-
Title:
Comment convertir le froid de l'espace en une ressource renouvelable
-
Description:
Et si nous pouvions utiliser l'obscurité froide de l'espace pour refroidir les bâtiments sur terre ? Dans cette conférence époustouflante, le physicien Aaswath Raman détaille la technologie qu'il développe pour exploiter le « refroidissement du ciel nocturne » – un phénomène naturel où la lumière infrarouge s'échappe de la terre et se dirige vers l'espace, transportant la chaleur avec elle – ce qui pourrait réduire considérablement l'énergie utilisée par nos systèmes de refroidissement. Apprenez-en davantage sur la façon dont cette approche pourrait nous conduire vers un avenir où nous puisons intelligemment dans l'énergie de l'univers.
-
Speaker:
Aaswath Raman
-
Chaque été, quand j'étais enfant,
-
je partais de chez moi au Canada
pour visiter mes grands-parents,
-
qui vivaient à Bombay en Inde.
-
Au mieux, les étés canadiens sont doux,
-
environ 22° Celsius ou 72 °F
-
pour une journée d'été normale,
et pas très chauds.
-
Par contre, Bombay est
un endroit chaud et humide,
-
il y fait bien 30 °C ou 90 °F.
-
Dès mon arrivée, je me disais :
-
« Comment peut-on vivre, travailler
ou dormir dans un tel climat ? »
-
Pour empirer les choses,
mes grands-parents n'avaient pas la clim.
-
J'ai vraiment fait tout mon possible,
-
mais je n'ai jamais réussi
à les persuader de s'en procurer.
-
Pourtant, c'est en train
de changer rapidement.
-
L'ensemble des systèmes de
refroidissement représentent 17 %
¶
-
de l’électricité consommée
dans le monde entier.
-
Cela inclut tout, depuis la climatisation
-
que je désirais désespérément
pendant mes vacances d’été,
-
aux systèmes de réfrigération pour
garder nos aliments à l'abri et froids,
-
dans nos supermarchés,
-
et aux systèmes industriels qui gardent
opérationnels nos centres de données.
-
Tous ensemble,
ces systèmes représentent 8%
-
des émissions mondiales
de gaz à effet de serre.
-
Mais ce qui m'empêche de dormir,
¶
-
c'est que l’énergie dédiée à climatiser
pourrait sextupler d’ici à 2050,
-
principalement en raison d'une utilisation
croissante en Asie et en Afrique.
-
J’en ai été témoin.
-
Presque chaque logement
autour de chez ma grand-mère
-
est maintenant équipé d’un climatiseur.
-
Et c'est, sans aucun doute,
une bonne chose
-
pour la santé, le bien-être
et la productivité
-
des gens qui vivent
dans des endroits chauds.
-
Mais l’une des choses les plus alarmantes
concernant le changement climatique,
-
c'est que plus notre planète se réchauffe,
-
plus nous aurons besoin
de systèmes de climatisation –
-
qui eux-mêmes émettent
beaucoup de gaz à effet de serre.
-
Cela risque alors de provoquer
une boucle de rétroaction,
-
si ces systèmes à eux seuls
-
deviennent l'une des plus grandes
sources de gaz à effet de serre
-
au cours de ce siècle.
-
Dans le pire des cas,
-
nous pourrions avoir besoin de plus de
10 milliards de kWh d’électricité par an,
-
juste pour la climatisation, d’ici 2100.
-
C’est la moitié de notre alimentation
en électricité aujourd'hui.
-
Juste pour la climatisation.
-
Mais cela nous laisse aussi entrevoir
une opportunité extraordinaire.
-
Une amélioration de 10 ou 20 % de
l’efficacité des système de climatisation
-
peut avoir un impact énorme
sur nos émissions de gaz à effet de serre,
-
à la fois aujourd'hui
et au cours de ce siècle.
-
Et cela peut nous aider à éviter
le pire scénario de boucle de rétroaction.
-
Je suis un scientifique qui réfléchit
beaucoup à la lumière et à la chaleur.
¶
-
Notamment comment les nouveaux matériaux
nous permettent de modifier le flux
-
de ces éléments basiques de la nature
-
d'une manière que nous aurions
pu croire impossible autrefois.
-
Même si j'ai toujours saisi
la valeur de la climatisation
-
pendant mes vacances d'été,
-
j'ai fini par travailler sur ce problème
-
à cause d'un casse-tête intellectuel
que j'ai découvert il y a six ans.
-
Comment les peuples anciens fabriquaient
de la glace dans des climats désertiques ?
-
Voici une photo d'une glacière,
-
également appelée « yakhchal »,
située au sud-est de l'Iran.
-
Il y a des vestiges de dizaines
de ces constructions dans tout l'Iran
-
et des preuves de leur existence
dans le reste du Moyen-Orient
-
et jusqu'en Chine.
-
Les gens qui ont exploité
ces glacières il y a des siècles
¶
-
versaient l'eau dans le bassin
que l'on voit à gauche
-
en début de soirée, au coucher du soleil.
-
Puis, une chose incroyable se produisait.
-
Même si la température
dépassait le point de congélation,
-
disons 5 °C ou 41 °F,
-
l'eau gelait.
-
La glace était alors récupérée
au petit matin
-
et stockée dans le bâtiment
que vous voyez à droite,
-
pendant tous les mois d'été.
-
Vous avez probablement déjà vu
quelque chose de semblable
-
si vous avez remarqué la formation
de givre sur le sol par une nuit claire,
-
même quand la température dépasse
le point de congélation.
-
Mais, attendez.
-
Comment l'eau peut geler si la température
dépasse le point de congélation ?
-
L'évaporation aurait pu y jouer un rôle,
-
mais ce n'est pas suffisant
pour que l'eau se transforme en glace
-
Quelque chose d'autre doit la refroidir.
-
Imaginez une tarte qui refroidit
sur le rebord d'une fenêtre.
¶
-
Pour qu'elle refroidisse, sa chaleur
doit partir dans un endroit plus frais.
-
À savoir, l'air qui l'entoure.
-
Aussi peu crédible
que cela puisse paraître,
-
pour ce bassin, la chaleur de l'eau
s'évacue dans le froid de l'espace.
-
Comment est-ce possible ?
¶
-
Ce bassin d'eau, comme la plupart
des matières naturelles,
-
évacue sa chaleur sous forme de lumière.
-
C'est un concept appelé
« rayonnement thermique ».
-
En ce moment, nous envoyons tous
notre chaleur sous forme d'infrarouge,
-
les uns aux autres et à notre entourage.
-
On peut le voir
grâce aux caméras thermiques
-
et les images qu'elles produisent
comme celles que je vous montre ici.
-
Ce bassin d'eau évacue sa chaleur
-
vers le haut de l'atmosphère.
-
L'atmosphère et ses molécules
-
absorbent une partie
de cette chaleur et la renvoient.
-
C'est l'effet de serre responsable
du changement climatique.
-
Voici toutefois le point
essentiel à comprendre.
¶
-
Notre atmosphère n'absorbe pas
toute cette chaleur.
-
Si c'était le cas, nous vivrions
sur une planète plus chaude.
-
À certaines longueurs d'ondes,
-
en particulier entre huit
et treize microns,
-
notre atmosphère connaît un phénomène
nommé « fenêtre atmosphérique ».
-
Elle laisse une partie de la chaleur
s'élever sous forme d'infrarouge
-
pour s'évacuer de fait,
en entraînant la chaleur du bassin.
-
Elle peut ainsi s'évacuer
dans un lieu bien plus frais.
-
Le froid dans la haute atmosphère
-
et jusqu'à l'espace,
-
peut atteindre une température de -270 °C
-
ou de -454 °F.
-
Alors, ce bassin d'eau peut envoyer
plus de chaleur vers le ciel
-
que l'inverse.
-
Et grâce à cela,
-
le bassin va se refroidir
en dessous de la température ambiante.
-
C'est l'effet connu sous le nom
de « refroidissement nocturne »
-
ou « refroidissement radiatif ».
-
Et il a toujours été considéré
par les climatologues et les météorologues
-
comme un phénomène naturel très important.
-
Quand je suis tombé sur tout ça,
¶
-
c'était la fin de mon doctorat à Stanford.
-
Et j'ai été stupéfait par sa simplicité
comme méthode de refroidissement,
-
bien que très perplexe.
-
Pourquoi n'utilise-t-on pas cela ?
-
Les scientifiques et les ingénieurs
ont étudié cette idée
-
ces dernières années.
-
Mais il s'est avéré qu'il y avait
au moins un gros problème.
-
Il y a une raison pour laquelle
on l'appelle « refroidissement nocturne ».
-
Pourquoi ?
-
C'est pour une petite raison
appelée le soleil.
-
La surface qui refroidit
-
a besoin d'être située face au ciel.
-
Et au beau milieu de la journée,
-
quand on aura peut être le plus besoin
de quelque chose de froid,
-
malheureusement, cela signifie
lever la tête vers le soleil.
-
Et il chauffe la plupart des matériaux
-
suffisamment pour contrer totalement
cet effet de refroidissement.
-
Mes collègues et moi
avons beaucoup réfléchi
¶
-
à comment structurer des matériaux
-
à de très petites échelles
-
pour accomplir des choses
nouvelles et utiles avec la lumière –
-
des échelles plus petites
que sa longueur d'onde elle-même.
-
À partir des idées de ce domaine,
-
appelé recherche nanophotonique
ou métamatériaux,
-
nous avons découvert un moyen
d'y arriver en journée
-
pour la première fois.
-
Pour ce faire, j'ai conçu
un matériau optique multicouche
¶
-
montré ici sur une image microscopique.
-
C'est 40 fois plus fin
qu'un cheveu humain classique.
-
Et il est capable de faire
deux choses simultanément.
-
Premièrement, il envoie sa chaleur
-
précisément là où notre atmosphère
laisse le mieux évacuer cette chaleur.
-
Nous avons orienté
la fenêtre vers l'espace.
-
Deuxièmement, le soleil ne le chauffe pas.
-
C'est un très bon miroir
pour la lumière du soleil
-
J'ai fait le premier test
sur un toit à Stanford,
-
c'est ce que vous voyez ici.
-
J'ai laissé l'appareil dehors
pendant un petit moment,
-
j'y suis retourné après quelques minutes
-
et, en quelques secondes,
j'ai su que ça fonctionnait.
-
Comment ?
-
Je l'ai touché et c'était froid.
-
-
Juste pour souligner
comme c'est étrange et paradoxal :
¶
-
ce matériau et d'autres similaires
-
refroidissent quand
on les sort de l'ombre,
-
même si le soleil brille sur eux.
-
Voici les données de
notre toute première expérience,
-
où ce matériau est resté à plus de 5 °C,
-
ou 9 °F, plus froid
que la température ambiante,
-
même si le soleil
brillait directement dessus.
-
La méthode de fabrication utilisée
pour fabriquer ce matériau
-
existe déjà à grande échelle.
-
J'en étais très heureux,
-
car non seulement nous avions fabriqué
quelque chose de génial,
-
mais nous avions aussi l'occasion
de faire quelque chose de réel et utile.
-
Ce qui m'amène
à la prochaine grande question.
-
Comment peut-on économiser
l'énergie avec cette idée ?
¶
-
Nous pensons que le moyen le plus direct
pour y arriver grâce à cette technologie
-
est d'augmenter l'efficacité
-
des systèmes actuels
de climatisation et de réfrigération.
-
Nous avons créé des panneaux
de refroidissement fluides
-
comme ceux montrés ici.
-
Ces panneaux ont la même forme
qu'un chauffe-eau solaire,
-
sauf qu'à l'inverse,
ils refroidissent l'eau, passivement,
-
en utilisant notre matériel spécialisé.
-
Ces panneaux sont alors
intégrés à un composant
-
inclus dans presque
chaque climatiseur, un condenseur,
-
pour améliorer l'efficacité
sous-jacente du système.
-
Notre start-up, SkyCool Systems,
-
a récemment mené un essai sur le terrain
à Davis, en Californie, visible ici.
-
Lors de cette expérience,
-
nous avons démontré
qu'on peut améliorer l'efficacité
-
de ce système de refroidissement
jusqu'à 12 % sur le terrain.
-
Dans un an ou deux ans,
¶
-
il me tarde de voir
les premiers pilotes commercialisés
-
à la fois pour la climatisation
et la réfrigération spatiale.
-
À l'avenir, nous pourrons intégrer
ce type de panneaux
-
à des systèmes de refroidissement
de bâtiments plus efficaces
-
pour réduire de deux tiers
leur consommation d'énergie.
-
Et finalement, nous pourrons construire
un système de refroidissement
-
qui ne nécessite aucune
consommation d'électricité.
-
Dans un premier temps,
-
mes collègues à Stanford et moi
-
avons démontré que vous pouvez maintenir
-
quelque chose dépassant les 42 °C
en dessous de la température ambiante
-
grâce à une meilleur ingénierie.
-
-
-
-
quelque chose sous le point de congélation
par une chaude journée d'été.
-
Bien que je sois très motivé par tout ce
qu'on peut faire pour le refroidissement –
-
et je pense qu'il reste
encore beaucoup à faire –
-
en tant que scientifique, je suis aussi
attiré par une plus grande opportunité
-
que ce travail va, je pense, dévoiler.
-
Nous pouvons utiliser
l'obscurité froide de l'espace
-
pour améliorer l'efficacité
-
de tous les phénomènes
liés à l'énergie ici sur terre.
-
L'un de ces phénomènes que je veux
souligner est les panneaux solaires.
-
Ils chauffent sous le soleil
-
et deviennent moins efficaces
à mesure qu'ils chauffent.
-
En 2015, nous avons montré
qu'avec ce type de microstructures
-
sur un panneau solaire,
-
on peut mieux tirer parti
de cet effet de refroidissement
-
pour maintenir le panneau solaire
à une température plus basse passivement.
-
Cela permet au panneau
de fonctionner plus efficacement.
-
Nous approfondissons
ce genre de possibilités.
-
Nous nous demandons si nous pouvons
utiliser le froid de l'espace
-
pour nous aider à économiser l'eau.
-
Ou peut-être grâce à
des scénarios hors réseau.
-
Peut-être pourrions-nous nous-mêmes créer
directement de l'énergie avec ce froid.
-
Il y a un grand écart de température
entre nous ici sur terre
-
et le froid de l'espace.
-
Cet écart, du moins
sur le plan conceptuel,
-
peut faire fonctionner un moteur thermique
-
pour générer de l'électricité.
-
Peut-on alors créer
un générateur d'énergie nocturne
-
qui produit des quantités
utiles d'électricité
-
si les panneaux solaires ne le font pas ?
-
Peut-on générer de la lumière
depuis les ténèbres ?
-
L'élément central pour y arriver,
c'est de pouvoir gérer
¶
-
la radiation thermique qui nous entoure.
-
Nous sommes constamment baignés
par la lumière infrarouge.
-
Si nous arrivons
à la soumettre à notre volonté,
-
nous pourrions changer radicalement
les flux de chaleur et d'énergie
-
qui nous entourent tous les jours.
-
Cette possibilité, combinée
à l'obscurité froide de l'espace,
-
nous oriente vers un futur
où nous, en tant que civilisation,
-
pourrions gérer plus intelligemment
notre empreinte énergétique thermique
-
à de très grandes échelles.
-
Face au changement climatique,
¶
-
je pense qu'avoir cette possibilité
dans notre boîte à outils
-
deviendra fondamental.
-
Alors, la prochaine fois
que vous vous promenerez dehors,
-
oui, émerveillez-vous du rôle vital
du soleil pour la vie sur Terre,
-
mais n'oubliez pas que le reste du ciel
a aussi quelque chose à nous offrir.
-
-