Comment l'éducation m'a aidée à réécrire ma vie
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0:01 - 0:03J'avais huit ans.
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0:03 - 0:05Je me souviens clairement de ce jour
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0:05 - 0:08comme si c'était hier.
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0:09 - 0:11Ma mère est rouleuse de bidis.
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0:11 - 0:15Elle roule des cigarettes à la main
pour nourrir notre famille. -
0:16 - 0:18Elle travaille dur
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0:18 - 0:22et passait 10 à 12 heures tous les jours
à rouler des bidis. -
0:22 - 0:28Ce jour-là, elle est rentrée à la maison
et m'a montré son carnet de paie. -
0:28 - 0:31Elle m'a demandé combien d'argent
elle avait gagné cette semaine. -
0:32 - 0:34J'ai parcouru le carnet,
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0:34 - 0:38et ce qui m'a frappée était de voir
l'empreinte de son pouce sur chaque page. -
0:40 - 0:42Ma mère n'est jamais allée à l'école.
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0:43 - 0:46Elle utilise ses empreintes de pouce
au lieu d'une signature -
0:46 - 0:48pour garder une trace de son salaire.
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0:49 - 0:52Ce jour-là, pour une raison que j'ignore,
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0:52 - 0:56je voulais lui apprendre à tenir un stylo
et à écrire son nom. -
0:56 - 0:58Elle était réticente au début.
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0:58 - 1:01Elle souriait innocemment et disait non.
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1:02 - 1:06Mais au fond, j'étais sûre
qu'elle voulait essayer. -
1:06 - 1:09Avec un peu de persévérance
et beaucoup d'efforts, -
1:09 - 1:11on a réussi à écrire son nom.
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1:11 - 1:15Ses mains tremblaient
et son visage rayonnait de fierté. -
1:17 - 1:19Alors que je la regardais faire,
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1:19 - 1:22pour la première fois de ma vie,
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1:22 - 1:25j'ai eu le sentiment inestimable
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1:25 - 1:28que je pouvais être utile à ce monde.
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1:30 - 1:33Ce sentiment était très spécial
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1:33 - 1:35parce que je ne suis pas faite
pour être utile. -
1:36 - 1:40En Inde rurale, les filles sont en général
considérées comme sans valeur. -
1:40 - 1:43Elles sont soit une responsabilité,
soit un fardeau. -
1:43 - 1:45Elles sont seulement utiles
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1:45 - 1:48quand il s'agit de cuisiner,
de nettoyer la maison -
1:48 - 1:49ou d'élever les enfants.
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1:50 - 1:54En étant la deuxième fille
dans ma famille indienne conservatrice, -
1:54 - 1:57je me suis rendu compte
dès mon plus jeune âge -
1:57 - 2:00que personne n'attendait rien de moi.
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2:01 - 2:06J'étais conditionnée à croire que
les trois identités qui me définissaient - -
2:06 - 2:09pauvre fille villageoise -
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2:09 - 2:14signifiaient que je devais vivre
une vie sans voix, ni choix. -
2:15 - 2:19Ces trois identités m'ont fait penser
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2:19 - 2:22que je n'aurais jamais dû naître.
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2:24 - 2:26Pourtant, je le suis.
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2:27 - 2:31Durant toute mon enfance, alors que
je roulais des bidis avec ma mère, -
2:31 - 2:34je me demandais :
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2:34 - 2:35que me réserve l'avenir ?
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2:36 - 2:40Je demandais souvent à ma mère,
avec beaucoup d'angoisse : -
2:40 - 2:43« Amma, ma vie sera-t-elle
différente de la tienne ? -
2:44 - 2:46Est-ce que j'aurai la chance
de choisir ma vie ? -
2:47 - 2:49D'aller à l'université ? »
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2:50 - 2:52Elle me répondait :
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2:53 - 2:55« Finis d'abord le lycée. »
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2:56 - 3:00Je suis sûre que ma mère
n'avait aucune intention de me décourager. -
3:00 - 3:03Elle voulait juste que je comprenne
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3:03 - 3:07que mes rêves étaient peut-être
trop grands pour une fille de mon village. -
3:08 - 3:12Quand j'avais 13 ans, j'ai trouvé
une autobiographie d'Helen Keller. -
3:13 - 3:16Helen est devenue mon inspiration.
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3:16 - 3:18J'admirais son esprit indomptable.
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3:18 - 3:21Je voulais avoir un diplôme
universitaire comme elle, -
3:21 - 3:25j'ai donc affronté mon père et mes proches
pour qu'on m'envoie à l'université, -
3:25 - 3:27et ça a marché.
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3:29 - 3:31La dernière année du premier cycle,
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3:32 - 3:36je voulais désespérément échapper
au mariage forcé, -
3:36 - 3:38j'ai donc postulé à un programme
de bourse à Delhi, -
3:38 - 3:42à environ 2 500 km de mon village.
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3:42 - 3:44(Rires)
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3:45 - 3:50En fait, je me souviens que le seul moyen
était de remplir ma demande -
3:50 - 3:52pendant mon trajet vers la fac.
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3:53 - 3:56Je n'avais pas accès aux ordinateurs,
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3:56 - 3:59j'ai donc dû emprunter
le portable d'un camarade. -
3:59 - 4:03En tant que femme, je n'avais pas le droit
d'être vue avec un portable, -
4:03 - 4:06je cachais alors son téléphone
sous mon châle -
4:06 - 4:09et je tapais le plus lentement possible
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4:09 - 4:11pour ne pas être entendue.
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4:13 - 4:15Après plusieurs entretiens,
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4:15 - 4:19j'ai été acceptée dans le programme
avec une bourse complète. -
4:19 - 4:23Mon père était perturbé,
ma mère était inquiète -- -
4:23 - 4:27(Applaudissements)
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4:27 - 4:30Mon père était perturbé,
ma mère était inquiète, -
4:30 - 4:33mais j'avais des papillons dans le ventre
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4:33 - 4:36parce que j'allais quitter mon village
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4:36 - 4:37pour la première fois
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4:37 - 4:39pour aller étudier dans la capitale.
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4:41 - 4:44Parmi les 97 boursiers de cette année-là,
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4:44 - 4:46j'étais la seule jeune diplômée
issue du milieu rural. -
4:47 - 4:50Personne d'autre ne me ressemblait,
ni ne parlait comme moi. -
4:51 - 4:55Je me sentais isolée, intimidée
et jugée par beaucoup. -
4:56 - 4:59Un camarade m'appelait « Coconut Girl ».
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5:00 - 5:02Qui peut deviner pourquoi ?
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5:02 - 5:03Personne ?
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5:04 - 5:08Parce que j'utilisais beaucoup
d'huile de coco dans mes cheveux. -
5:08 - 5:11(Rires)
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5:11 - 5:14Un autre m'a demandé
comment j'avais appris l'anglais, -
5:14 - 5:19et certains ne voulaient pas de moi
dans leur groupe de travail -
5:19 - 5:23parce qu'ils pensaient que je n'étais pas
capable de contribuer à la discussion. -
5:23 - 5:29J'ai senti que beaucoup de mes camarades
pensaient qu'une personne de l'Inde rurale -
5:29 - 5:31ne pouvait rien apporter de valeur,
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5:31 - 5:35alors que la majorité de la population
indienne est rurale. -
5:36 - 5:41Une histoire comme la mienne
est considérée comme une exception, -
5:42 - 5:44et jamais comme une possibilité.
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5:46 - 5:51Je crois qu'on naît tous dans une réalité
qu'on accepte aveuglément, -
5:51 - 5:54jusqu'à ce qu'on se réveille
et qu'un nouveau monde s'ouvre. -
5:55 - 6:01Quand j'ai vu la première signature
de ma mère sur son carnet de salaire, -
6:01 - 6:04quand j'ai senti l'air chaud de Delhi
sur mon visage -
6:04 - 6:07après un trajet de 50 heures en train,
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6:07 - 6:10quand je me suis enfin sentie libre
et moi-même, -
6:10 - 6:14j'ai eu un aperçu de ce nouveau monde
que je désirais, -
6:14 - 6:18un monde dans lequel une fille comme moi
n'est plus un fardeau, -
6:18 - 6:20mais une personne de valeur, utile
-
6:20 - 6:22et une personne de mérite.
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6:24 - 6:27À la fin de ma bourse,
ma vie avait changé. -
6:27 - 6:30J'avais non seulement retrouvé ma voix,
-
6:30 - 6:33mais j'avais aussi le choix
de me rendre utile. -
6:34 - 6:36J'avais 22 ans.
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6:36 - 6:40Je suis retournée dans mon village
pour créer la fondation Bodhi Tree, -
6:40 - 6:43une institution qui soutient
la jeunesse rurale -
6:43 - 6:47en leur donnant une éducation,
des compétences et des opportunités. -
6:48 - 6:50On travaille avec les jeunes
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6:50 - 6:53pour changer leur vie
et aider nos communautés. -
6:54 - 6:57Comment savoir que
mon institution fonctionne ? -
6:57 - 7:01Il y a six mois, une nouvelle personne
nous a rejoints. -
7:01 - 7:03Elle s'appelle Kaviarasi.
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7:03 - 7:06Je l'ai repérée à l'université locale
de Tirunelveli -
7:06 - 7:09pendant l'une de mes séances de formation.
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7:09 - 7:12On peut voir qu'elle a
un sourire remarquable. -
7:14 - 7:19On l'a aidée à aller étudier
à l'université d'Ashoka, à Delhi. -
7:19 - 7:25Le meilleur, c'est qu'elle est de retour
à Bodhi Tree en tant que formatrice -
7:25 - 7:30travaillant avec dévouement à changer
la vie d'autres comme elle. -
7:30 - 7:33Kaviarasi ne veut pas avoir l'impression
d'être une exception. -
7:33 - 7:36Elle veut être utile aux autres
dans ce monde. -
7:37 - 7:41Récemment, Kaviarasi a guidé Anitha,
-
7:41 - 7:43qui vient aussi d'un village reculé,
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7:43 - 7:45vit dans une maison de neuf m²,
-
7:45 - 7:48ses parents sont aussi ouvriers agricoles.
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7:48 - 7:53Kaviarasi a aidé Anitha à intégrer
un prestigieux programme -
7:53 - 7:56dans une grande fac indienne
avec une bourse complète. -
7:57 - 7:59Devant la réticence de ses parents
à l'envoyer aussi loin, -
7:59 - 8:02on a demandé aux membres
du comité de district -
8:02 - 8:03de parler aux parents d'Anitha,
-
8:03 - 8:05et ça a marché.
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8:05 - 8:08Et il y a Padma.
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8:08 - 8:10Nous sommes allées à la fac ensemble.
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8:10 - 8:14Elle est la première diplômée
de son village. -
8:14 - 8:17Elle travaillait avec moi à Bodhi Tree
-
8:17 - 8:21jusqu'à ce qu'elle décide d'aller
à l'école supérieure. -
8:21 - 8:22Je lui ai demandé pourquoi.
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8:22 - 8:25Elle a dit qu'elle voulait s'assurer
-
8:25 - 8:29ne jamais être un fardeau
pour qui que ce soit -
8:29 - 8:31à aucun moment de sa vie.
-
8:32 - 8:34Padma, Anitha et Kaviarasi
-
8:34 - 8:37ont grandi dans les communautés
et familles -
8:37 - 8:39les plus difficiles qu'on puisse imaginer.
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8:39 - 8:43Mais ma quête d'utilité dans ce monde
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8:43 - 8:46leur a servi à trouver leur utilité
pour ce monde. -
8:48 - 8:50Bien sûr, il y a des défis.
-
8:50 - 8:52Je sais que le changement
n'arrive pas soudainement. -
8:52 - 8:57Je travaille beaucoup
avec les familles et communautés -
8:57 - 9:00pour les aider à comprendre
pourquoi l'éducation -
9:00 - 9:01est utile à tous.
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9:02 - 9:04Agir permet de les convaincre rapidement.
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9:04 - 9:07Quand ils voient leurs enfants
s'instruire, -
9:07 - 9:09avoir un vrai travail,
ils commencent à changer. -
9:10 - 9:13Ce qui s'est passé chez moi
en est un bon exemple. -
9:14 - 9:18J'ai reçu une récompense
pour mon travail social -
9:18 - 9:20du Ministre en chef de l'État.
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9:21 - 9:24J'allais donc passer à la télévision.
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9:24 - 9:26(Rires)
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9:26 - 9:32Tout le monde était collé à la télé,
y compris mes parents. -
9:32 - 9:35Je voudrais croire que
voir sa fille à la télé -
9:35 - 9:37a aussi permis à ma mère
de se sentir utile. -
9:39 - 9:42Espérons maintenant qu'elle arrête
de me forcer à me marier. -
9:42 - 9:45(Rires)
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9:47 - 9:51Trouver mon utilité m'a aidée
à me libérer des identités -
9:51 - 9:53imposées par la société --
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9:53 - 9:56pauvre fille villageoise.
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9:56 - 10:00Trouver mon utilité m'a permis
de ne pas être mise en boîte, -
10:00 - 10:02en cage et en bouteille.
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10:03 - 10:06Trouver mon utilité m'a aidée
à trouver ma voix, -
10:06 - 10:08ma propre estime et ma liberté.
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10:09 - 10:14Je vous laisse avec cette réflexion :
où vous sentez-vous utile à ce monde ? -
10:14 - 10:16Dans la réponse à cette question,
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10:16 - 10:19vous trouverez votre voix
et votre liberté. -
10:19 - 10:21Merci.
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10:21 - 10:26(Applaudissements)
- Title:
- Comment l'éducation m'a aidée à réécrire ma vie
- Speaker:
- Ashweetha Shetty
- Description:
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Il n'y a pas plus grande liberté que de trouver son but, selon Ashweetha Shetty, militante pour l'éducation. Née dans une famille pauvre en Inde rurale, Shetty n'a pas laissé les normes sociales de sa communauté étouffer ses rêves et la réduire au silence. Dans cet exposé personnel, elle raconte comment elle a trouvé sa propre estime grâce à l'éducation -- et comment elle travaille à donner à la jeunesse rurale les moyens d'explorer leur potentiel. « On naît tous dans une réalité qu'on accepte aveuglément -- jusqu'à ce qu'on se réveille et qu'un nouveau monde s'ouvre », déclare-t-elle.
- Video Language:
- English
- Team:
- closed TED
- Project:
- TEDTalks
- Duration:
- 10:41
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