,

nous utilisons des centaines de litres
d'oxygène chaque jour.

Je suis incroyablement chanceux de
me tenir devant cette splendide audience

mais je suis en fait en train
de vous voler vos atomes d'oxygène.

(Rires)

Et parce que je vous parle,

je vous en rends quelques-uns,
qui étaient à l'intérieur de moi.

Donc respirer, oui,

participe aussi à ce magnifique
échange d'atomes.

Et vous pouvez alors vous demander :

« Combien d'atomes de notre corps
ont appartenu auparavant à Frida Kahlo ? »

(Rires)

Environ 100 000 d'entre eux.

100 000 autres ont probablement
appartenu à Marie Curie,

100 000 de plus à Sally Ride,

ou peu importe à qui vous pensez.

Respirer, ce n'est pas seulement
remplir vos poumons d'histoire cosmique,

mais aussi d'histoire humaine.

Je voudrais conclure mon discours
en partageant un mythe

qui me tient beaucoup à cœur.

Un mythe de la culture chichimèque

qui est une culture mésoaméricaine
très importante.

Les Chichimèques pensaient

que notre essence avait été
assemblée dans les cieux.

Lors de son parcours vers nous,

elle s'est morcelée en une multitude
de fragments différents.

Alors, mon grand-père disait :

« L'une des raisons pour laquelle
tu te sens inaccompli,

c'est parce que
tes fragments te manquent. »

(Rires)

« Mais n'y fais pas attention.

Tu as reçu l'opportunité
formidable de grandir.

Pourquoi ?

Ce n'est pas comme si ces fragments
étaient éparpillés sur Terre

et que tu devais aller les chercher.

Non, ces fragments sont tombés
sur d'autres personnes.

C'est seulement en les partageant
que tu deviendras plus complet.

Oui, au cours de ta vie,

tu rencontras des individus
porteurs de ces énormes fragments

qui te feront te sentir entier.

Mais dans cette quête de complétude,

tu dois chérir et partager
chacun de ces fragments. »

Cela ressemble beaucoup
à l'histoire d'oxygène d'après moi.

(Rires)

Celle qui a commencé dans les cieux
lors de l'explosion d'une supernova

et se poursuit aujourd'hui,

au sein de l'humanité.

Les atomes dans notre corps
ont embarqué pour une odyssée épique,

sur des périodes allant
de milliards d'années à quelques siècles,

convergeant tous vers vous,

vers chacun d'entre vous,

les témoins de l'univers.

Merci.

(Applaudissements)