Vous souvenez-vous de votre premier baiser ? Ou la fois où vous vous êtes brûlé le palais sur une part de pizza ? Et jouer à chat ou à tomate-tomate-ketchup étant enfant ? Ce sont tous des cas où on utilise le contact pour comprendre. Et c'est la base du design haptique. Haptique se réfère à l'idée du toucher. Et nous utilisons cela toute notre vie. Je travaillais sur mon ordinateur quand mon amie, en me voyant penché sur mon clavier, a marché derrière moi. Elle a mis son pouce gauche en bas à gauche de mon dos, en posant l'index de la main droite sur le devant de mon épaule droite. Par instinct, je me suis assis droit. Dans un seul geste rapide et doux, elle avait communiqué comment fixer ma posture. Le rapport que j'écrivais à ce moment-là portait sur l'enseignement du mouvement via la technologie. Je voulais créer un costume qui aurait pu enseigner le Kung-Fu. (Rires) Mais je ne savais pas comment transmettre les mouvements sans un instructeur. Et à cet instant-là, j'ai eu une illumination : le toucher. Si j'avais des moteurs vibrants où elle avait mis ses doigts, couplés avec des données modélisant les postures actuelle et optimale, je pourrais simuler l'expérience entière sans qu'un instructeur soit présent. Mais il y avait encore une partie clé du puzzle qui manquait. Si je veux que vous leviez le poignet deux pouces au-dessus des genoux, en utilisant la vibration, comment vous le dis-je ? Mets-je un moteur en haut du poignet pour que vous le leviez ? Ou en mets-je un sous le poignet, pour que vous le sentiez soulevé ? Il n'y avait pas de réponse prête parce qu'il n'existait pas de langue haptique convenue par laquelle communiquer. Et donc mes cofondateurs et moi cherchions à la créer. Et le premier appareil créé ne fut pas un costume de Kung-Fu. (Rires) Mais, d'une façon, il était plus impressionnant grâce à sa simplicité et son utilité. On a débuté avec la navigation, qui est une forme de mouvement simplifiée. Puis nous avons créé Wayband, un appareil porté sur la poitrine qui oriente l'utilisateur dans une direction, en utilisant des signaux de vibration. Nous demandions aux gens de tourner sur place et de s'arrêter quand ils sentaient que c'était la bonne direction à suivre. Officieusement, des centaines de personnes l'ont testé, et la majorité l'a compris en moins de 15 secondes. C'était tellement intuitif. Au début, c'était juste pour éloigner les gens de leur portable et revenir dans le monde réel. Mais plus nous expérimentions, plus nous réalisions que ceux qui bénéficieraient le plus de notre travail seraient les malvoyants. Quand on a approché une association d'aveugles, ils nous ont dit : « Ne créez pas un appareil pour aveugles. Créez un appareil pour tout le monde mais qui soit optimisé pour les aveugles. » Nous avons créé notre entreprise WearWorks avec trois principes : créer des trucs cools, avoir le plus grand impact possible à l'échelle d'une vie, et repenser un monde entier conçu pour le toucher. Et le 5 novembre 2017, Wayband a aidé une personne non-voyante à courir les 24 premiers kilomètres du marathon de New York sans l'assistance d'une personne voyante. (Applaudissements) Il n'a pas fini la course à cause de la forte pluie, mais ce n'était pas grave. (Rires) On avait donné la preuve qu'il était possible de se diriger sur une route complexe par le toucher. Alors, pourquoi le toucher ? La peau a une sensibilité innée comme les yeux ont la capacité à reconnaître des milliers de couleurs ou celle des oreilles à reconnaître des sons complexes. Mais comme moyen de communication, c'est largement relégué aux notifications façon Morse des smartphones. Si vous receviez soudainement un baiser ou un coup, votre réaction serait instinctive et immédiate. En même temps, le cerveau essayerait de rattraper le retard pour comprendre ce qui venait de se passer. Et comparée aux instincts, la pensée consciente est assez lente. Mais c'est un éclair comparé à la vitesse d'escargot d'apprentissage d'une langue. J'ai passé beaucoup de temps à apprendre l'espagnol, le japonais, l'allemand et actuellement le suédois, avec des degrés d'échec divers. (Rires) Mais ces échecs ont révélé l'organisation de ces différentes langues. Cela a montré à notre équipe comment utiliser l'ordre linguistique de langues bien établies comme inspiration pour une langue haptique complètement nouvelle, simplement basée sur le toucher. Ça nous a montré quand les mécaniques du langage n'étaient pas le meilleur moyen de communiquer l'information. Comme un sourire est un sourire dans tous les cultures, et s'il existait un mécanisme tactile sous-jacent dépassant les frontières linguistiques et culturelles ? Une sorte de langue mondiale. Vous voyez, je pourrais vous donner buzz-buzz-buzz, buzz-buzz, et vous apprendriez peut-être qu'une certaine vibration signifie « stop ». Mais comme concepteurs haptiques, on voulait se dépasser. Comment désignerions-nous « stop » ? Alors, selon le contexte, la plupart d'entre nous ont vécu l'expérience de l'arrêt soudain d'un véhicule, suivi par la réaction de notre corps. Et donc si je voulais vous arrêter, je pourrais vous envoyer une séquence de vibrations. Ou je pourrais désigner une expérience haptique qui vous ferait sentir que s'arrêter était la bonne décision. Et ça prend plus que l'affectation arbitraire de signes haptiques. Ça demande une profonde empathie. Mais aussi la capacité à convertir l'expérience humaine en connaissance puis en gestes et produits haptiques. Le design haptique va augmenter la capacité de l'humain à sentir et répondre à notre environnement, tant physique que virtuel. Il y a une nouvelle frontière : le toucher. Et elle a le pouvoir de changer notre perception du monde. Merci. (Applaudissements)