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Comment gagner un plaidoyer (à la Cour suprême des États-Unis ou ailleurs)

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    Il y a quatorze ans,
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    j'ai plaidé ma première affaire
    devant la Cour suprême.
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    Ce n'était pas une affaire ordinaire.
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    C'était une affaire perçue par les experts
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    comme l'une des plus importantes
    que la Cour Suprême ait jamais entendues.
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    L'affaire évaluait si le camp de
    Guantánamo était constitutionnel,
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    et si la Convention de Genève s’appliquait
    à la guerre contre la terreur.
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    Ce n'était que quelques années
    après l'horrible attentat
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    du 11 septembre.
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    La Cour Suprême
    avait sept juges républicains
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    et deux juges démocrates,
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    et mon client était
    le chauffeur de Osama bin Laden.
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    Mon adversaire était
    le procureur général des États-Unis,
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    Le meilleur avocat du barreau
    des États-Unis.
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    Il avait plaidé 35 affaires.
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    Je n'avais même pas 35 ans.
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    Et pour aggraver les choses,
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    le Sénat, pour la première fois
    depuis la guerre de Sécession,
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    avait tenté de retirer l'affaire
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    de la juridiction de la Cour Suprême
    par un projet de loi.
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    Je sais qu'en tant qu'orateur,
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    je suis censé créer du suspense
    et ne pas vous dire ce qu'il s'est passé.
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    Mais en fait, nous avons gagné.
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    Comment ?
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    Aujourd'hui, je vais parler
    de comment gagner un débat.
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    à la Cour Suprême ou ailleurs.
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    Le conseil classique
    est de parler avec confiance.
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    C'est comme ça qu'on persuade.
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    Je pense que c'est faux.
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    Je pense que la confiance
    est l'ennemie de la persuasion.
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    La persuasion est une question d'empathie,
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    d'entrer dans la tête des gens.
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    C'est ce qui fait de TED ce que c'est.
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    C'est pourquoi vous m'écoutez.
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    Vous auriez pu le lire sur papier,
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    mais vous ne l'avez pas fait.
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    C'est pareil pour les arguments
    de la Cour suprême -
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    nous préparons des exposés écrits
    avec détachement,
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    mais il y a aussi un plaidoyer oral.
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    Ce n'est pas simplement un système
    où les juges écrivent des questions
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    et vous écrivez des réponses.
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    Pourquoi ?
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    Parce que le débat
    est une question d'interaction.
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    Je veux vous amener dans les coulisses
    et vous dire ce que j'ai fait
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    et comment ces leçons
    peuvent être généralisées.
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    Non seulement pour gagner
    un débat à la Cour,
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    mais pour quelque chose
    de bien plus profond.
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    Manifestement, il y aura des plaidoyers.
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    Mais pas n'importe lesquels.
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    Dans ma première session
    de plaidoirie pour Guantánamo,
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    je suis allé à Harvard
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    où d'éminents professeurs
    m'ont posé des tonnes de questions.
  • 2:08 - 2:12
    Et même si j’avais tout lu
    et répété un million de fois,
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    je n'ai convaincu personne.
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    Mes arguments ne les touchaient pas.
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    J'étais désespéré.
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    J'avais fait tout mon possible,
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    lu tous les livres,
    répété un million de fois,
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    mais ça tournait en rond.
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    Mais un jour,
    je suis tombé sur quelqu'un -
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    c'était un professeur de théâtre,
    même pas un avocat.
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    Il n'avait jamais mis les pieds
    à la Cour Suprême.
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    Et un jour, il est entré dans mon bureau
    avec une chemise blanche et ample,
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    et une cravate-western.
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    Il m'a regardé
    avec mes bras croisés et m'a dit :
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    « Neal, Je sais ce que tu penses
    que cela ne va pas marcher,
  • 2:43 - 2:44
    mais fais-moi plaisir.
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    Fais-moi ton plaidoyer. »
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    Alors j'ai pris mon bloc-notes
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    et j'ai commencé à lire mon exposé.
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    Il m'interrompt : « Tu fais quoi là ?
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    - Je te lis mon plaidoyer.
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    - Ton plaidoyer est un bloc-notes ?
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    - Non, mais c'est sur ça
    que je l'ai écrit.
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    - Neal, regarde-moi
  • 3:00 - 3:02
    et fais-moi ton plaidoyer.
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    Et c'est ce que j'ai fait.
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    Instantanément, j'ai réalisé
    que mon argumentation faisait écho.
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    Je me connectais à un autre être humain.
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    Et il pouvait voir mon sourire
    commencer à se former
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    alors que je prononçais chaque mot.
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    Alors il m'a dit : « OK, Neal.
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    Maintenant, refais la même chose
    en me tenant la main.
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    - Quoi ?
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    - Ouais, tiens-moi la main. »
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    J'étais désespéré
    et donc je lui ai pris la main.
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    Et j'ai compris :
    « Waouh, c'est ça, une connexion.
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    C'est comme ça qu'on persuade. »
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    Et cela m'a aidé.
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    Mais sincèrement, j'étais encore nerveux
    à l'approche de la date du procès.
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    Et je savais que même si un débat
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    consiste à se mettre à la place d'autrui
    et à le comprendre,
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    j'avais besoin d'une base solide.
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    Alors j'ai fait quelque chose
    qui m'a sorti de ma zone de confort.
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    J'ai porté un bijou, pas n'importe lequel,
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    mais un bracelet que mon père
    avait porté toute sa vie
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    jusqu'à sa mort
    quelques mois avant le procès.
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    J'ai mis la cravate
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    que ma mère m'avait donnée
    pour cette occasion.
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    J'ai pris mon bloc-notes
    et j'y ai écrit les noms de mes enfants,
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    parce que c'est pour eux
    que je faisais cela.
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    Pour eux, pour laisser notre pays
    meilleur que je ne l'avais trouvé.
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    Je suis arrivé à la Cour et j'étais calme.
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    Le bracelet, la cravate,
    les noms de mes enfants
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    me maintenaient concentré.
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    J'étais comme un grimpeur
    au-dessus du précipice.
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    Avec une prise solide, on peut avancer.
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    Et comme plaidoyer consiste à persuader,
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    je savais que je devais
    éviter toute émotion.
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    Afficher ses émotions mène à l'échec.
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    C'est comme écrire un e-mail
    en gras et en majuscules.
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    Cela ne convainc personne.
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    Cela focalise l'attention sur vous,
    l'orateur,
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    et pas sur celui qui écoute,
    le destinataire.
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    Dans certaines situations,
    la solution est d'être émotif.
  • 4:46 - 4:48
    Si vous vous disputez avec vos parents,
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    vous utilisez vos émotions et ça marche.
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    Pourquoi ?
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    Parce que vos parents vous aiment.
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    Mais les juges de la Cour suprême
    ne vous aiment pas.
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    Ils n'aiment pas se voir
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    comme des gens que l'émotion convainc.
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    Et j'ai optimisé cette découverte,
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    en tendant un piège à mon adversaire
    pour provoquer une réaction émotionnelle
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    afin que moi, je paraisse comme
    la voix calme et robuste de la loi.
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    Et cela a marché.
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    J'étais assis dans la salle d'audience
    quand j'appris que nous avions gagné.
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    Que les tribunaux de Guantánamo
    allaient tomber.
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    Quand je suis sorti du Tribunal,
    et il y avait une tempête médiatique.
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    Cinq cents caméras, et on me demandait :
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    « Que signifie cette décision ? »
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    En fait, la décision
    est longue de 185 pages.
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    Je n'avais pas eu les temps de la lire,
    personne ne l'avait fait.
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    Mais je savais ce qu'elle signifiait.
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    Et voici ce que j'ai dit
    sur les marches de la Cour :
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    « Voici ce qu'il s'est passé aujourd'hui.
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    La personne la plus insignifiante -
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    cet homme, accusé d'être
    le chauffeur de Ben Laden,
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    un des hommes les plus horribles au monde.
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    Et il n'a pas poursuivi n'importe qui,
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    mais la nation, en fait,
    l'homme le plus puissant au monde,
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    le président des États-Unis.
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    Et il ne le fait pas
    dans un tribunal insignifiant,
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    mais dans la plus haute Cour du pays,
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    la Cour suprême des États-Unis.
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    Et il gagne.
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    C'est une chose remarquable dans ce pays.
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    Dans de nombreux pays,
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    ce chauffeur aurait été tué,
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    simplement pour avoir pensé
    ester en justice.
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    Et plus vital pour moi,
    son avocat aussi aurait été tué.
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    Mais c'est ce qui fait que
    les États-Unis sont différents.
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    Ce qui les rend spéciaux. »
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    Grâce à cette décision,
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    les conventions de Genève s'appliquent
    à la guerre contre la terreur,
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    marquant la fin des prisons fantômes
    au niveau mondial.
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    la fin de torture par simulation de noyade
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    et la fin des tribunaux militaires
    de Guantánamo.
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    En construisant méthodiquement
    notre plaidoyer,
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    et entrant dans la tête des juges,
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    nous avons pu littéralement
    changer le monde.
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    Ça semble facile ?
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    Vous pourriez faire beaucoup
    de plaidoyers,
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    éviter les émotions,
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    et vous aussi, vous pourriez convaincre.
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    Je suis désolé de dire que
    ce n'est pas si simple.
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    Mes stratégies ne sont pas infaillibles
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    et bien que j'aie gagné
    plus d'affaires à la Cour suprême
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    que presque n'importe qui,
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    j'ai aussi beaucoup perdu.
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    Après l'élection de Donald Trump,
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    j'étais, en termes
    de Constitution, terrifié.
  • 7:00 - 7:03
    Comprenez bien qu'il ne s'agit pas
    de la gauche contre la droite,
  • 7:03 - 7:04
    ou quelque chose comme ça.
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    Je ne suis pas ici pour parler de ça.
  • 7:06 - 7:09
    Mais une semaine après le début
    du mandat du nouveau président,
  • 7:09 - 7:12
    souvenez-vous de ces scènes
    dans les aéroports.
  • 7:12 - 7:16
    Le président Trump avait fait campagne
    sur une promesse, en disant, je cite :
  • 7:16 - 7:20
    « Moi, Donald J. Trump j'appelle
    à l'arrêt total et complet
  • 7:20 - 7:23
    de l'immigration des Musulmans
    aux États-Unis. »
  • 7:23 - 7:26
    Et il a dit aussi, je cite :
    « Je pense que l'Islam nous déteste. »
  • 7:26 - 7:28
    Et il a tenu cette promesse
  • 7:28 - 7:33
    en prohibant l'immigration de sept pays
    à majorité musulmane.
  • 7:33 - 7:37
    Mon équipe juridique et d'autres
    ont immédiatement esté en justice,
  • 7:37 - 7:40
    et avons annulé cette première
    interdiction de voyager.
  • 7:40 - 7:41
    Trump l'a révisée.
  • 7:41 - 7:44
    Nous sommes encore allés
    au tribunal et l'avons annulée.
  • 7:44 - 7:46
    Il l'a encore révisée,
  • 7:46 - 7:48
    et l'a changée,
    en ajoutant la Corée du Nord,
  • 7:48 - 7:50
    car comme nous le savons tous,
  • 7:50 - 7:53
    les États-Unis ont eu un grand problème
    d'immigration avec la Corée du Nord.
  • 7:53 - 7:57
    Mais cela a permis à ses avocats
    d'aller à la Cour suprême et de dire :
  • 7:57 - 8:00
    « Ce n'est pas de la discrimination
    à l'égard des Musulmans,
  • 8:00 - 8:02
    cela inclut d'autres personnes. »
  • 8:02 - 8:05
    Je pensais que nous avions une réponse
    pour tuer définitivement ça.
  • 8:05 - 8:07
    Je ne vous ennuierai pas avec les détails,
  • 8:07 - 8:09
    mais nous avons perdu.
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    Cinq voix contre quatre.
  • 8:11 - 8:12
    J'étais abattu.
  • 8:12 - 8:16
    Je craignais que mes pouvoirs
    de persuasion aient faibli.
  • 8:16 - 8:18
    Puis, deux choses sont survenues.
  • 8:18 - 8:19
    Premièrement,
  • 8:19 - 8:21
    j'ai noté une partie de l'arrêt
    de la Cour suprême
  • 8:21 - 8:23
    sur l'interdiction de voyager
  • 8:23 - 8:26
    qui évoque l’internement
    des Américains d’origine japonaise.
  • 8:26 - 8:28
    Ce fut un moment horrible
    de notre histoire.
  • 8:28 - 8:33
    Plus de 100 000 personnes d'origine
    japonaise furent internées dans des camps.
  • 8:33 - 8:35
    Ma personne préférée
    qui a contesté cette pratique
  • 8:35 - 8:37
    était Gordon Hirabayashi,
  • 8:37 - 8:39
    un étudiant de l'Université de Washington.
  • 8:39 - 8:41
    Il s'est dénoncé au FBI,
  • 8:41 - 8:43
    qui a dit : « Écoutez,
    vous êtes un délinquant primaire.
  • 8:43 - 8:45
    Rentrez chez vous. »
  • 8:45 - 8:46
    Et Gordon a répondu :
  • 8:46 - 8:50
    « Non, je suis un quaker,
    je dois résister aux lois injustes. »
  • 8:50 - 8:52
    Et donc, on l'arrêté et condamné.
  • 8:52 - 8:55
    L'affaire de Gordon
    est allée à la Cour suprême.
  • 8:55 - 8:57
    À nouveau,
  • 8:57 - 8:59
    je vais tuer le suspense
    qui vous tient en haleine
  • 8:59 - 9:01
    et vous divulguer ce qu'il s'est passé.
  • 9:01 - 9:02
    Gordon a perdu.
  • 9:03 - 9:05
    Mais il a perdu pour une raison simple.
  • 9:05 - 9:07
    Parce que le procureur général,
  • 9:07 - 9:09
    l'avocat le plus important
    représentant la partie civile,
  • 9:09 - 9:11
    a dit à la Cour suprême
  • 9:11 - 9:14
    que l'internement des Américains
    de souche japonaise
  • 9:14 - 9:16
    était justifié
    par une nécessité militaire.
  • 9:16 - 9:17
    Et ce fut le cas,
  • 9:17 - 9:20
    même si l'équipe du procureur même
    avait découvert
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    qu'il n'y avait pas besoin d'interner
    les Américains d'origine japonaise
  • 9:24 - 9:27
    et que le FBI
    et la communauté du renseignement
  • 9:27 - 9:29
    en étaient tout autant convaincus.
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    D'ailleurs, ils savaient que les préjugés
    raciaux en étaient la motivation.
  • 9:32 - 9:35
    Le personnel du procureur
    général l'a supplié :
  • 9:35 - 9:38
    « Dites la vérité,
    ne cachez pas les preuves. »
  • 9:38 - 9:39
    Mais qu'a-t-il fait ?
  • 9:40 - 9:41
    Rien.
  • 9:41 - 9:44
    Il est entré et a raconté l'histoire
    de la « nécessité militaire ».
  • 9:45 - 9:49
    Et donc la Cour a maintenu
    la condamnation de Gordon Hirabayashi.
  • 9:49 - 9:53
    Et l'année suivante, a maintenu
    l'internement de Fred Korematsu.
  • 9:53 - 9:55
    Pourquoi ai-je pensé à cela ?
  • 9:55 - 9:57
    Parce que près de 70 ans plus tard,
  • 9:57 - 9:59
    je me suis retrouvé dans la même fonction,
  • 9:59 - 10:02
    celle de chef du bureau
    du procureur général.
  • 10:02 - 10:04
    Et j'ai pu rectifier le passé
  • 10:04 - 10:08
    en expliquant que le gouvernement
    avait déformé les faits
  • 10:08 - 10:11
    dans les affaires
    d'internement des Japonais.
  • 10:11 - 10:14
    En réfléchissant à l'arrêt de la Cour
    sur l'interdiction de voyager,
  • 10:14 - 10:16
    j'ai compris quelque chose.
  • 10:16 - 10:17
    La Cour suprême, dans cet avis,
  • 10:17 - 10:22
    a fait tout son possible
    pour rejeter l'affaire de Korematsu.
  • 10:22 - 10:26
    Le ministère de la Justice
    n'était plus le seul
  • 10:26 - 10:28
    à avoir affirmé
    que l'internement était immoral,
  • 10:28 - 10:31
    la Cour suprême l'avait déclaré aussi.
  • 10:32 - 10:35
    C'est une leçon cruciale
    sur les plaidoyers : leur timing.
  • 10:35 - 10:39
    Vous tous, lorsque vous discutez,
    tenez compte de ce facteur.
  • 10:39 - 10:41
    Quand présenter vos arguments ?
  • 10:41 - 10:43
    Les bons arguments seuls ne suffisent pas.
  • 10:43 - 10:46
    Vous avez besoin d'un bon argument
    au bon moment.
  • 10:46 - 10:50
    Quand est-ce que votre public -
    un conjoint, un chef, un enfant -
  • 10:50 - 10:52
    sera le plus réceptif ?
  • 10:52 - 10:55
    Parfois, c'est complètement
    hors de votre contrôle.
  • 10:55 - 10:57
    Un retard coûterait trop cher.
  • 10:58 - 11:00
    Et donc vous devez y aller et vous battre.
  • 11:00 - 11:03
    Et vous pourriez très bien, comme moi,
    vous tromper sur le timing.
  • 11:03 - 11:06
    Nous pensions cela
    sur l'interdiction de voyager.
  • 11:06 - 11:07
    Et, vous voyez,
  • 11:07 - 11:11
    la Cour suprême n'était pas prête,
    si tôt dans le mandat du président Trump,
  • 11:11 - 11:14
    à rejeter son initiative,
  • 11:14 - 11:17
    tout comme elle n'était pas prête
    à rejeter le projet de Roosevelt
  • 11:17 - 11:20
    d'internement des Américains
    de souche japonaise.
  • 11:20 - 11:22
    Parfois, on n'a pas le choix :
    il faut prendre le risque.
  • 11:22 - 11:25
    C'est pourtant si douloureux
    quand on perd.
  • 11:25 - 11:27
    Et la patience s'apprend à la dure.
  • 11:27 - 11:29
    Ce qui m'amène à la seconde leçon.
  • 11:29 - 11:31
    Même si le non-lieu survient plus tard,
  • 11:31 - 11:35
    j'ai réalisé l'importance
    du combat actuel,
  • 11:35 - 11:37
    parce qu'il inspire et nous apprend.
  • 11:38 - 11:43
    Je me souviens avoir lu un édito d'Ann
    Coulter sur l'interdiction des Musulmans
  • 11:43 - 11:45
    où elle dit :
  • 11:45 - 11:48
    « Le plaidoyer contre Trump fut réalisé
    par un Américain de première génération,
  • 11:48 - 11:49
    Neal Katyal.
  • 11:49 - 11:53
    De nombreuses personnes de dixième
    génération détestent les États-Unis.
  • 11:53 - 11:55
    N'était-il pas possible
    d'en trouver un pour plaider
  • 11:55 - 11:58
    que nous allons anéantir notre pays
    par l'immigration massive ? »
  • 11:58 - 12:00
    Et c'est à ce moment que l'émotion,
  • 12:00 - 12:03
    en contradiction totale
    avec un bon plaidoyer,
  • 12:03 - 12:05
    est devenue importante pour moi.
  • 12:05 - 12:09
    Il a fallu de l'émotion en dehors
    du tribunal pour pouvoir y retourner.
  • 12:09 - 12:13
    La lecture des mots de Coulter
    m'a mis en colère.
  • 12:14 - 12:15
    Je me rebelle contre l'idée
  • 12:15 - 12:20
    qu'être un Américain de première
    génération puisse me disqualifier.
  • 12:20 - 12:23
    Je me rebelle contre l'idée
    que l’immigration massive
  • 12:23 - 12:25
    anéantira ce pays,
  • 12:25 - 12:28
    au lieu de la reconnaître
    comme les fondations
  • 12:28 - 12:30
    sur lesquelles nous avons bâti
    notre nation.
  • 12:30 - 12:31
    En lisant Coulter,
  • 12:31 - 12:34
    j'ai pensé à tant de choses de mon passé.
  • 12:34 - 12:35
    J'ai pensé à mon père
  • 12:36 - 12:38
    qui est arrivé d'Inde
    avec huit dollars en poche
  • 12:38 - 12:42
    qui ignorait quelles toilettes utiliser :
    celles pour gens de couleur ou pas ?
  • 12:42 - 12:45
    J'ai pensé à sa première offre d'emploi
    dans un abattoir.
  • 12:46 - 12:47
    Ce n'est pas super pour un Hindou.
  • 12:47 - 12:52
    J'ai pensé à notre déménagement
    dans un nouveau quartier de Chicago
  • 12:52 - 12:54
    avec une autre famille indienne.
  • 12:54 - 12:56
    Cette famille avait trouvé une croix
    brûlée dans son jardin
  • 12:56 - 12:58
    parce que les racistes ne sont pas bons
  • 12:58 - 13:01
    pour distinguer les Afro-Américains
    des Hindous.
  • 13:01 - 13:03
    Et j'ai pensé à tout le courrier haineux
  • 13:03 - 13:04
    pendant Guantánamo,
  • 13:04 - 13:06
    qui me reprochait d'aimer les Musulmans.
  • 13:06 - 13:09
    Les racistes ne sont pas bons ici non plus
  • 13:09 - 13:11
    pour distinguer les Hindous des Musulmans.
  • 13:11 - 13:15
    Ann Coulter pensait qu'être l'enfant
    d'un immigrant était une faiblesse.
  • 13:15 - 13:19
    Elle avait tort, profondément tort.
  • 13:19 - 13:21
    C'est ma force
  • 13:21 - 13:24
    parce que je savais ce que les États-Unis
    étaient censés représenter.
  • 13:25 - 13:27
    Je savais qu'aux États-Unis,
  • 13:27 - 13:32
    moi, l'enfant d'un homme arrivé
    avec huit dollars dans sa poche,
  • 13:32 - 13:35
    je pouvais me tenir devant
    la Cour suprême des États-Unis
  • 13:35 - 13:37
    pour représenter un étranger haï,
  • 13:37 - 13:39
    comme le chauffeur de Osama Ben Laden,
  • 13:39 - 13:41
    et gagner.
  • 13:41 - 13:44
    Et cela m'a fait réaliser
    que même si j’ai perdu l'affaire,
  • 13:44 - 13:47
    j'avais raison au sujet
    de l'interdiction des Musulmans.
  • 13:47 - 13:49
    Peu importe ce que le tribunal a décidé,
  • 13:49 - 13:53
    ils ne peuvent pas changer le fait
    que les immigrants renforcent ce pays.
  • 13:53 - 13:57
    En effet, à bien des égards, ce sont
    les immigrants qui aiment le plus ce pays.
  • 13:57 - 13:59
    Quand j'ai lu les mots d'Ann Coulter,
  • 13:59 - 14:02
    j'ai pensé aux mots glorieux
    de notre Constitution.
  • 14:02 - 14:04
    Le premier amendement.
  • 14:04 - 14:08
    « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche
    l'établissement d'une religion. »
  • 14:08 - 14:10
    J'ai pensé à notre devise :
  • 14:10 - 14:12
    « E pluribus unum -
  • 14:12 - 14:14
    l'unité née de la multitude. »
  • 14:14 - 14:16
    Surtout, j'ai compris
  • 14:16 - 14:19
    que la seule façon de
    vraiment perdre un débat
  • 14:19 - 14:21
    est d'abandonner.
  • 14:21 - 14:24
    J'ai donc rejoint le procès intenté
    par le Congrès américain
  • 14:24 - 14:26
    contre l'ajout par le président Trump
  • 14:26 - 14:29
    d'une question au recensement
    sur la citoyenneté.
  • 14:29 - 14:31
    Une décision aux implications énormes.
  • 14:31 - 14:33
    C'était une affaire très difficile.
  • 14:33 - 14:35
    La plupart pensaient
    que nous allions perdre.
  • 14:35 - 14:37
    Mais en fait, nous avons gagné.
  • 14:37 - 14:38
    Cinq voix contre quatre.
  • 14:38 - 14:40
    La Cour suprême a en gros dit
  • 14:40 - 14:44
    que le président Trump et son Secrétaire
    de cabinet ont menti.
  • 14:45 - 14:48
    Et maintenant je me suis relevé
    et j'ai rejoint le combat,
  • 14:48 - 14:51
    et j’espère que chacun de vous,
    à sa façon, le fera aussi.
  • 14:51 - 14:52
    Je me relève
  • 14:52 - 14:56
    parce que je crois que les bons arguments
    finissent par triompher.
  • 14:57 - 14:59
    L'arc de la justice est long,
  • 14:59 - 15:00
    et se plie, souvent, lentement,
  • 15:00 - 15:03
    mais il se plie tant que nous le plions.
  • 15:04 - 15:08
    Et je réalise que la question n'est pas
    tant de savoir comment gagner
  • 15:08 - 15:11
    mais bien de savoir comment
    se relever quand on perd.
  • 15:11 - 15:13
    Parce qu'à long terme,
  • 15:13 - 15:15
    les bons arguments triompheront.
  • 15:15 - 15:17
    Si vous présentez un bon argument,
  • 15:17 - 15:19
    il a le pouvoir de vous survivre,
  • 15:19 - 15:21
    de se propager au-delà de vous-même,
  • 15:21 - 15:24
    d'atteindre ces esprits futurs.
  • 15:24 - 15:26
    Et c'est pourquoi tout cela
    est si important.
  • 15:26 - 15:30
    Je ne vous dis pas comment gagner
    dans le seul but de gagner des débats.
  • 15:30 - 15:32
    Ce n'est pas un jeu.
  • 15:32 - 15:36
    Je vous dis cela parce que
    même sans gagner tout de suite,
  • 15:36 - 15:40
    avec un plaidoyer juste,
    l'Histoire vous donnera raison.
  • 15:40 - 15:43
    Je me souviens de ce professeur
    de théâtre tout le temps.
  • 15:43 - 15:45
    Et je suis arrivé à la conclusion
  • 15:45 - 15:48
    que la main que j'ai tenue
    était la main de la justice.
  • 15:48 - 15:51
    Cette main tendue viendra pour vous.
  • 15:51 - 15:56
    Vous avez le choix de la repousser
    ou de continuer à la tenir.
  • 15:56 - 15:59
    Merci beaucoup pour votre attention.
Title:
Comment gagner un plaidoyer (à la Cour suprême des États-Unis ou ailleurs)
Speaker:
Neal Katyal
Description:

Le secret pour gagner un plaidoyer n'est pas une maîtrise supérieure de la rhétorique ou l'élégance du style, nous dit Neal Katyal, avocat au barreau de la Cour suprême des États-Unis. Il faut bien plus que cela.

Sur la base de récits des affaires les plus marquantes qu'il a plaidées devant la Cour, il montre pourquoi le clé pour élaborer un plaidoyer persuasif et réussi réside dans les rapports humains, l'empathie, et la foi dans le pouvoir de nos idées. « La question n'est pas de savoir comment gagner chaque plaidoyer. C'est de savoir comment se relever quand on perd. »

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English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
16:12

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