Salut, Portland. Merci de me recevoir. J'adore venir ici à Portland. Le petit-déjeuner est incroyable. (Rires) Et c'est une ville pleine de créateurs. (Rires) Combien d'entre vous sont des créateurs, des stylistes, des ingénieurs, des entrepreneurs, des artistes, ou ont tout simplement beaucoup d'imagination ? Levez la main ? (Acclamation) La plupart d'entre vous. J'ai des nouvelles pour nous, les créateurs. Au cours des vingt prochaines années, il y aura plus de changements dans nos modes de travail que dans les 2 000 ans précédents. Je pense qu'on est à l'aube d'une nouvelle ère de l'histoire de l'humanité. Il y a eu quatre âges historiques majeurs définis par nos modes de travail. L'âge des chasseurs-cueilleurs a duré plusieurs millions d'années. Puis l'âge agricole a duré plusieurs milliers d'années. L'âge industriel s'est étendu sur deux siècles. Et maintenant l'âge de l'information n'a duré que quelques décennies. Et nous sommes à l'aube de notre prochain grand âge en tant qu'espèce. Bienvenus dans l'âge augmenté. Dans cette nouvelle ère, vos capacités humaines naturelles seront augmentées par des systèmes informatiques qui vous aideront à penser, des systèmes robotiques qui aideront à construire, et un système nerveux central qui vous reliera à un monde qui excède celui de vos sens naturels. Commençons par l'augmentation cognitive. Combien d'entre vous sont des cyborgs augmentés ? (Rires) Il y en a trois ou quatre. C'est ça, Portland. (Rires) Ne changez rien ! (Rires) Je soutiendrais en fait que nous sommes déjà augmentés. Disons que vous êtes à une fête et qu'on vous pose une question à laquelle vous ne pouvez pas répondre. Si vous avez ça, en quelques secondes, vous avez la réponse. Mais c'est là un balbutiement primitif. Même Siri n'est qu'un outil passif. En vérité, pendant trois millions et demi d'années, nos outils ont été complètement passifs. Ils se contentent de faire ce qu'on leur dit de faire et rien de plus. Notre premier outil ne faisait que couper là où on frappait. Le ciseau ne sculpte que là où l'artiste l'applique. Et même nos outils les plus avancés ne font rien sans instructions explicites. En fait, jusqu'à maintenant, et ça m'énerve vraiment, nous avons toujours été limités par ce besoin de mettre nos désirs dans nos outils à la main, je veux dire, en utilisant nos mains, même avec les ordinateurs. Je suis plus comme Scotty dans « Star Trek ». (Rires) Je veux pouvoir parler avec un ordinateur. Je veux dire « Ordinateur, concevons une voiture » et il me montrerait une voiture. Et je dirais : « D'allure plus rapide et moins allemande » et l'ordinateur me montre un choix possible. (Rires) Cette conversation n'est pas pour maintenant et sans doute pour plus tôt qu'on ne croit, mais c'est maintenant que nous y travaillons. Les outils sont en train de passer de la passivité à la capacité de création. Les outils de conception générative utilisent ordinateur et algorithmes pour synthétiser la géométrie et inventer de nouvelles conceptions tout seuls. Il leur faut seulement vos buts et vos restrictions. Je vous donne un exemple. Pour le châssis de ce drone, tout ce que vous devez faire c'est lui dire, en gros, il faut quatre hélices, et qu'il soit le plus léger possible, et qu'il soit aérodynamique. Ensuite, l'ordinateur examine toutes les possibilités : chaque possibilité qui répond à vos critères et il y en a des millions. L'ordinateur doit être énorme pour ça. Mais il nous présente des conceptions que nous n'aurions jamais pu imaginer sans lui. Et l'ordinateur trouve tout ça tout seul. Personne n'a rien dessiné, et il a fait tout ça à partir de rien. Au fait, ce n'est pas un hasard si le drone ressemble au pelvis d'un écureuil volant. (Rires) C'est que les algorithmes sont conçus pour mimer l'évolution. Et c'est génial qu'on commence à voir cette technologie dans la vraie vie. Cela fait deux ans qu'on travaille avec Airbus sur cette idée d'avion du futur. Il faudra encore du temps. Mais récemment nous avons utilisé un robot de conception générative pour créer ceci. Cette cloison pour cabine imprimée en 3D a été conçue par un ordinateur. Elle est plus solide que celle d'avant et pèse moitié moins. Elle sera utilisée en vol dans l'Airbus A320 cette année. Les ordinateurs peuvent créer. Ils peuvent apporter des solutions à nos problèmes bien définis. Mais ils ne sont pas intuitifs. Ils doivent recommencer du début à chaque fois parce qu'ils n'apprennent jamais. Pas comme Maggie. (Rires) Elle est plus intelligente que nos outils de conception les plus avancés. C'est-à-dire ? Quand son maître prend sa laisse, Maggie estime assez justement qu'elle va en promenade. Comment a-t-elle appris ? Chaque fois qu'il a pris sa laisse, la promenade a suivi. Et Maggie a fait trois choses : elle a fait attention, elle s'est rappelée ce qui s'est passé et elle a retenu cette succession d'événements. Tiens, tiens, c'est exactement ce que les spécialistes tentent d'inculquer aux robots intelligents depuis 60 ans. En 1952, ils ont construit cet ordinateur qui pouvait jouer au morpion. Super. Et puis en 1997, 45 ans plus tard, Deep Blue a battu Kasparov aux échecs. En 2011, Watson a battu deux humains à Jeopardy, ce qui est bien plus dur que les échecs pour un ordinateur. Plutôt que d'utiliser des recettes prédéfinies, Watson a dû réfléchir rationnellement pour gagner. Et il y a deux semaines, AlphaGo de DeepMind a battu les meilleurs joueurs de go humains et le go est le jeu le plus difficile. Il y a plus de mouvements possibles au jeu de go que d'atomes dans l'univers. Donc pour gagner, AlphaGo a dû développer son intuition. Et en fait, à certains moments, ses programmeurs n'ont pas compris les raisons derrière ses choix. Et tout va très vite. Pensez donc... au cours d'une vie humaine, les ordinateurs, des jeux pour enfants, sont passés à la pointe de la réflexion stratégique. Ce qui se produit en gros, c'est que les ordinateurs, qui étaient comme Spock, deviennent Kirk. (Rires) Pas vrai ? De la logique pure à l'intuition. Ça vous dit de traverser ce pont ? Vous avez l'air de dire « Ça va pas, non ? » (Rires) Et vous avez décidé ça en une fraction de seconde. Vous saviez que le pont était dangereux. Et c'est exactement ce genre d'intuition que nos systèmes d'apprentissage avancé développent en ce moment. Bientôt, vous pourrez montrer quelque chose que vous avez conçu à un ordinateur, et il le regardera et dira : « Désolé, mon pote, ça ne marchera jamais. Essaie encore. » Vous pourrez lui demander si le public aimera votre nouvelle chanson ou votre nouveau parfum de glace. Ou, plus crucial encore, on peut travailler ensemble à résoudre un problème encore jamais abordé. Comme le changement climatique. On n'est pas très efficaces à nous seuls et on va avoir besoin d'aide. C'est ce que je veux dire, la technologie amplifie nos capacités cognitives de sorte que nous pouvons imaginer et concevoir des choses impossibles avec nos capacités d'humains non augmentés. Et que dire de la production de ces produits fous que nous allons inventer et concevoir ? Je pense que l'ère de l'humain augmenté concerne tout autant le monde physique que le monde virtuel et intellectuel. Comment la technologie va-t-elle nous augmenter ? Dans le monde physique, par les systèmes robotiques. Bon, il y a cette peur des robots qui prendraient les jobs des humains et c'est le cas dans certains secteurs. Mais ce qui m'intéresse plus, c'est l'idée que robots et humains travaillant ensemble vont s'augmenter les uns les autres et occuper un nouvel espace. Voici notre labo de recherche appliquée à San Francisco où l'un de nos domaines de recherche est la robotique avancée et plus précisément la collaboration humain/robot. Et voici Bishop, l'un de nos robots. Dans une expérience, il devait aider une personne à faire des tâches de construction répétitives comme faire des trous pour des prises dans des plaques de plâtre. (Rires) Son partenaire humain peut lui dire quoi faire dans un anglais simple avec des gestes simples, comme s'il parlait à un chien. Et puis Bishop suit les instructions avec une précision parfaite. On utilise chez l'humain ce qu'il a d'efficace : vigilance, perception et prise de décision. Et chez le robot, ce qu'il maîtrise mieux : la précision et la répétition. Voici un autre projet sympa avec Bishop. Le but du projet, qu'on a appelé le HIVE, était de voir ce qui se passe quand humains, ordinateurs et robots travaillent ensemble à résoudre un problème de conception complexe. Les humains étaient la main d'œuvre sur le site de construction, manipulaient le bambou, le bambou qui est d'ailleurs, étant non isomorphe, très compliqué pour les robots. Les robots ont fait cet enroulement de fibres presqu'impossible à faire pour un humain. Et une machine d'intelligence artificielle contrôlait le tout. Elle disait aux humains quoi faire, et aux robots, et surveillait des milliers de composants individuels. Et surtout, construire ce pavillon était impossible sans qu'humains, robots et machines intelligentes ne s'augmentent. Bon, je vais parler d'un autre projet. Celui-là est un peu fou. Nous travaillons avec Joris Laarman, artiste d'Amsterdam, et son équipe à MX3D pour concevoir de manière générative et imprimer avec la robotique le premier pont construit de façon autonome. Joris et une intelligence artificielle le conçoivent en ce moment à Amsterdam. Quand ils auront fini, on appuiera sur « lancement » et les robots se mettront à imprimer en 3D et en inox. Et ils imprimeront toujours et encore sans intervention humaine jusqu'à ce que le pont soit construit. Les ordinateurs vont augmenter notre capacité à imaginer et concevoir des nouveautés, et les systèmes robotiques vont nous aider à fabriquer des choses que nous n'avons jamais pu fabriquer. Qu'en est-il de notre capacité à percevoir et contrôler tout ça ? Et si les choses que nous fabriquons avaient un système nerveux central ? Notre système nerveux d'humains nous dit tout ce qu'il se passe autour de nous. Mais le système nerveux des choses que nous fabriquons est rudimentaire. Et même plutôt merdique. (Rires) Par exemple, une voiture ne dit pas au service municipal des voiries qu'elle a roulé sur un nid-de-poule. Un bâtiment ne dit pas à ses concepteurs si les gens à l'intérieur aiment y être et le fabricant de jouets ne sait pas si on joue vraiment avec ce jouet, ni comment ni où et si c'est sympa. Je suis sûr que ses concepteurs avaient ça en tête pour Barbie quand ils l'ont conçue. (Rires) Et si Barbie était en fait très seule ? (Rires) Si les concepteurs savaient ce qu'il se passe vraiment dans la vie pour leurs créations (la route, le bâtiment, Barbie), ils pourraient utiliser ce savoir et créer une expérience optimale pour l'utilisateur. Il manque un système nerveux central qui nous connecte à tout ce que l'on conçoit, fabrique et utilise. Et si nous avions tous ce genre d'informations provenant des choses que nous créons dans la vie ? Pour vendre ce qu'on fabrique, nous dépensons des montagnes d'argent et d'énergie (deux mille milliards de dollars l'an passé) à convaincre les gens d'acheter nos produits. Si on avait cette connexion avec les choses qu'on invente une fois qu'ils sont dans le monde, après leur achat ou leur mise en vente, nous pourrions changer ça et au lieu de convaincre les gens d'acheter nos produits, nous produirions ce que les gens veulent. Bonne nouvelle : nous travaillons sur des systèmes nerveux digitaux qui nous connectent à nos créations. Nous travaillons sur un projet avec des gens de Los Angeles, les Bandito Brothers, et leur équipe. Ils construisent notamment des voitures de fou qu font des trucs de fou. Ces mecs sont fous (Rires) dans le bon sens du terme. Voilà ce qu'on fait avec eux : on donne au châssis d'une voiture de course classique un système nerveux. On l'a appareillé avec des dizaines de capteurs, on a mis un pilote d'élite au volant, et on l'a conduite à fond dans le désert pendant une semaine. Et son système nerveux a tout retenu de ce qui arrivait. On a capturé quatre milliards de données sur les forces auxquelles elle était soumise. Et puis on a fait un truc fou. On a mis toutes ces données dans une intelligence artificielle de conception générative, Dreamcatcher. Qu'obtient-on quand on donne à un outil de conception un système nerveux et qu'on lui dit de construire le châssis de voiture ultime ? Ça. Voilà quelque chose qu'un humain n'aurait jamais pu concevoir. Mais un humain l'a pourtant conçu, un humain augmenté par une intelligence artificielle de conception générative, un système nerveux digital et des robots qui peuvent construire ça. Si l'avenir est là, dans l'âge augmenté, et que nos capacités cognitives, physiques et perceptives sont augmentées, à quoi cela ressemblera ? Comment sera cet âge d'or ? Je pense que notre monde va passer des choses qu'on fabrique aux choses qu'on cultive. On passera des choses qu'on construit à celles qu'on fait pousser. On passera de l'isolement à la connexion. Et on abandonnera l'extraction au bénéfice de l'agrégation. Je pense qu'on passera aussi du besoin de voir nos objets nous obéir à l'appréciation de l'autonomie. Grâce à nos capacités augmentées, notre monde va être transformé. Représentez-vous le microcosme d'un récif corallien. Nous aurons un monde plus varié, plus connecté, plus dynamique, plus complexe, plus flexible et bien sûr, plus beau. Ce qui nous attend ne ressemblera à rien de ce qui a précédé. Pourquoi ? Parce que toutes ces choses seront façonnées par cette collaboration nouvelle entre technologie, nature et humanité. Pour moi, c'est là un avenir qui vaut bien la peine d'être vu. Merci beaucoup à vous. (Applaudissements)