J'ai demandé à Doc Shearis et Isaac Wilder de venir s'asseoir avec Eben et continuer cette discussion.
Eben Moglen. Merci.
Merci, c'est un plaisir d'être ici, et de voir tant d'amis.
Je suis très reconnaissant à David pour l'invitation. C'est un privilège d'être ici.
Je vais parler d'un sujet presque aussi geek
que ce dont nous parlons tous tout le temps, c'est à dire de politique économique.
Je vais essayer d'en parler d'une manière moins ennuyeuse que ce à quoi on est habitué,
mais vous me pardonnerez, j'en suis sûr, de commencer si loin de OpenSSL.
nous nous en rapprocherons au fur et à mesure.
Les économies développées dans le monde, toutes maintenant,
commencent à connaître un même état de crise, très déprimant.
Elles sont obligées d'imposer l'austérité car les niveaux d'endettement privé ont bousillé l'économie,
et l'acharnement des détenteurs de capitaux à prendre de gros risques avec l'argent des autres
a fini en désastre, ces dernières années.
L'austérité en est un résultat politiquement néfaste pour tous les gouvernements du monde développé,
dont certains sont déjà pris dans une spirale infernale
qui consiste à réduire les subventions publiques et les mesures sociales pour les jeunes,
freinant ainsi la croissance économique, ce qui est contraire à l'effet désiré.
Au lieu de supprimer de mauvaises dettes et de reprendre la croissance,
nous sommes les spectateurs d'un théâtre où la troisième économie du monde, l'Union européenne,
se trouve proche de voir un effondrement de sa monnaie et une génération perdue,
ce qui aurait des conséquences néfastes sur toute l'économie mondiale.
Pour les décideurs politiques...
je vois que peu d'entre eux sont là aujourd'hui. Ils ont bien sûr mieux à faire que de nous écouter.
Les politiques, donc, font face à un problème insurmontable :
comment obtenir de l'innovation et de la croissance sous l'austérité ?
Ils ne connaissent pas la réponse à cette question,
et cela devient si urgent que cela commence à miner leur contrôle politique.
Des partis marginaux dans plusieurs sociétés très développées et pourtant bien réfléchies,
commencent à attirer de nombreux suffrages, menaçant ainsi la stabilité
et, par là, la capacité des décideurs économiques à résoudre, ou essayer de résoudre,
le problème de l'innovation sous l'austérité.
Ceci n'est pas une bonne nouvelle.
Ce n'est bon pour personne.
Nous ne pouvons nous réjouir de cet état de fait, qui est largement le résultat
de l'incompétence de gens prétendant mériter tout cet argent au nom de leur intelligence.
C'est en partie la conséquence d'une lâcheté des politiciens qui leur ont trop lâché la bride.
Ce n'est pas que nous soyons ravis de voir cela arriver, mais il y a un bon côté.
Il y a peu de personnes dans le monde qui savent comment créer de l'innovation sous l'austérité.
Et nous sommes ces personnes.
Nous avons produit de l'innovation sous l'austérité pendant la dernière génération,
et non seulement nos innovations sont plutôt bonnes,
mais ce sont nos innovations dont tous les gens riches et malins se sont attribué le crédit.
L'essentiel de la croissance, sur cette période de fous furieux
où ils ont pris l'argent des autres pour aller la jouer au casino,
vient de l'innovation que nous avons produite pour eux.
Donc maintenant, en dépit des circonstances désastreuses que nous regrettons nous aussi,
car le chômage est celui de mes étudiants qui terminent leurs études, de vos enfants,
de tous ces jeunes dont la vie sera abîmée pour de vrai par la mauvaise situation économique actuelle.
Les gens qui commencent leur carrière maintenant souffriront de baisses de salaire pendant leur vie.
Leurs enfants auront un moins bon départ dans la vie à cause de ce qui arrive maintenant.
On ne peut pas s'en réjouir.
Mais nous avons une opportunité politique très réelle,
car nous avons la réponse à la question
la plus importante, celle qui fait courir tous les décideurs politiques de nos pays aujourd'hui.
Nous avons quelque chose de très important à dire,
et je viens ici pour amorcer la discussion sur la manière dont on devrait le formuler.
Je veux présenter une première ébauche fonctionnelle de notre argumentaire,
je dis « notre » car je nous vois ici ce matin.
Notre argumentaire sur les moyens de sortir le monde de ce bourbier.
On ne crée pas d'innovation sous l'austérité
en collectant des tas d'argent pour payer des intermédiaires.
Un aspect majeur de l'économie politique du 21e siècle
est que le processus appelé désintermédiation
est impitoyable, constant, et sans répit.
La télévision est en train de mourir.
Je ne vous apprends rien.
Plus personne n'essayera jamais de créer une encyclopédie commerciale.
Le système foireux d'Amazon, qui nous vend des livres pour les reprendre ensuite,
transforme l'édition en éliminant le pouvoir de sélection des éditeurs,
tout comme M. Jobs a presque détruit toute l'industrie musicale en prétendant la sauver.
Une tâche que son fantôme est déjà repris à l'encontre des éditeurs de magasines...
La désintermédiation, cette migration du pouvoir du centre vers les extrémités du net,
est un fait crucial en économie politique au 21e siècle.
Elle se démontre à chaque instant.
Quelqu'un va gagner un prix Nobel en économie pour la description formelle de la désintermédiation.
Les intermédiaires qui s'en sont bien sortis ces dix dernières années se limitent à deux groupes :
les assurances santé aux États-Unis, grâce à une politique pathologique, et la finance.
Les assureurs de santé pourraient réussir à rester des intermédiaires onéreux et peu fiables
pour encore un peu de temps, en capitalisant sur cette pathologie poitique.
Mais la finance a scié sa branche, et se dégonfle maintenant, et va continuer de se dégonfler.
En conséquence, comme les décideurs politiques l'observent à travers le système économique,
la réalité du fait que la désintermédiation arrive et qu'on ne peut l'arrêter
devient un repère pour la définition des politiques industrielles nationales.
Donc nous devons affirmer que c'est vrai pour l'innovation aussi.
La plus grande invention technologique de la fin du 20e siècle est cette toile mondiale appelée le Web,
une invention âgée de moins de huit mille jours,
qui transforme déjà la société humaine à une vitesse sans précédent depuis l'écriture.
Et cela ne fait que commencer.
Ce processus innovant alimente la désintermédiation, en permettant toutes sortes
de contacts humains sans intermédiaires, sans acheteurs, vendeurs, agents ou contrôleurs,
et offre un espace dans lequel se dérouie une guerre pour le pouvoir et le contrôle social --
un sujet auquel je reviendrai dans quelques minutes.
Pour l'instant, je veux attirer l'attention sur ce fait capital :
Le Web lui-même est le résultat d'une innovation sans intermédiaires.
Ce que Tim a initié au CERN n'était pas le Web que l'on connaît maintenant.
le Web que l'on connaît est dû à une multitude d'individus collaborant sans intermédiaires.
Je me rappelle ce que j'ai écris sur le futur des pages personnelles en 1995,
et je vois en gros ça arriver.
J'avais vu ces premières pages comme les jeunes pousses d'une prairie à venir... et ce fut le cas.
Et bien sûr, comme avec toute innovation, il y eut des conséquences inattendues.
Le navigateur rendit le Web très facile à lire.
Bien qu'on ait conçu Apache et les navigateurs,
et bien qu'on ait bâti un tas de choses par dessus Apache et les navigateurs,
on a oublié de rendre le Web facile à écrire.
C'est une petite frappe en pull à capuche qui a rendu le Web facile à écrire,
et créa une faille dans la civilisation humaine, en se replaçant en intermédiaire.
[rires étouffés]
Cette attaque sur la société fut la source de maints maux sociaux actuels.
C'est ce genre d'innovation avec intermédiaire qui devrait nous inquiéter.
On a rendu tout possible, y compris malheureusement PHP,
et puis des intermédiaires de l'innovation l'ont transformé en l'horreur qu'est Facebook.
Cela ne s'avérera pas être une forme d'innovation socialement très positive,
comme on peut déjà le voir en bourse.
Elle va enrichir quelques personnes:
le gouvernement d'Abu Dhabi,
un gangster russe déjà milliardaire,
un type impatient d'échaper aux impôts pour ne plus financer les écoles publiques,
et quelques autres reliques du 20e siècle.
Mais la morale de l'histoire,
c'est que si on avait eu un peu plus d'innovation sans intermédiaires,
si on avait rendu facile d'opérer son propre serveur Web à domicile,
si on avait tout de suite expliqué aux gens l'importance des journaux serveurs,
et pourquoi ils ne devraient laisser personne les tenir pour eux,
nous serions dans une situation très différente maintenant.
Le prochain Facebook ne devrait jamais exister.
C'est de l'innovation d'intermédiaire qui sert les besoins des financiers, pas ceux des gens.
Ce qui ne veut pas dire que les réseaux sociaux ne devraient pas exister,
mais ils ne devraient pas être conçus autours d'une telle "attaque d'homme du milieu".
Tout le monde ici le sait. La question est de savoir comment on l'explique au reste du monde.
Et c'est en particulier des décideurs politiques que je veux parler maintenant :
Comment on leur explique ?
Divisons cette discussion en deux points :
1°. Que sait-on sur la manière d'obtenir de l'innovation sous l'austérité ?
2°. qu'est-ce qui empêche les gouvernements de nous rejoindre là-dessus ?
Je viens donc vous présenter l'ébauche d'un plaidoyer pour l'innovation sous l'austérité.
Il s'intitule « Nous avons créé le Cloud. »
Vous voyez ce que ça veut dire.
L'évolution mondiale actuelle des technologiees de l'information
est l'application à grande échelle de notre travail à la fin du 20e siècle.
Nous avons imaginé de se partager les systèmes d'exploitation et les logiciels tournant dessus,
et nous l'avons fait en utilisant la curiosité des jeunes.
C'était ça le moteur, et non des capitaux à risque.
Nous y travaillions depuis 15 ans, et nos machins tournaient déjà partout,
avant que les capitaux boursiers ou ceux accumulés par les géants de l'informatique ne nous approchent.
Ils ne sont pas venus à nous parce que l'innovation devait se faire,
mais parce que l'innovation avait déjà eu lieu
et qu'ils en convoitaient les profits.
Ce fut un tournant tout-à-fait positif, et je n'ai rien à y redire.
Mais l'histoire que nous avons vécue et que d'autres maintenant peuvent étudier
montrera comment l'innovation s'est produite sous l'austérité.
C'est très bien de dire que c'est arrivé grâce à la curiosité des jeunes,
c'est historiquement correct.
Mais il y a d'autres choses à dire.
Ce que l'on a besoin d'exprimer, c'est que la curiosité des jeunes a pu être éveilée
car chaque ordinateur et appareil de leur vie quotidienne pouvait être bidouillés.
Et donc les jeunes pouvaient s'amuser à hacker ce que tout le monde utilisait.
Cela a rendu l'innovation possible là où elle pouvait se produire, sans entrave,
c'est-à-dire à la base de la pyramide économique.
Ceci se passe aujourd'hui ailleurs dans le monde, comme aux USA dans les années 80.
Des centaines de milliers de jeunes dans le monde qui bidouillent des ordinateurs portables,
qui hackent des serveurs,
qui hackent leur matériel quotidien en poursuivant leurs lubies --
fussent-elles techniques, sociales, carriéristes, ou simplemennt ludiques :
« J'ai envie de faire ça, ce serait cool. »
C'est ça la source première de l'innovation qui a poussé la croissance écnomique mondiale
ces dix dernières années. Toute la croissance :
des milliers de millards de dollars en commerce électronique.
Ceux d'entre vous qui sont assez vieux se souviennent
de l'acharnement du gouvernement US à interdire le chiffrement,
empêchant ainsi l'ouverture d'un marché mondial
d'une valeur de 3800 milliards de dollars en commerce électronique.
Nous étions taxés de partisans du terrorisme et de la pédophilie, au début des années 90
et pourtant, tout l'argent qu'ils ont gagné depuis,
en dons pour leurs campagnes, en dividendes et j'en passe,
c'est grâce à la mondialisation du commerce rendue possible
par la technologie pour le développement de laquelle ils voulaient envoyer nos clients en prison.
Ceci démontre bien, je pense, à la nouvelle génération de décideurs politiques
à quel point leur adhérence à des idées reçues
de nous enfoncer dans cette spirale infernale qu'ils craignent tant.
Cela doit nous encourager à souligner encore que le chemin de l'innovation,
c'est de laisser s'épanouir la créativité des jeunes
dans un cadre leur permettant de bidouiller le monde réel et d'en partager les résultats.
Quand Richard Stallman a rédigé l'appel pour une encyclopédie universelle,
(lui, Jimmy Wales et moi-même étions bien plus jeunes alors)
c'était considéré comme une idée fantaisiste.
Elle a pourtant transformé la vie de toute personne sachant lire dans le monde.
Et ça va continuer ainsi.
La nature de l'innovation due à Creative Commons,
au mouvement du Logiciel Libre,
à la Culture Libre,
ce qui transparaît dans le Web et dans Wikipedia,
dans tous les systèmes d'exploitation libres qui font maintenant tout tourner,
y compris les produits bâtards et fermés d'Apple que je vois partout dans de cette pièce.
Toute cette innovation vient du simple fait d'avoir laissé le champ libre aux gamins pour s'amuser,
ce que, comme vous le savez, on essaye à toute force d'empêcher complètement aujourd'hui.
De plus en plus, les appareils individuels quotidiens
sont conçus pour empêcher tout bidouillage.
Chaque enfant a dans sa poche un laboratoire d'informatique désormais fermé.
Quand, vers 2006, on a entamé les négociations de la GPL3 visant à prévenir cette fermeture,
certains ont cru que le but premier de M. Stallman et moi-même
était d'empêcher le blocage d'appareils afin de permettre le piratage des films.
Comme nous l'avons répété, nous combattons pour du logiciel libre,
pas des films libres.
Notre souci est de protéger le droit des gens à trafiquer ce qui leur appartient.
Parce que si vous les empêchez de faire ça,
vous détruirez le moteur d'innovation dont tout le monde profite.
Ceci reste vrai.
Et c'est plus important aujourd'hui, précisément parce que très peu croyaient alors,
et n'ont pas pris la peine de défendre ce point de vue,
et maintenant, du coup, on a Microsoft qui veut interdire les navigateurs tiers
sur les appareils Windows RT,
le fantôme de M. Jobs qui essaie d'empêcher une suite libre d'exister pour iOS,
et des opérateurs réseau qui tentent, à terme,
d'attacher chaque jeune humain à un réseau propriétaire avec des terminaux verrouillés,
qu'il ne peut ni étudier, ni comprendre, ni bricoler, et desquels il ne peut ni apprendre,
ni rien faire qu'envoyer des textos qui coûtent un millions de fois ce qu'ils ne devraient.
Et la plupart de la soi-disant innovation dans notre secteur consiste maintenant
à améliorer la vie des opérateurs réseau, qui n'améliorent en rien celle des utilisateurs.
L'innovation en télécommunications a mondialement cessé.
Elle ne reprendra pas tant qu'il sera impossible de tirer profit des formes d'innovation
compatibles avec l'austérité. Cela a une deuxième conséquence importante:
L'innovation sous l'austérité est avant tout due
à ce que les jeunes utilisent leur curiosité pour améliorer leur quotidien.
La conséquence en est que la population devient mieux instruite.
La désintermédiation commence à arriver dans l'enseignement supérieur aux États-Unis,
ce qui veut dire qu'elle commence à arriver dans le monde entier.
On a actuellement deux modèles :
Coursera est essentiellement la google-isation de l'enseignement supérieur, une dérive mercantile
de Stanford, utilisant des logiciels fermés et des ressources éducatives propriétaires.
MITx, devenu edX par une aliance avec Harvard,
est en gros la réponse du monde libre :
des programmes similaires mais évolutifs pour l'éducation supérieure,
fournis à travers du logiciel libre, basés sur des ressources éducatives libres.
L'enjeu de cette concurrence est énorme.
Il nous faut soutenir de toutes nos forces les solutions
qui reposent sur un programme libre utilisable, que chacun peut utilisr, modifier et redistribuer,
ainsi que toute ressource éducative basée sur la même économie politique.
Toute société espérant reprendre l'innovation
pour raviver sa croissance économique sous l'austérité a besoin
de plus d'éducation, plus accessible et moins chère,
et qui forme les jeunes à contribuer plus efficacement à leur société.
Les formes d'apprentissage social que nous avons expérimentées sont indispensables à cela.
Nous prétendons depuis toujours que le logiciel libre est le modèle éducatif le plus abouti au monde.
Il permet à quiconque sur la planète de tirer le meilleur d'un ordinateur,
par la lecture libre, l'expérimentation et le partage de ses résultats.
Cela seul fait de l'informatique une vraie science :
Des expériences, des hypothèses, encore des expériences... Tout ça contribue au savoir humain.
Il fallait étendre ce principe à d'autres domaines de la culture,
et des pionniers comme Jimmy Wales et Larry Lessig ont posé les bases nécessaire.
Il faut maintenant faire comprendre aux gouvernements comment continuer.
Le Comité Directeur sur les Médias et la Société de l'Information de la Commission Européenne
a publié un rapport il y 18 mois, dans lequel ils disent pouvoir scanner
1/6e du contenu de toutes les bibliothèques européennes
pour le coût de 100km de route.
Donc pour 600km de route, dans une économie qui en construit des milliers par an,
chaque livre en bibliothèque pourrait être disponible à l'humanité entière.
Il faut le faire.
[quelqu'un crie: "Copyright!"]
Avant de crier « copyright », rappelez vous que la plupart de ces livres sont dans le domaine publique.
Rappelez-vous que la majorité du savoir humain n'est pas récente,
avant que de crier au droit d'auteur !
Il faut aller vers un monde où tout savoir préalable à notre naissance soit universellement accessible.
Sinon on freinera l'innovation indispensable à la reprise.
C'est un pré-requis sociétal.
Le système du droit d'auteur n'est pas immuable,
ce n'est qu'une commodité.
Nous n'avons pas à commettre de suicide culturel ni intellectuel,
juste pour maintenir un système qui ne s'applique qu'à une minorité
du savoir humain dans la plupart des disciplines.
Personne ne détient les droits sur Platon.
Donc, nous nous demandons à quoi va ressembler l'éducation du 21e siècle,
et comment distribuer la connaissance.
J'ai une question pour vous.
De tous les Einstein ayant jamais vécu, combien ont pu apprendre la physique ?
Une poignée seulement.
Combien de Shakespeares sont morts sans avoir pu apprendre à écrire ?
Presque tous.
Des 7 milliards d'habitants du monde, 3 milliards sont des enfants.
Combien d'Einsteins voulez-vous gaspiller aujourd'hui ?
L'universalisation de l'accès au savoir est notre plus grand atout
pour augmenter l'innovation et le bien-être de tous les Humains sur Terre.
Ceci est à défendre. Ne nous laissons pas impressionner par le droit d'auteur.
Examinons donc la conséquence de ce que l'on sait
sur comment susciter l'innovation sous l'austérité :
Améliorons l'accès à tout ce qui permet d'apprendre, adaptons la technologie pour permettre
aux scientifiques de moins de 20 ans de mener des expériences et d'en partager les résultats,
permettons la continuation de la croissance de l'univers des technologies de l'information
que nous avons créé par 25 ans de partage,
et nous connaîtrions des taux record d'innovation,
malgré la baisse massive des investissements sociaux due à l'austérité.
Nous permettrions également aux jeunes de prendre davantage en main
leur destin économique et professionnel,
une condition indispensable à la stabilité politique et sociale à venir.
Ne nous berçons pas d'illusions
sur nos chances de développement quand le chômage touchera 50% des jeunes.
Leur faire construire des voitures à la chaîne n'est plus une solution.
Tout le monde le voit bien.
Les gouvernements baissent les bras, ne sachant plus que faire.
Cela explique pourquoi, sous les systèmes proportionels,
les jeunes se désintéressent tant des grands partis politiques.
Quand les Pirates prennent 8,3% des voix dans le Schleswig-Holstein, c'est dû aux jeunes
qui voient clairement que les décisions politiques habituelles
ne vont pas porter sur leur futur bien-être économique.
Nous devons écouter, démocratiquement, ces jeunes gens du monde entier
qui revendiquent les libertés numériques et la fin de la surveillance et du contrôle
comme nécessités à leur bien-être et à leur capacité à créer et à vivre.
La désintermédiation signifie un contact plus direct avec les prestataires de services
dans tous les secteurs l'économie.
Cela signifie davantage d'emplois hors hiérarchie, et moins d'emplois hiérarchisés.
Les jeunes du monde entier, qu'il s'agisse de mes étudiants en droit,
d'informaticiens fraîchement diplômés,
ou d'artistes, de musiciens, de photographes, ont besoin de plus de liberté sur le net
et de plus d'outils avec lesquels créer des plateformes innovantes de services pour eux-mêmes.
C'était un défi hors de portée de leurs ainés en 1955, mais nous sommes
une nouvelle génération travaillant dans de nouvelles conditions, et les règles ont changé.
Ils savent que les règles ont changé. Les Indignés, partout, savent que les règles ont changé.
Ce sont leurs gouvernements qui ne le savent pas encore.
Ceci nous amène à la question de l'anonymat; ou plutôt, de l'autonomie personelle...
Un des problémes, lorsque j'essaie d'ensigner
la vie privée aux jeunes gens,
c'est que l'expression « vie privée » peut revétir différentes significations bien distinctes :
Vie privée signifie parfois secret.
C'est à dire que le contenu d'un message est secret, excepté pour son émetteur et son destinataire.
Vie privée signifie parfois anonymat.
Ca signifie que le message n'est pas secret, mais que son émetteur et son récepteur le sont.
Et il y a un troisième aspect à la vie privée, que, dans mes cours, j'appelle l'autonomie.
C'est la chance de vivre sans que vos décisions
soient influencées par l'accès des autres à vos communications privées.
Il y a une raison pour laquelle les villes ont toujours été des moteurs de croissance économique.
Ce n'est pas parce que les banquiers y vivent :
les banquiers y vivent car elles sont des moteurs de croissance économique.
Ce a qui a fait des villes un vecteur de croissance économique depuis l'Antiquité,
c'est que les jeunes vont s'y inventer de nouveaux styles de vie,
pouvant enfin se soustraire à la surveillance du village
et au contrôle social de la ferme.
« Comment allez-vous les retenir à la ferme, une fois qu'ils auront vu Paris ? »
était une question pertinente en 1919, et elle l'était tout autant au 20e siècle aux USA.
La ville a toujours été, dans l'histoire, le moyen d'accès à l'anonymat
et à la capacité de tester, de façon autonome, des manières de vivre.
Or, nous en fermons les portes aujourd'hui.
Il y a quelques années,
c'est à dire au début de 1995, nous eûmes un débat à Harvard sur la clé de chiffrement publique,
à deux contre deux.
Dans un camp se trouvait Jamie Gorelick, alors secrétaire d'état à la justice aux États-Unis,
et Stewart Baker, toujours employé à Steptoe & Johnson
quand il n'est pas occupé à mener une politique sociale désastreuse au gouvernement américain.
Je me trouvait en face au côté de Danny Weitzner, aujourd'hui à la Maison Blanche.
Et nous avons passé l'après-midi à discuter de s'il fallait confier nos clés au gouvernement,
si la puce Clipper pouvait fonctionner,
et de plein d'autres sujets très intéressants
aujourd'hui aussi obsolètes que Babylone.
Après ça, on a traversé le campus pour aller dîner,
et sur le chemin, Jamie Gorelick m'a dit :
« Eben, sur la seule base des propos que tu as tenu en public cet après-midi,
j'ai de quoi ordonner l'écoute de tes conversations téléphoniques. »
En 1995, c'était une blague.
Une blague de mauvais goût dans la bouche d'un fonctionnaire du Ministère de la Justice américain,
mais néanmoins une blague,
et on a bien rigolé car tout le monde savait qu'il ne pouvaient pas le faire.
Donc nous avons mangé notre dîner,
et quand la table fut débarassée et le porto bu,
Stewart Baker m'a regardé et me dit :
« Ok, on va se détendre un peu...
On ne va pas poursuivre votre client, M. Zimmermann.
On a passé des décennies à se battre contre les clés de chiffrement publiques,
et ça a plutôt bien marché, mais on va devoir arrêter bientôt.
On va laisser la chose se faire. »
Et puis il regarda autour de la table, et il ajouta :
« Mais qui ici se soucie de l'anonymat ? ».
Et je fus pris d'un frisson.
Et je pensai : « Ok, Stewart, je vois où ça va...
Tu vas accepter le chiffrement à clé publique car les banquiers en auront besoin.
Et tu vas consacrer tes 20 prochaines années à priver à jamais les gens de leur anonymat,
et je vais consacrer mes 20 prochaines années à tout faire pour t'en empêcher. »
Je dois dire que, jusqu'ici, mon ami M. Baker s'en sort mieux que je ne l'espérais,
et mon bilan est encore pire que ce que je craignais.
En partie à cause du gangster à capuche, et aussi pour d'autres raisons.
L'éradication du droit à la vie privée est proche.
L'éradication du droit à la pensée autonome est proche.
L'éradication du droit à vivre chez vous comme vous l'entendez, de penser ce que vous voulez à l'insu de tous, est proche.
Quelqu'un dans cette pièce vient de démontrer il y a juste quelques minutes que s'il fait des courses
sur un site d'achat donné, il obtient des prix différents selon le navigateur qu'il utilise.
car l'un de ces navigateurs contient son historique de navigation :
les prix, les offres, les produits, les bonnes affaires qu'on vous propose
sont maintenant basés sur la fouille complète de vos données.
Un haut fonctionnaire du gouvernement m'a confié après que les États-Unis aient changé la loi
sur la durée de rétention des données de toute personne qui n'est pourtant suspecte de rien...
Vous tous au courant, n'est-ce pas ?
Un mercredi pluvieux, un 21 mars, bien après la fermeture des magasins,
le Ministère de la Justice et le Directeur du Renseignement Intérieur,
ont publié ensemble un communiqué de presse annonçant des changements mineurs sur les lois Ashcroft,
en incluant un changement selon lequel toutes données personnelles identifiables
retenues au centre national anti-terrorisme, qui concernent des gens suspectés de rien
ne seront plus retenues pour un maximum de 180 jours,
mais pour un maximum de 5 ans, ce qui équivaut à l'éternité.
En fait, j'ai dit à mes étudiants dans ma classe
que la seule raison pour laquelle ils avaient dit 5 ans, c'est parce qu'ils n'arrvaient pas à inclure
le 8 italique dans la police de caractères à temps pour le communiqué de presse. D'où l'approximation.
Donc je discutais avec un haut-fonctionnaire du gouvernement de ces changements, et il m'a dit
« Et bien, vous savez, on a réalisé qu'on avait besoin d'un sociogramme complet du pays
pour pouvoir faire le lien entre les nouvelles données et les anciennes. »
J'ai dit: « Parlons un peu des implications constitutionnelles...
Vous prétendez nous faire aller d'une société qu'on a toujours connu,
et qu'on se plait encore à appeler libre, vers une société dans laquelle
le gouvernement tient une liste de toutes les relations que chaque citoyen entretient.
Donc si vous voulez nous faire aller d'une société qu'on avait l'habitude d'appeler libre
vers une société dans laquelle le gouvernement des États-Unis tient une liste de toutes les relations
de chaque américain, quelle devrait être la procédure constitutionnelle pour faire cela ?
Est-ce qu'on devrait avoir, par exemple, une loi ? »
Il a rigolé.
Car évidemment, ils n'avaient pas besoin d'une loi.
Ils l'ont fait avec un communiqué de presse, publié un mercredi pluvieux, la nuit, quand tout le monde
était rentré à la maison. Et on vit là-dedans maintenant.
La question de savoir quelle innovation on peut espérer sous un despotisme total
est intéressante.
Les américains de droite, voire de centre-droite,
ont longtemps insisté sur le fait que l'un des problèmes du totalitarisme au 20e siècle,
duquel ils se démarquent légitimement,
est qu'il empêchait de ce qu'ils appellent le marché libre et l'innovation.
Nous allons bientôt voir s'ils avaient raison.
Le réseau, sous sa forme actuelle, est une plateforme extraordinaire pour
un contrôle social sophistiqué. Très vite, et sans remord visible, les deux plus gros gouvernements
de la planète, celui des États-Unis et celui de la République populaire de Chine
ont adopté des points de vue fondamentalement identiques. [Applaudissements]
ont adopté des points de vue fondamentalement identiques. [Applaudissements]
Un sociogramme complet qui connecte le gouvernement à tout le monde, et une fouille
systématique de l'entièreté de la société, sont la politique de base de ces deux gouvernements,
en ce qui concerne leur idée du maintien de l'ordre.
Il est vrai, bien sûr, qu'ils ont différentes théories sur le maintien de l'ordre, sur le qui et le comment,
mais la technologie utilisée est fondamentalement identique.
Il nous faut, à nous qui comprenons ce qui est en train de se passer,
être très expressifs à ce sujet.
Mais nos libertés fondamentales sont loin d'être seules en jeu.
Parler d'elles devrait suffire, mais bien évidemment ne suffit pas.
Il nous faut affirmer clairement, que le coût à payer incluerait tout autant
la vitalité et l'éclat même de notre culture innovante,
de ses discours innvants: ces débats vifs, ouverts en sans entrave,
comme ceux qu'a pu apprécier la Court suprême dans l'affaire du New York Times contre Sullivan.
Et cette liberté de bidouiller, d'inventer, d'être différent, d'être non-conformiste,
ce pourquoi les gens se sont toujours déplacés vers les villes, qui leur permettent l'anonymat
et leur donnent l'occasion de se chercher, de découvrir, et de tester leurs capacités.
C'est avant tout ceci qui alimente la force sociale et la croissance économique au 21e siècle.
Bien sûr, on a besoin de l'anonymat pour d'autres raisons.
Bien sûr, notre cause est avant tout la sauvegarde de l'intégrité de l'âme humaine.
Le mot n'est pas trop grand, je crois.
Mais ce n'est pas le souci du gouvernement.
C'est précisément la beauté de notre vision d'une société civile qui laisse le gouvernement indifférent.
C'est précisément notre engagement pour l'idée qu'un individu se consruit à son propre rythme,
et de sa propre manière,
qui a été au centre de notre conception d'un engagement social profond.
La sauvegarde de l'intégrité de l'âme humaine est notre affaire,
pas celle du gouvernement.
Mais le gouvernement doit s'occuper du bien-être matériel de ses citoyens
et il doit s'occuper sur le long terme du bien de la société qu'il administre.
Et on doit expliquer clairement au gouvernement
qu'il n'y a pas de conflit entre le maintien des libertés fondamentales,
comme le droit à l'indépendance et à la discrétion,
et une politique économique d'innovation garantie, même sous l'austérité.
Elles nécessitent la même chose :
Nous avons besoin de logiciel libre,
nous avons besoin de matériel libre bidouillable à souhait,
et d'un moyen de communication universel et libre, reliant tout le monde, sans permission ni entrave.
Nous avons besoin d'être capable d'éduquer et de fournir un accès aux ressources éducatives
à la Terre entière, sans considération de solvabilité financière.
Nous devons ouvrir la voie pour chaque jeune à une vie intellectuelle et économique autonome.
La technologie dont nous avons besoin, nous l'avons.
J'y ai passé du temps, et beaucoup de gens dans cette pièce (dont Isaac) en ont passé davantage,
à inventer des serveurs économiques, efficaces et compacts, de la taille d'un chargeur de GSM,
qui, avec les bons logiciels, pourront peupler le net de robots qui respectent notre vie privée,
au lieu de ces robots qui violent nos vies privées, et que nous trimballons presque tous en poche.
Nous avons besoin de restaurer la première loi de la robotique dans les minutes à venir, ou nous sommes cuits !
Nous pouvons le faire. Ca s'appelle de l'innovation citoyenne.
Nous pouvons aider à perpétrer l'aire de l'ordinateur à tout faire, bidouillable à souhait par chacun.
En les utilisant, en nous les rendant indispensables, en les distribuant autour de nous.
Nous pouvons utiliser notre propre force de consommateurs et de technologistes pour déprécier
les réseaux fermés et les objets verrouillés.
Mais sans ligne politique claire, nous resterons une minorité,
allez, disons 8,3%,
ce qui ne sera pas suffisant pour nous sortir du bourbier dans lequel les banques nous ont conduits.
L'Innovation Sous l'Austérité est notre cri de guerre.
Ce cri n'exprime pas ce dont nous nous soucions, mais ce dont les autres, pour la plupart, se soucient.
Ce sera notre porte d'entrée en politique ces cinq prochaines années,
et notre dernière chance de réaliser au sein des gouvernements
ce que nous n'avons pas réussi à faire en essayant simplement de préserver nos libertés.
Celles-ci ont été honteusement piétinées, tant par nos amis au pouvoir que par leurs adversaires.
Sur nos droits, on s'est fait avoir,
et tout le monde s'est fait avoir sur ses économies.
J'aimerais dire que la chose la plus simple serait de reconquérir nos libertés,
mais ce n'est pas vrai.
Personne ne va se présenter aux élections cette année avec le rétablissement des droits de l'homme
comme base de son programmme. Mais ils parleront tous de l'austérité et de la croissance.
Et nous devons faire porter notre message là où ils sont.
Ceci est donc ma première ébauche.
Elle est insuffisante en tous points, mais c'est déjà un point de départ.
Et si nous n'avons pas de point de départ,
nous perdrons.
Et notre perte sera durable.
Et la nuit sera très noire.
Merci beaucoup.
[Applaudissements]
Merci, c'est très gentil de votre part, maintenant parlons-en.
[Rires]
[Oh oui, je suis désolé]
[Des murmures]
[OK, merci]
Hum, on devrait commencer,
oui.
Pas encore… ha, c'est branché.
[Doc Shearls] J'aimerais commencer en disant, car j'espère parler pour beaucoup de monde ici,
que ce n'était pas juste un des meilleurs discours que j'ai jamais écouté,
c'est l'un des plus importants.
Et ce ne serait pas inutile qu'on en tienne compte,
on réagit dessus.
J'ai ressenti… en fait Elliot qui était assis à côté a dit avoir ressenti
que c'était un discours comme « I have a dream », et je pense que c'est ce que c'est.
Mais je pense qu'Eben a terminé avec le cauchemar.
Et si le discours ne vous a pas touché, vos carottes sont cuietes.
Et je pense que nos carottes sont cuites depuis un moment.
Je ne sais pas pour vous, mais on agît d'après les conditions en vigueur, quelles qu'elles soient.
Et elles se sont dégradées au fil du temps, et de certaines manières que je ne comprend pas complètement,
et nos vies sont très remples, donc on s'occupe de ce qu'on a à faire.
Donc, ce que je veux faire,
c'est de tester ce public avec la campagne « Libérons tout »,
qu'Eben a exposé pour nous, maintenant.
Donc, je ne vois pas le truc juste comme une séance de questions/réponses, mais plutôt avec chacun qui
contribue à la structure qu'Eben nous a détaillé, et à laquelle on a participé pendant longtemps.
J'aime la façon dont il nous a inclu dedans. C'est…
Il y a de la sélection naturelle ici.
C'est un groupe sélectionné.
David a fait un travail formidable en réunissant toutes ces bonnes personnes ensemble.
Le nom de cet évènement commence avec le mot liberté,
et je pense que cela doit être notre dernier mot aussi.
Donc, et je n'ai rien de plus à ajouter à ce fabuleux discours.
[Isaac Wilder] Eben, je voudrais te poser une question.
Est-ce qu'il y a une tension entre la liberté, et la commodité ?
Et je me demande comment tu vois cette tension évoluer ?
Je crois que tu nous a incité à nous concentrer sur l'innovation, mais je me demande si…
et je pense que c'est attrayant pour ce public, peut-être les décideurs politiques,
mais pour l'utilisateur de base, la commodité est importante.
[Eben Moglen] Oui c'est vrai, ce qui n'est pas la seule relation entre la technologie et la société,
mais aussi entre beaucoup d'autres choses également.
Le théoricien sur la constitution Bruce Ackerman a écrit une histoire en plusieurs volumes
de la Consitution américaine d'après l'hypothèse de base que la plupart du temps,
les gens ne veulent pas s'engager dans des grosses réflexions sur la politique et la société
Cela arrive seulement rarement, et les pères fondateurs de la république américaine, Bruce disait,
ont essayé dans la structure des fédéralistes de tirer profit de ces moments particuliers,
quand les gens ont envie de faire attention.
Mais là encore, et je me concentre dessus parce que la démographie est si importante,
le sentiment que la commodité est plus importante que les autres valeurs,
est toujours plus vrai pour les adultes que pour les enfants.
Je voyage tout autour du monde, je parle à des gouvernements de plein de choses
qui ont trait à la technologie et à la société du 21e siècle,
et j'entends des gens, des présidents aux ministres, aux comités de planification locale,
toutes sortes d'histoires sur les problèmes sociaux terribles auxquelles leur culture et les communautés
font face. Et je me retouve souvent à dire « Oui, ok, c'est un problème vraiment vraiment horrible,
c'est extraordinairement difficile, et on a besoin de beaucoup d'énergie pour le gérer.
Vous avez besoin de la force sociale la plus forte pour gérer ce problème,
la force sociale la plus forte qui existe, qui est diponible, partout, c'est la curiosité des enfants.
vous avez besoin de la capturer. »
Nous avons actuellement deux leçons. La chose que vous appelez une tension, n'est-ce pas ?
C'est une tension en effet.
Parce-que c'est vrai que les adultes dans leur vie trépidante se trouvent prêts à faire n'importe quoi
qui fonctionne, et si vous leur tendez une boîte avec un bouton dessus pour tout faire péter,
ils le pousseront, qu'il leur en coûte ou non, ou qu'il les connecte à une grosse
attaque de l'homme du milieu sur leur vies sociales ou pas,
ou que leurs amis leurs volent leurs weekends pour le passer à leurs employeurs,
ils font très peu attention.
C'est maintenant.
Mais vous donnez quelque chose à un enfant de huit ans, et ce n'est plus comme ça.
Il a plein de temps.
Vous donner quelque chose comme ça à un enfant de 12 ans, et il prêt à le démonter.
Il ne pense pas à la commodité, il pense à apprendre.
Il fait de la science.
Il bidouille.
Et j'ai vu dans plus d'endroits du monde que je peux penser à citer
la force de ces enfants, qui s'amusent avec des ordinateurs et qui font des choses oncroyables.
Vous le verriez partout où vous iriez.
Donc je pense que la tension est là.
Je crois que l'utilisabilité est un problème crucial quand on bâtit des outils pour la vie privée et la liberté.
FreedomBox, la pile de logiciels que l'on a besoin de faire pour tous ces petits objets dans le monde,
vous savez cela mieux que moi, c'est en partie sur la fonction, mais c'est surtout sur l'intégration et l'utilisabilité.
Nous avons fait tout le travail dur. Mon portable, votre portable, ils sont plutôt protégés.
Le problème, c''est comment faire ce travail pour les vrais gens avec des vraies vies trépidantes tous les jours.
Donc la tension est là, mais la réponse est là aussi.
Nous devons donner du pouvoir aux enfants.
Et une partie de ce qui ne va pas avec la technologie, c'est la mesure dans laquelle ils ne deviennent
pas des inventeurs, mais des consommateurs. Si ce processus se termine, nous sommes vraiment foutus.
[Doc Shearls] Ayons un échange avec les deux côtés ici. Toi d'abord.
[Michael Nelson] Michael Nelson de l'université Georgetown.
J'ai au moins 15 questions diférentes que j'aimerais poser,
en commençant par le chiffrement comme j'étais [Eben Moglen] Je me rappelle…
[Michael Nelson] le meilleur ami de Stuart Baker, de la Maison Blanche. [Eben Moglen] Oui, oui
Cela rend les choses très difficiles pour moi, Mike, je suis vraiment, ce n'est plus vrai. Ce n'est plus vrai, n'est-ce pas ?
[Rires]
[Michael Nelson] J'aimerais t'inciter à faire campagne pour le Congrès,
de préférence en déménageant à Palm Springs pour candidater contre Mary Bono Mack, [rires]
[Eben Moglen] Je ne pense pas qu'ils m'apprécieraient à Palm Springs,
Mais ce que j'espère que tu feras après ce discours,
qui je suis d'accord, ressemble à « I have a dream », c'est de se confronter à tes critiques.
Je veux dire, ce discours est super, la vidéo sur Youtube serait vue par des milliers de personnes,
en majorité par des amis et des supporters.
Je pense que tu as besoin de te confronter à tes critiques.
Je veux dire, quelque chose comme les papiers fédéralistes où on a deux gros enjeux
débattus par deux camps, et on a les points de vue… des deux camps.
Mais je voudrais poser une petite question spécifique.
Car je pense que la première partie de ton discours sur les ordinateurs à usage général
et l'informatique centrée sur l'utilisateur sont les endroits où on doit commencer.
Et je voudrais avoir ton accord, et l'accord de tous, sur pourquoi Nicolas Negreponte
dans la campagne « Un ordinateur par enfant » se basait sur les mêmes principes… donner du pouvoir
aux enfants, bâtir de l'open source, créer des choses depuis zéro, pourquoi cela n'est pas arrivé ?
Même si des dizaines de millions ont été déboursés et que beaucoup de personnes l'ont acheté.
Qu'est-ce que c'était… qu'est-ce qui a fait défaut là ? Et comment pouvons-nous éviter ce problème cette fois ?
Et bien, Nick est mon meilleur ami des fois aussi,
ce qui fait que c'est un peu plus dur de répondre à la question.
Le matériel est difficile, n'est-ce pas. Et le logiciel est facile.
C'est pourquoi la FreedomBox n'est pas une Box, c'est juste du logiciel,
car on peut le faire mieux, plus rapide, moins cher, et on n'a pas besoin de débourser pour chaque problème.
Deux choses sont arrivées en résultat de « Un ordinateur par enfant ».
L'industrie informatique dans le monde a réalisé qu'il y avait une chose meilleure
que construire des portables avec une grosse marge, et ils ont commencé à les faire.
Donc Nick a prouvé mon point de vue, de ce côté sans problème, pas d'échec là.
Il a fait une expérience avec très peu d'argent, ce que le capitalisme dans les plus grandes
multinationales n'allait pas faire, car ils sont trop allergiques au risque pour essayer.
Donc d'une manière, ça a marché. C'est juste que ça a marché en générant plus de produits pour les consommateurs.
Le second point, c'est que Nick a essayé de faire quelque chose vraiment vraiment important
avec le réseau de type Mesh, et c'était comme nous l'a dit un de nos autres amis prooche du projet :
« c'était une magnifique expérience ratée ».
Cela n'a pas fonctionné.
Ça a très bien marché en théorie, mais mal à Montevideo, et encore moins bien au Pérou,
et après un moment tout le monde est revenu à :
« Hé bien, ayons un serveur dans la classe et utilisons du wifi ».
Et c'est la partie de ce dont j'essayais de parler de cette manière très générale, n'est-ce pas ?
Nous avons besoin du Mesh. Nous avons besoin d'une façon
de faire des communications qui ne soit pas basée sur des architectures centrées.
Est-ce que le FCC va faire ça pour nous ? Non.
Vous voulez que je me confronte à mes critiques ? On eu ça pendant des décennies, n'est-ce pas ?
Donc maintenant nous sommes dans une situation où s'il y a un homme dans cette pièce, Duane Hendrix,
il y a un homme dans cette pièce qui pourrait nous aider à trouver ce qu'on va faire de cela.
Nous devons avoir du réseau qu'on peut fabriquer et qui marche vraiment.
Nick était un visionnaire, et il a essayé.
Et si ça avait été prêt maintenant, nous vivrions dans un monde différent maintenant.
Mais ce ne le fut pas.
Je pense que les erreurs techniques sont honorables et remarquables.
Je pense qu'il a mené une grande expérience innovante et réussi au-delà de ses rêves les plus fous,
mais les autres personnes tirent les marrons du feu et s'en vont avec, comme d'habitude,
et ce dont on avait vraiment vraiment besoin, les technologies de communication
qui privent de leur pouvoir les opérateurs de réseaux centralisés,
nous n'étions pas prêt pour ça.
Maintenant nous avons plus de réseaux fermés que de réseaux ouverts,
plus de personnes qui utilisent des formes fermées d'ersatz d'Internet,
qu'Internet lui-même,
et nous avons perdu gros dans l'opération.
Maintenant c'est plus dur de faire avec.
Je n'ai…
J'ai le sentiment comme pour d'autres choses dans la vie,
que j'ai été guidé par mon ami Larry Lessig,
me déclarer candidat pour le Congrès, ce n'est ce que je vais faire.
[Rires]
Est-ce que vous avez une autre suggestion pour la manière d'engager mes critiques Mike ?
J'aimerais en adopter une, mais ce n'est pas celle-là que je vais prendre.
[Michael Nelson] Mais les essais fédéralistes étaient une proposition sérieuse. [Eben Moglen] OK
[Michael Nelson] Cela veut dire quelque chose toutes les semaines, avec des critiques qui pointent vos défauts,
et vous pourriez pointer les leurs. [Eben Moglen] OK. Allons-y. Trouvons ceux qui veulent bien jouer le jeu.
[Doc Shearls] Il nous reste 27 minutes. Essayons d'être bref, ce n'est pas beaucoup de temps.
[Kery Nelson] Ma question serait