Avec la place relativement dominante
qu'occupe le hip-hop parmi les sommets vertigineux
de l'industrie mondiale du spectacle,
nous oublions souvent ses origines modestes
et son influence persistante au sein
des courants politiques révolutionnaires.
J'ai reçu une lettre
du gouvernement l'autre jour,
je l'ai ouvert et je l'ai lue,
ça disait que c'étaient des enfoirés.
J'suis au courant, vous n'aimez pas
mon comportement. Vous dites que j'vends du crack.
Mais à vous voir aller, je préfère rester loin,
je changerais jamais de place avec vous,
Être flic?
Surveillant malveillant!
Appelez-moi Little Bobby Hutton,
j'serai le premier à appuyer sur le bouton
les rappers n'ont rien à dire
au système, sinon qu'on les emmerde
C'est pour ça qu'on dit "fuck",
et qu'on fait du hip-hop
rien à foutre de ton badge, ta matraque ou ton Glock
ta tête capote, en mode panique-flic-choc
oublie pas, le temps passe
et l'horloge ne s'arrête pas!
S'il n'a vu le jour qu'à la fin
des années 70 et début 80, la génèse du hip-hop
remonte à l'été 1973, dans le sud du Bronx.
À l'époque, les quartiers du nord de la ville
de New-York ressemblaient à des zones de guerre.
Des décennies de négligence, d'exode blanc,
de projets d'infrastructures publiques mal pensées,
de politiques racistes de sélection du crédit
et de délabrement urbain avaient laissé des quartiers entiers en ruines.
Le manque d'emploi et la pauvreté généralisée avaient créé une zone de non-droits peuplée de gangs de rue,
où des centaines de petites bandes se livraient
une guerre constante pour le contrôle des territoires,
faisant littéralement cramer
des pans entiers de la ville.
C'est de ce mélange brûlant de tension
socio-économique que le hip-hop est né, sous la forme
d'une vibrante sous-culture DIY, se répandant dans
les fêtes organisées par des membres de la classe ouvrière noire
et de la jeunesse portoricaine, toutes deux aliénées
et exclues de la flamboyante scène disco de New-York.
L'apparition du groupe
Universal Zulu Nation, né le 12 novembre 1973,
fut un moment catalyseur
pour la scène émergente du hip-hop.
... les autos changent tout le temps,
rien ne reste pareil, mais y'a toujours eu des renégats
Chef Sitting Bull, Tom Payne,
Matin Luther King, Malcom X
étaient les renégats de l'ère atomique.
Formée de membres de la bande
des Black Spades, la Zulu Nation a érigé le hip-hop
en outil de mobilisation communautaire,
capable de rassembler les membres de différentes gangs,
régler les comptes des conflits de rue et instaurer
des codes de conduite communs, tout en imprégnant la scène
de valeurs politiques
formatrices de solidarité, de communauté
et de conscience panafricaine.
C'est à la Zulu Nation qu'on attribue le crédit d'avoir forgé les bases de la culture hip-hop,
autour de cinq éléments-clés:
les Mcs, les Djs, le graffiti, le break-dance
et enfin, la culture de rue.
... et puis je me suis assagie,
je me suis mise à écouter
les profs débiles
et le système pourri.
Ma mère m'a inscrite à la Weusi Shule,
ça veut dire l'école noire en Swahili;
c'est là que j'ai appris sur l'histoire noire,
à devenir le meilleur de moi-même;
On parle pas aux flics,
on ne gardera pas la paix ;
aucune confiance en la loi
on se défend à coups de fusils ;
on se fie à la rue,
on se bat pour nos quartiers,
je suis né sous le sigle G,
c'est gravé dans mon sang.
Au cours des décennies suivantes,
le hip-hop s'est transformé en phénomène mondial,
devenant à lui seul une industrie
d'une valeur de plusieurs billions de dollars.
Malgré cela, les cinq éléments-clés
du hip-hop ont survécu s'adaptant au fil des années,
pour maintenir l'authenticité qui permet
aux artistes radicaux de continuer à innover, s'imposer
et livrer résistance
à la poussée commerciale de l'industrie.
Au cours des trente prochaines minutes,
nous explorerons le hip-hop en tant que source riche et persistante
de culture révolutionnaire, ancrée dans
l'oppression, l'exploitation et la criminalisation
que subit la jeunesse issue
des communautées pauvres et racisées.
Nous discuterons avec plusieurs
artistes issu.es de mouvements populaires
qui crachent leur vérité à la face du pouvoir,
mobilisent leurs communautés, brûlent les planches...
et foutent le trouble.
"Hip-hop" est l'acronyme de
"His/Her Infinite Power Helping Oppressed People".
Ça vient directement
du temple du hip-hop.
Ça vient des OGs comme KRS-One
et les autres, qui se sont réunis pour réfléchir
à comment faire ressortir les traits positifs
de nos cultures, en s'ancrant dans des notions
de libération commune
et de mise en puissance.
Pour moi, le hip-hop représente un outil
pour répandre un message de résistance au public large.
Pour moi, c'est un moyen de partager
mon histoire directement, sans qu'un.e intermédiaire
puisse déformer
mes mots ou mon expérience.
C'est la résistance et la créativité,
voilà ce qu'est le hip-hop pour moi.
À la base, le hip-hop est né pour
dénoncer l'injustice ; ensuite, il a servi à élever les voix
et les histoires des opprimé.es.
Les débuts étaient très modestes,
il n'y avait pas beaucoup d'argent, ni de gros budget.
C'était comme un mélange
de ce que les gens avaient sous la main.
Les gens y ont trouvé un médium grâce auquel
fouiller les décombres ; illes se sont mis à graffitier les murs,
à faire du break-dance,
à rapper et mixer... c'était un mode de résistance.
Cette jeunesse qui lançait
des briques et se battait avec la police,
elle avait quelque chose à dire.
À mon sens, le hip-hop est un outil
de transformation, une culture bâtie sur des principes de vie :
l'unité, l'amour, le respect... et spécialement,
le plaisir, le besoin de défendre notre joie.
Il y a une citation
du DJ Grandmaster Caz,
qui dit que le hip-hop
n'a rien inventé, mais tout réinventé.
Rassemblés près du feu, nous écoutions
l'allégorie racontée par nos aîné.es, les récits
des victimes du vampire.
Comment éviter
les mêmes erreurs? Sagesse.
Projetons une vision,
éradiquons les prisons.
Je ne voulais que vivre libre,
mais j'en avais pas les moyens,
mon enfant en a l'esprit,
elle est brillante et splendide.
Oui, nous endossons l'auto-défense,
toujours calme lorsqu'elle s'apprête à charger.
Attends,
esa morra va bientôt charger!
Eh merde,
et tout le barrio l'applaudit!
Y'a plein de gens qui veulent des potes,
y'a plein de gens qui veulent une Benz,
y'a plein de gens qui n'ont pas
ce qu'illes veulent, donc illes s'envoient des pillules
on dit que les moyens
ne justifient pas la fin,
mais quand est-ce que
la fin justifie-t-elle les moyens?
Et s'il suffisait,
pour en finir avec la misère,
d'envoyer les riches à la guillotine?
J'peux pas regarder ces enfants mourir
et mentir, dire que ça m'affecte, puis rien faire
et m'écraser, les abandonner.
Si vous êtes prêt.es, prenez l'arme,
accrochons-nous à la machette, et aux gens concerné.es,
on a un problème de mémoire.
Notre liberté leur coûte cher, lorsqu'on
pense par nous-même et qu'on quitte le troupeau
illes nous veulent ignorant.es
lorsqu'on est pauvres, illes sont puissant.es
Fuck le parlement, fuck les flics,
feu aux beaux bureaux de nos putains de patrons
le modèle économique dominant,
c'est leurs grosses queues dans les boîtes de scrutin.
Ça vient du Bronx des années 70
et maintenant, c'est international.
Le hip-hop, c'est comme
notre folk : ça raconte notre histoire.
Ce sont les récits
de l'empire américain, vu de l'intérieur.
Je pense que c'est ce qui le rend
irrésistible, pourquoi il attire autant l'attention ;
on ne s'en rend peut-être pas compte, mais le hip-hop
s'est répandu parce qu'il raconte des histoires intéressantes
que tout le monde gagne à entendre.
Le hip-hop est une culture universelle
enraciné dans un contexte de marginalisation,
de pauvreté et de criminalisation.
À l'origine, c'était très spécifique au contexte des années 70
de la ville de New York,
mais ça s'adapte aussi
facilement à d'autres lieux et situations
comme les problématiques
de territoires, d'exploitation,
la précarité d'habitation,
l'inégalité des chances, etc.
Ça provient de l'histoire des peuples
qu'on a volés au continent africain
et délocalisés dans les Caraïbes,
ou en Amérique du Nord, du Sud et Centrale...
Ça provient aussi des mélanges d'ethnies
qu'ont créées le processus d'asservissement colonial
et de conquête
du soi-disant "nouveau monde".
Une des raisons qui m'ont attiré
au hip-hop, c'est qu'il révèle une histoire commune.
Nous partageons des récits
d'oppression, mais aussi de résistance.
Nous jugerons l'histoire à la lumière de
ce qu'on saura de notre expérience ici aux États-Unis,
en tant que descendant.es
de celleux qu'on a volé au contient africain.
Mais nous devons aussi pouvoir juger de
notre existence et notre influence sur ce qui s'est passé
avant ça, et ce qui se passe
en ce moment-même dans la diaspora africaine
au niveau des luttes
de libération et d'auto-détermination.
Je puise ma force dans les chants
de mes ancêtres, ceux qu'illes ont chanté pour
exprimer leur résistance et
leur lutte, appeler à contester et détruire
toute personne
ou peuple qui souhaite annihiler les nôtres.
Une part majeure
de mon inspiration musicale vient des personnes
qui partagent leur histoire
avec honnêteté et vulnérabilité, spécialement celleux
qui adressent leur colère
et leur rage envers les systèmes oppressifs
qui nous entourent.
Tout d'abord, j'admets ouvertement que
je suis un invité dans la maison du hip-hop.
Je n'essaye pas de m'accaparer
l'expérience des autres pour la blanchir.
Puisque je vois les choses d'une perspective
de blanc, il est de ma responsabilité de critiquer
la culture blanche,
comme peut le faire un homme blanc.
Alors j'emploie ma musique à confronter les parties
les plus merdiques de la culture blanche : l'impérialisme,
le colonialisme,
le capitalisme et l'autoritarisme.
S'il est devenu un phénomène mondial,
le hip-hop tient ses origines et ses racines
des expériences de vie
de la jeunesse noire et latina, sa lutte pour survivre
dans les ghettos urbains de l'Amérique.
Ce qu'on appelle "l'âge d'or" du hip-hop, entre la fin des années 80 et la mi-90,
représente une période
particulièrement turbulente.
L'inondation de crack qu'ont connu les quartiers
pauvres et racisés du milieu des années 80
a provoqué une montée de violence dans
les rues, alimentant les guerres entre des gangs
lourdement militarisées
aux budgets croissants.
Cela a eu comme effet de justifier l'escalade
de la guerre contre les drogues de Ronald Reagan,
qui lança un ensemble de politiques visant
la criminalisation des communautés racisées,
ouvrant ainsi la porte à plus de répression
policière et l'incarcération de masse, deux piliers jumeaux
de la stratégie contre-insurrectionnelle
qu'ont employée les États-Unis à l'interne jusqu'à ce jour.
En 1986, au centre-sud de LA,
se forma un groupe qui allait se nourrir du désespoir
et de la rage ambiante
pour changer le visage du hip-hop à jamais.
Ce goupe s'appelait NWA ; il allait devenir le premier
pillier d'une nouvelle branche du hip-hop : le gangsta rap.
De nos jours, il est difficile de décrire\
le choc et la terreur qu'a répandu NWA au sein
de la structure du pouvoir suprémaciste
blanc, spécialement parmi les rangs policiers.
Par la nature même de son langage et ses actions,
la musique rap encourage la violence contre l'autorité
et par conséquent,
contre les agents de l'ordre public.
Des chansons comme Fuck Tha Police sont devenues
les cris de ralliement de toute une génération de jeunes racisé.e.s,
dont la rage ne tarderait pas
à s'exprimer lors des émeutes de '92 à L.-A.
Fuck the police
comin' straight from the underground
A young nigga got it bad cause I'm brown.
And not the other color, so police think,
they have the authority to kill a minority.
Mais si NWA a servi de mégaphone à la haine
généralisée de la jeunesse racisée contre la police,
ils ont aussi teinté le hip-hop populaire
d'une grande violence misogyne et homophobe
qui continue de faire ravages aujourd'hui.
Ils ont aussi fournit à l'industrie émergente du hip-hop,
largement contrôlée par les structures capitalistes blanches
contre lesquelles ils se rebellaient,
l'occasion de s'enrichir de millions de dollars
en vendant des albums qui glorifiaient
une culture meurtrière au sein de la jeunesse racisée.
Beaucoup des potes de mon âge
étaient impliqués dans ce genre de merde,
ils s'entretuaient.
Ils assassinaient des gars avec qui
ils avaient grandi, étaient allés à l'église,
était allés à l'école
et joué à la balle... tout ça pour faire partie
de la culture de gang, vous voyez?
Ou alors, ils essayaient de faire de l'argent
en vendant de la drogue et ça, je peux comprendre...
Mais... vraiment?
J'étais là pendant l'époque du crack,
j'ai vu le début de toute cette criminalisation,
l'incarcération de masse qui sévit aujourd'hui, ce nouveau
discours à la Jim Crow... c'était un contexte très lourd,
l'époque du crack,
et ça a duré jusqu'aux années 90.
Alors évidemment, notre musique parlait
de nos batailles contre cette nouvelle drogue
qui sévissait dans nos communautés,
ou alors on s'encourageait à l'utiliser pour s'en sortir.
Ça a toujours fait partie du rap, depuis le début.
Partons du principe
que le privé est politique ;
parce que même si on croit
agir en tant qu'individu.e.s,
nos gestes ont des répercussions
sur nos familles,
nos proches, notre communauté...
et ultimement,
sur la société dont on fait partie.
Il y a une différence entre
raconter son histoire et glorifier des choses
qu'on n'a pas eu
le choix de faire pour survivre.
J'apprécie lorsque les artistes abordent
leur passé violent avec les gangs de rue,
la vente de drogue,
toutes ces merdes qu'on a du faire
et qu'on est heureux.ses de laisser derrière.
L'État planifie,
nous met dans des cages, la vie en dedans
pour avoir vendu la merde
qu'ils ont mis dans nos rues, sachant qu'on le ferait
parce qu'on est sans espoir,
on a faim et on crève dans les rues
pour une fraction
de ce que je gagne grâce à mon rythme.
J'essaie d'éviter de glorifier
certaines parties de mon passé, parce que
je vois ce que
ça donne chez d'autres artistes.
Cold gang with the cocaine,
more money make more rain
Pourin' up a pint while I'm baggin' propane.
Point blank range give a nigga nose rings.
Skip to my lou with a pack in the cat.
Jiffy, Lube where the bricks where they at?
Dans le hip-hop on parle de bitches, de putes, de fusils, d'argent, de sexe, d'assassinat et tout ça...
mais jetez un oeil à l'armée, la marine, les agents de l'État... ils parlent des exactes mêmes choses.
C'est le miroir de la culture qui est la nôtre.
Ce sont les valeurs que nous avons héritées
avec les conditions de survie dans ce pays,
de prioriser les trucs qui vont
nous obtenir du sexe, du respect, de l'argent
et qui vont forcer les autres à nous
reconnaître comme égal... c'est de la grosse merde.
Je suis énormément inspiré par les artistes
qui s'éloignent des paramètres de respectabilité sociale
pour parler de leur réalité
sans épargner les états d'âmes
de nos oppresseur.e.s.
C'est à ça que ma musique sert :
confronter tout ce qui nous a été imposé,
exprimer un refus drastique.
Je ne me conforme pas au status quo du hip-hop.
J'ai beaucoup à désapprendre ;
je n'ai pas grandi dans une communauté autochtone,
mais dans la ville, parce que
les générations avant moi se sont fait déloger
de leurs terres pour se faire placer en ville.
Dans ma musique,
vous ne m'entendrez pas parler de tuer des mecs,
vous ne trouverez pas
de propos dégradants envers les femmes,
vous ne m'entendrez pas
parler de descendre des pédés, tapette-ci et fif-ça.
Il y a un paquet de gens qui ont
des propos dégueulasses dans le monde du hip-hop
et moi, j'essaye d'éviter ça.
Je ne fais pas de spectacles avec
ce genre d'artistes, je ne collabore pas avec eux,
je ne veux pas endosser
ce genre de discours et teinter mon travail
de haine, tu vois?
J'essaie de promouvoir le genre de hip-hop
que j'aime d'entendre et de travailler avec des gens
qui font du rap comme je l'aime.
Peu importe le contenu,
il y a un contexte politique au hip-hop
qui provient de ses origines
et du besoin de nous réapproprier notre histoire.
Même si ça n'a pas l'air militant,
ça part d'une intention de survivre à la violence ;
c'est pourquoi je crois qu'il est extrêmement important
de faire preuve de responsabilité, de maturité et de discipline,
afin de ne pas abuser de cette plateforme
pour s'élever en prédateurs et échapper
à toute redevabilité face aux tendances patriarcales.
Dès la jeunesse, j'ai compris qu'il me fallait
être trois fois meilleure que les gars pour n'obtenir
qu'un minimum de reconnaissance.
Du coup je suis débarquée en furie et je n'ai pas ralenti depuis,
parce que je suis consciente
de mon désavantage, je vois l'effet du patriarcat
et du sexisme.
Chaque fois que je fais un spectacle où
je suis la seule femme sur scène, on l'adresse ;
on souligne que ça n'est pas
parce que je suis la seule femme
qui a quelque chose à dire ou
qui mérite d'être entendue... mais bien parce que
nous n'écoutons pas assez
les femmes en général et que les hommes
ne nous passent
pas assez souvent le micro.
J'ai mis mon visage dans un livre,
parce que les mien.ne.s sont profilé.e.s ;
on nous efface des bouquins
et on nous raconte des conneries ;
Aucune limite, dépasse-toi!
L'herbe de la cali nous fera toucher les nuages!
Déjà en 2005,
je savais que je deviendrais sage
Reine et maître du chaos
que j'habite ; de tyran à criminelle,
je suis le théâtre de mes plus belles batailles,
je m'autogouverne, mon drapeau est anarchiste!
Au réveil, sans maquillage et presque nue,
je me dis que j'suis carrément splendide
pardonnez mon effronterie
mais les accrocs ne font pas l'habit
mes défauts et mes cicatrices,
je les porte et elles sont magnifiques
mon corps est une oeuvre d'art
tissée par les méchancetées de la vie.
Beaucoup de choses ont changé
depuis les débuts du hip-hop, il y a 45 ans.
D'abord, beaucoup des quartiers
emblématiques qui ont vu naître le hip-hop
ont été gentrifiés, causant l'éclatement
des communautés, soumises au gré de la délocalisation.
Bien loin des terrains explosifs
de révolte et de décadence urbaine qu'ils ont été
dans les années 70, ces quartiers
sont aujourd'hui devenus les sites lissés
de tours à condos,
de bars de hipsters et de cafés Starbucks.
Il ne faut pas nécessairement
conclure que l'affaire est close, encore moins
que les contradictions sociales
d'où est né le hip-hop ont disparues.
Le sud du Bronx demeure un quartier principalement
ouvrier, miné par le racisme et la répression policière ;
d'ailleurs il y a des tonnes d'excellent hip-hop
qui bouillonne au sein des centres urbains traditionnels d'Amérique,
de Baltimore à Oakland.
Bam!
Le diable blanc cible les pauvres ;
à l'école j'étais pas au niveau,
je traînais avec les bums,
genre yo, d'où tu viens mon pote?
Lola est genre, “Bakit ka nag
tatambay dun sa calle parate?!”
Si la démographie urbaine a changé,
le centre de gravité du hip-hop s'est aussi déplacé.
Aux États-Unis, depuis
les années 2000, on constate ce changement
à la montée du rap du sud ;
depuis, Atlanta est devenue l'épicentre du hip-hop.
De même,
le hip-hop s'est répandu partout au monde,
s'enrichissant au passage des
cultures et traditions locales, qui ont ajouté
leur grain de sel, tout en honorant l'esprit
de résistance et de rébellion contre l'autorité
qui caractérise l'intérêt mondial du hip-hop.
La culture hip-hop
est l'expression de la réalité des opprimé.e.s.
Aujourd'hui, c'est un mouvement tellement mondial que
chaque quartier, chaque communauté peut s'y sentir représentée.
Je vois du hip-hop en Palestine.
Les artistes autochtones se lèvent
partout au monde pour raconter ces histoires
qui méritent tant d'être entendues,
et ça me rappelle un peu les débuts du hip-hop.
Ça n'est pas prémâché, joli et faux...
c'est de la vérité crue et factuelle ; alors bravo
à toustes mes camarades autochtones qui tiennent le fort
grâce au hip-hop.
Nous ne connaissions pas
la pauvreté avant de connaître l'argent ;
nous ne connaissions pas
la pauvreté et depuis, on essaie de rattraper
cet idéal qui ne nous
appartient pas et qui, en fait,
est contraire à nos traditions.
Souvenons-nous que l'art
est souvent élitiste ; on lui accorde de la valeur
à certains endroits,
mais le hip-hop place cet endroit dans la rue,
dans les ghettos, la marginalité...
Ces voix peuvent se faire entendre.
Je crois que la musique est un outil crucial
de partage d'idées politiques, spécialement pour les jeunes ;
elle nous aide à prendre
soin de nous et à maintenir nos identités.
C'est absolument fondamental.
Qu'est-ce qu'être noir.e?
Le ou la noir.e existe en réponse à la
catégorisation suprémaciste blanche des êtres humains.
Ça n'approche même pas de l'immense diversité
historique et culturelle qui compose nos réalités.
Lorsque je vais au Zimbabwe en tant "qu'embassadeur"
du hip-hop, si vous voulez, je rencontre des gens qui s'identifient comme
Shona ou encore Ndebele, toutes ces
personnes ont des réalités culturelles différentes
et font toutes du hip-hop.
En ce moment, ça se passe en Afrique du Sud avec la musique de résistance.
Nous sommes colonisé.e.s,
faut pas se leurrer, la classe ouvrière doit s'organiser ;
les masses se soulèveront,
elles porteront la révolution ; ensemble, décolonisons
l'heure est à la mobilisation !
Toustes celleux qui ont rejoint le hip-hop
à travers le continent, non pas de façon oppressive,
mais pour faire croître notre puissance...
illes ont pris la culture noire
née en Amérique suite à notre capture
du continent africain... illes ont repris cette culture,
l'ont réinterprétée et en ont fait un pont de rencontre
pour tous les peuples noirs
de la fucking planête... c'est de la puissance ça, man!
Cette haine de l'ordre établi que j'ai en moi,
elle aurait pu se manifester de mille manières
mais grâce à la musique, elle a pu
s'exprimer sainement dans la radicalité politique.
La musique permet de nommer
des choses difficiles à exprimer,
d'aller au coeur des choses,
de donner une voix ou dresser le portrait
de certaines situations,
d'une manière que ne permet pas l'écriture.
Chaque fois qu'on performe,
on porte le même message,
qu'il y ait deux,
deux cent, ou mille personnes dans la salle.
Je trouve que les plus petites foules
sont souvent plus intimes, ce qui permet d'interagir
avec les gens,
de sortir de la dynamique du divertissement
pour entâmer une conversation,
parler de résistance après le spectacle, par exemple.
Je veux connecter avec des gens
qui font du vrai travail, du travail radical
et révolutionnaire ;
je veux utiliser ma musique pour amplifier leurs voix
et aider leur lutte.
C'est ce que j'aime le plus,
lorsque je peux jouer en terrain de résistance.
C'est comme de retourner
aux racines mêmes de la musique.
Les spectacles les plus puissants sont toujours
ceux qu'on fait gratuitement pour les jeunes du ghetto,
parce qu'on n'y trouve pas
les contraintes de l'industrie commerciale.
La vérité se tient sur les mensonges ;
nos peuples sont traumatisés ; Donald Trump
n'a rien de différent de Barak Obama.
Ils font partie du système qui voulait
notre mort ; le langage de l'histoire est codé
et la misère continue sur ces terres
meurtrières, nos territoires volés, illégalement occupés.
Beaucoup des spectacles que j'ai donné dehors,
à Standing Rock, avaient ce même type d'énergie.
Leur puissance provenait des forces
rassemblées, de cet esprit de résistance...
même chose pour les spectacles qu'on
fait dans les réserves, même genre d'énergie.
Nous les survivant.e.s, nous nous soulevons,
nous sommes les sauvages qui tapent sur les colons,
nous sommes les sauvages
qui tapent sur les colons! Enfin la fin du cycle
la fin de la terreur biblique
rejoins la lutte
et cesse de vivre dans le déni!
Il y a plein de communautés
autochtones qui rappent dans leur propre langue.
L'art mural se croise avec le graffiti
et les écritures anciennes... nous assistons
à la rencontre entre les cultures du passé
et celles d'aujourd'hui.
Ce que le hip-hop permet,
c'est de s'approprier
la réalité actuelle en y incorporant
quelque chose qui
était en train de se perdre.
Il y a une différence entre
performer dans une réserve ou en ville,
pour des enfants qui sont peut-être
sans-papiers, ou encore des jeunes femmes
qui n'ont jamais été sur scène
mais voudraient essayer ou tenter la poésie,
n'importe quoi.
Il y a quelque chose dans la réciprocité
qu'occasionne le partage des identités.
C'est parmi les dernières choses
qui nous restent, notre capacité à nous exprimer.
Même si on se sent impuissant.es,
le hip-hop nous donne de la force.
Femme des îles, lève-toi, walang, makakatigil
Femme basanée, basanée, lève-toi, alamin ang yung ugat
Ils ne peuvent
rien contre nous
rien contre nous, rien contre nous
rien contre nous
Entre révolutionnaires, nous nous empêtrons souvent dans les débats théoriques abstraits
et avons parfois tendance à nous perdre
dans les cycles infinis de manifestations,
d'action directe
ou de campagnes politiques.
Si ce type d'implication est essentiel
et ne doit pas être mis de côté, il ne faut pas oublier
le rôle crucial que joue la culture
dans la construction de mouvements de résistance efficaces.
Au final, le capitalisme et l'État
ne sont pas que des forces matérielles, mais aussi des
systèmes idéologiques.
Nos ennemi.e.s savent cela,
c'est pourquoi illes investissent autant de temps,
d'énergie et de ressources à créer leur
propagande, qu'illes font passer pour du divertissement.
Des innombrables séries télévisées à gros budget,
aux films hollywoodiens qui encensent la police
et l'armée, à la musique promouvant un consumérisme
futile, un rapide coup d'oeil à l'industrie culturelle dominante
suffit pour déceler les valeur
et principes que véhicule le pouvoir établi.
Heureusement, nous avons des outils
pour lui résister, en produisant et répandant
des contreculture subversives capables de porter
nos discours de solidarité, d'aide mutuelle, d'action directe
et d'hostilité envers le capitalisme et l'État.
Il s'agit de ne pas perdre la balle au bond.
On y va, on y va,
c'est quoi c'est quoi ton cinéma?
On y va, on y va,
c'est quoi c'est quoi ton cinéma?
C'est simple, évite de vendre ton âme
et n'oublie jamais d'où tu viens, qui tu représentes
et ne change pas.
Il y en aura toujours pour
te critiquer, mais il faut persévérer.
C'est ça qui nous
permet de continuer d'avancer.
Tiens-toi prêt.e à y aller contre vents et marées,
à le faire par toi-même, mais sans oublier
de bâtir des communautés
intentionnelles avec les tien.ne.s.
N'hésite pas à bâtir un réseau
avec les gens de ton quartier,
à connecter avec elleux ; ça ne sert à rien
de prêcher dans une église vide, de se parler tout.e seul.e.
Il faut se lier aux autres.
Si tu veux percer,
oui tu peux mettre tes trucs sur SoundCloud,
mais pour faire l'expérience complète
de ton art, amener les gens à t'écouter et te remarquer,
il faut aller dans
le monde et performer, te lier
avec les autres.
Backpack smacker, testament dropper,
Amaru respecter, been to the hotter, kin to Assata,
studied it all,
past to the present, resurrected.
Celleux qui font de la musique radicale
ont le devoir d'investir leurs communautés
pour y construire
les fondations de la relève.
Il faut aider à trouver et réserver les salles,
gérer le système
de son, toute la logistique.
Il ne s'agit pas que de faire de
la musique radicale, mais aussi de prendre soin
de la communauté radicale.
On dit que plusieurs mains allègent le travail.
On accomplit souvent beaucoup plus ensemble
que seul.e.s.
Il faut aussi savoir lâcher prise
sur ce qui ne nous sert plus,
s'éloigner des gens
qui ne partagent pas nos priorités,
il faut être en paix avec ça.
Il faut observer
sa propre réalité de près :
savoir s'arrêter et constater ce qui se passe
autour de nous, s'ouvrir les yeux et les oreilles,
être en contact avec son environnement.
Avec le pouvoir des mots vient une responsabilité :
il faut savoir savoir rester fidèle à soi-même
et se souvenir d'où on vient.
C'est comme ça qu'on redonne à la communauté.
Personne ne le fera à ta place, tu sais.
Prenons la culture DIY de la musique punk ;
on devrait en intégrer
plus d'éléments au hip-hop et à nos vies...
nous avons besoin de bâtir nos propres espaces,
nos communautés et nos réseaux afin de partager nos réalités
et renforcer la puissance
les un.es des autres, s'élever ensemble.
Le but de ma musique
n'est pas d'expliquer ma vie
à celleux qui ne comprennent pas d'où je viens.
L'idée c'est de me lier aux personnes
qui ont eu un parcours similaire et qui trouvent peut-être
force et guérison en entendant mon récit,
peut-être se sentent-illes moins seul.e.s grâce à ça.
Je vais paraître froid, mais je ne peux que m'adresser
aux MCs autochtones, parce que mon messsage est autochtone.
Lorsque je parle
de résistance, de décolonisation,
de révolution...
la personne moyenne n'apprécie pas
d'entendre la vraie perspective
de résistance autochtone, parce que ça remet
jusqu'à leur existence en cause.
N'ait pas peur,
ne te ferme pas, n'écoute pas celleux qui diront
"personne n'a jamais fait ça,
ça ne marchera pas", ou "c'est bizarre, c'est différent".
Parmi les meilleur.es artistes, beaucoup ont
fait des choses que personne n'avait essayé avant
et c'est parfait, c'est correct
de rapper à un rythme différent que les autres,
c'est correct de mélanger sa musique avec
d'autres styles, d'être différent.e et d'avoir un
son qui détonne des autres.
Y'a des gens qui ne voudront pas
se mêler à tes trucs ; mais si on persévère,
année après année
on s'améliore, on perfectionne notre art,
on clarifie notre orientation,
on apprend de nos erreurs...
lorsqu'on éprouve une joie réelle par rapport
à son travail et ses propres méthodes, on devient inarrêtable.
Pour réussir à bâtir un mouvement
radical de résistance autochtone,
on ne peut pas fléchir et changer d'idée en cours
de route parce qu'on ne reçoit pas assez de soutien.
Le soutien est une chose rare.
Il faut s'attendre à faire face à énormément
d'obstacles et on se doit de ne faire aucun compromis,
parce que tout ce qu'on représente est
problématique aux yeux de la majorité, même pour celleux
qui proclament soutenir la résistance autochtone.
Cessons de n'inviter les femmes
qu'aux évènements non-mixtes.
N'ayez pas peur de prendre le micro et
de balancer la sauce dans une pièce remplie d'hommes.
Lorsque nous approcherons le concept de diversité
en s'invitant les un.e.s les autres autour de la même table
pour rompre le pain
et faire vivre nos cultures, alors les choses changeront.
Si on vous ferme la porte au nez, mettez le pied
dedans et défoncez-la ; on s'en crisse des permissions.
Les maisons de production vendent nos disques
comme d'la dope ; mets-toi en ligne et signe,
écris des lignes et reste pauvre
aimes-tu mieux une Lexus ou la justice?
Un rêve ou d'la substance?
Les projecteurs, les bijoux ou la liberté?
Les gars comme moi n'ont pas la haine
mais on reste lucides
on fait du vrai hip-hop, on n'arrêtera pas
jusqu'à ce que les flics
quittent le quartier, on fait du
hip-hop, hip-hop, hip-hop, hip
c'est plus que du hip-hop, hip-hop, hip-hop
Alors que nous continuons de résister à la montée
de l'extrême-droite, au creusement des iniquités,
à la gentrification et à un appareil
étatique de plus en plus répressif, il est crucial
que les anarchistes construisent et renforcent
leurs liens avec les cercles extérieurs à nos réseaux immédiats.
Pour ce faire, nous devons activement répandre
nos visions politiques à travers les contrecultures populaires
comme le hip-hop, qui rejoint des millions
de personnes qui comme nous, détestent les flics et
la société capitaliste, même s'illes n'ont pas
tendance à venir à nos rencontres, nos manifs
ou nos cercles de lecture.
De plus, il est nécessaire d'écouter
et d'apprendre des histoires de résistance
et de lutte, afin de mieux
les comprendre et d'y identifier des points d'affinité
ou de collaborations potentielles.
Heureusement, un grand nombre d'individu.es
fantastiques s'attachent déjà à ce travail important...
mais illes ne sont pas assez nombreux.ses.
Maintenant, nous vous rappellons
que Trouble est destiné à être visionné en groupe
et employé pour promouvoir
les discussions et la mobilisation collective.
T'es fan de hip-hop et tu souhaites
contribuer à ta scène radicale locale,
ou tu cherches à en bâtir
une dans ta communauté?
Pense à te réunir avec quelques
camarades pour organiser une projection de cet épisode
et réfléchir à une stratégie.
Envie d'organiser des projections mensuelles
de Trouble sur ton campus, ta librairie anarchiste,
ton centre communautaire
ou chez toi, entre potes?
Deviens un.e fouteur.se de Trouble!
Pour 10$/mois, on vous fournit une copie
de l'émission à l'avance, ainsi qu'une trousse
de projection et des ressources
additionnelles, comme quelques questions
pour aider à lancer la discussion.
T'as pas les moyens de
nous aider financièrement? Pas de stress!
Il est possible de visionner ou télécharger
tout notre contenu gratuitement à partir de notre site web:
sub.media/trouble
Pour nous suggérer des sujets
d'émissions ou nous rejoindre, écrivez-nous à
trouble@sub.media.
Pour écouter la musique des artistes
présenté.e.s dans cet épisode, écoute
Burning Cop Car, notre podcast
de hip-hop radical, à sub.Media/bcc.
En passant,
SubMedia est entièrement
financé grâce aux dons ; aussi débuterons-nous
bientôt notre campagne de financement annuelle,
afin de nous assurer de pouvoir
continuer à produire nos vidéos toute l'année.
Cet épisode n'aurait pas vu
le jour sans l'aide généreuse de Todd, Marius,
et AvispaMidia.
Restez à l'écoute pour notre prochain
épisode, où nous jetterons un oeil au procès
des accusé.e.s du G20, arrêté.e.s en masse
dans les rues de Washington, D.C, lors des manifestations
historiques contre l'inauguration du
criminel en chef des États-Unis, Donald J Trump.
Personne n'était venu.e avec l'intention
de juste marcher, puis partir ; il y avait une intention claire
de perturber l'inauguration.
Maintenant, allez jouer dehors...
et foutre le trouble!