Le couple, c'est la tendresse, l'amour partagé. On rêve d'avoir des enfants. On s'imagine un futur plein de rires et de câlins. Et puis un jour, on est sur le terrain. Et là, ça se passe pas toujours exactement comme ça. Dans le couple, comme avec nos enfants, il nous arrive de partir en vrille. Parfois, nous avons des réactions démesurées. Jamais, je n'aurais imaginé éprouver à l'intérieur de moi, de telles impulsions de violence, envers les personnes que j'aime le plus au monde. Je suis psychothérapeute, et depuis toujours, je cherche à comprendre les motivations de nos comportements. Pourquoi les adultes se comportent de manière si exagérée ? Pourquoi les enfants ne font-ils pas tout simplement ce que nous leur demandons ? (Rires) Pour répondre à ces questions, j'ai... étudié les scientifiques. Tout le monde aujourd'hui parle de stress. C'est le professeur Hans Selye qui a introduit ce concept, dans les années 50, pour décrire la réaction d'adaptation de l'organisme face à toute stimulation. Le stress est donc une réaction d'adaptation. Pour assurer notre survie, dans notre cerveau, une petite glande veille : l'amygdale. Depuis la nuit des temps, au moindre danger, elle déclenche l'alarme dans l'organisme : adrénaline, cortisol. Notre corps est mobilisé pour combattre ou fuir. Si je ne peux, ni combattre, ni fuir, je m'immobilise, je fais le mort, mon corps est insensibilisé. Un danger, mais aussi une frustration, une contrainte, déclenche le stress chez les petits ou chez les plus grands. Mesurons que le stress est une réaction physique : adrénaline, cortisol, dans mon corps, accélération cardiaque, mobilisation musculaire, la mâchoire avance, nous avons envie de taper, lancer dans nos bras, nos jambes ont envie de trépigner, de courir. Nous, adultes, avons la capacité de maîtriser cette réaction de stress. Même si ce n'est pas toujours facile quand notre conjoint ne range pas, ou un petit enfant de deux ans ne veut pas mettre ses bottes. Mais le cerveau des petits enfants ne leur permet pas encore de pouvoir réguler ce stress. Quand notre enfant déborde, nous entendons partout : « Il faut lui poser des limites ! » Et nous nous engageons dans le rapport de force. Quitte à y perdre nos forces, parce que, c'est ce qui se passe. A lutter pour être le plus fort, tout le monde perd. Parfois, nous croyons avoir réussi à ramener un enfant à la raison. Parce qu'il s'arrête. Il n'est pas devenu sage. Il s'est juste... immobilisé, par réflexe de stress. Mettre des limites, c'est comme ... mettre un couvercle, ... sur du lait qui bout. Le lait déborde quand même. Il faut tenir solidement. Il va falloir nettoyer tout autour. Pas question non plus de... juste regarder le lait déborder, sans rien faire. Et si j'éteignais le gaz ? Je vais vous raconter comment un jour, ma mère a su éteindre le gaz, alors que j'avais débordé. J'avais 13 ans. J'ai donné une gifle à ma mère. Oui, j'ai donné une gifle à ma mère. Ce n'était pas un geste vraiment volontaire. Et, elle l'a compris. Bien sûr, sur l'instant, elle m'a retourné la gifle. Mais après cette réaction réflexe, elle est venue me parler. Me faire parler. Elle savait que... lorsqu'un enfant va chez le médecin se faire faire une piqûre, quand il rentre à la maison, il n'a de cesse que de faire des piqûres à tout le monde. Il se met du bon côté de la seringue. Ma mère a cherché d'où venait cette gifle. Je revenais de chez une amie, et... j'ai raconté à ma mère la scène qui m'avait choquée. Mon amie, s'était disputée violemment avec sa mère, qui lui avait donné une gifle, et mon amie lui avait retourné la gifle. J'étais... figée. Je ne comprenais pas. Je suis rentrée chez moi comme une automate. Incapable de penser, de sentir, de parler, de comprendre même ce qui se passait à l'intérieur de moi, jusqu'à ce que je vois ma mère. A ce moment-là, retrouvant ma maman, ma sécurité, c'est comme si mon corps avait reçu la permission de sortir de l'immobilisation. Et là, les tensions, refoulées depuis la scène des gifles chez mon amie, revenaient à la surface. Adrénaline, cortisol, mon corps se réveillait. Mobilisation musculaire, je commençais à me sentir de plus en plus énervée et tendue. Comme j'éprouvais cette agressivité, depuis que j'avais vu ma mère, je lui en ai attribué la cause. Je me suis embrouillée avec elle pour des vétilles. Et là, mon corps a fait quelque chose qui m'a stupéfiée. Il a reproduit la gifle. Mon cerveau, n'arrivant pas à trouver les mots pour expliquer à ma mère, a guidé mon corps pour qu'il montre à ma mère la gifle qui m'avait fait mal. Pour qu'elle m'aide. Et elle m'a aidée. Elle m'a aidée à mettre des mots sur mes émotions. Elle m'a aidée à éteindre le gaz, sous le lait qui bouillait à l'intérieur de moi. Je pouvais avoir confiance en elle. Une autre situation. Dans la rue, une mère et son enfant. L'enfant marche dans la rue tranquillement. Il y a de la circulation, la mère s'énerve et dit : « Donne-moi la main immédiatement ! » L'enfant esquive la main de sa mère et s'éloigne. Pour l'enfant, esquiver n'est pas une décision consciente. C'est une réaction automatique de stress. Notre stress stresse nos enfants, et déclenche une réaction biologique dans leur cerveau qui débranche les couches supérieures de leur cerveau. Parfois, nous demandons à un enfant qui déborde de réfléchir à son comportement, avec une efficacité toute relative. Evidemment, puisque son cerveau n'est plus branché. Comment faire pour re-brancher, re-connecter le cerveau de nos enfants ? Comment faire pour désactiver le circuit du stress ? Nous avons convoqué « Dame Ocytocine ». L'ocytocine, l'hormone de l'amour, de la relation, l'hormone qui permet de calmer ce stress. Toucher un enfant. Le regarder avec tendresse. Communiquer chaleureusement avec lui, lui permet de retrouver tout son cerveau, et de gérer le stress. C'est ce qu'a fait ma mère avec moi. « Mais,... est-ce que ça ne va pas récompenser un comportement inacceptable ? », diraient certains. La plupart d'entre nous avons appris à considérer l'amour comme une récompense. Les neurosciences ont montré que manifester notre amour à nos enfants déclenche une sécrétion d'ocytocine, multiplie le nombre de récepteurs à ocytocine dans le cerveau, diminue les hormones de stress, augmente l'immunité, et développe les circuits neuronaux dans le cerveau préfrontal. Le cerveau préfrontal, celui qui permet l'empathie, la maîtrise de soi, celui qui permet la régulation émotionnelle, l'anticipation, la capacité de comprendre et d'identifier l'impact de nos actes, la responsabilité, c'est ce cerveau-là que nous voulons développer chez nos enfants. Grâce à un geste, un sourire, une marque d'attention, nous préparons nos enfants au bonheur. Nous les équipons littéralement pour faire face au stress. Nous leur permettons de savoir ne pas surréagir, de ne pas surréagir plus tard quand ils auront eux-mêmes des enfants. L'amour, c'est du carburant pour réguler le stress. Concrètement, j'ai envie de partager avec vous une petite technique que nous avons mise au point, mon compagnon et moi. Je vous raconte la situation : il est 19 heures, j'ai passé la journée avec les enfants, il est un peu tard, et il rentre en ayant oublié la course que je lui avais demandé de faire. Là, je crise. Mon amoureux se sent coupable. Il s'installe devant la télévision, ou bien part à la pharmacie. C'est normal : un homme n'a pas le droit de faire mal à une femme. Il ne veut pas combattre. Il fuit. Mais s'il ressort pour faire la course que je lui ai demandée, ça ne me va pas du tout. Parce qu'en fait, les courses, la pharmacie, ce n'était qu'un prétexte. Ce dont j'avais besoin, c'est qu'il me prenne dans les bras. Pourquoi je lui ai pas demandé ? Évidemment, ça ne paraît pas logique de lui crier dessus. Mais, il faut quand même voir que c'est logique. Je me suis sentie démunie, impuissante, toute la journée. Donc, il faut bien que je retrouve un peu de puissance, et que j'aie l'air forte, que je retrouve ma raison, au moins sur un truc. Donc, je crie, j'agresse, je suis sous stress. C'est là qu'intervient notre technique. Il arrive vers moi quand je déborde, et il me prend tendrement dans ses bras. Il me dit : « Voilà ! Voilà ! » Bon alors là, évidemment, je le repousse. Parce que, ce serait trop facile. (Rires) Et puis, je ne suis pas certaine qu'il continuerait à m'aimer si je n'étais plus forte et parfaite. C'est incroyable quand on y pense. Je l'agresse ou je le fuis, pour qu'il m'aime. Je lui dis donc : « Mais arrête ! Tu ne vois pas que j'ai autre chose à faire ? Et puis, tu ne penses qu'à ça ! » (Rires) Je fuis, parce que je ne peux plus agresser. Je suis encore sous stress. S'il tient sept secondes, l'ocytocine commence à inonder mon cerveau. Je me sens mieux. L'ocytocine déclenche des sensations de bien-être, de confiance, d'attention à l'autre. Au bout de vingt secondes, je me sens vraiment mieux. Je me détends, et je pleure sur son épaule. Évidemment, ça ne marche pas avec tout le monde. Parfois, certaines personnes ne supportent vraiment pas les bras. Ce sont celles et ceux qui, lorsqu'ils étaient enfants, ont été beaucoup rejetés par leurs propres parents. Ils ont moins de récepteurs à ocytocine. Ils ont un circuit de stress sur-actif, et une forte impulsivité. Mais ça se répare, avec de l’amour. L’amour, c’est aussi très efficace avec nos enfants. L’amour, c’est aussi très efficace avec nos enfants. Vous vous rappelez le lait ? L’amour, c’est un super bouton pour éteindre le gaz. La prochaine fois que vous sentirez monter le rapport de force, vous aurez une nouvelle idée à mettre en œuvre : je respire, je reprends contact avec l’amour que j’ai pour mon enfant et je le prends dans les bras. Au moins, je le regarde avec tendresse. Il ne se calmera peut-être pas immédiatement. Il aura peut-être besoin de relâcher encore un peu de tension. Le plus important est que nous soyons en lien. Quand nous sommes en lien, je rebranche son cerveau. Je récupère le mien, et je redeviens capable, dans la rue, de dire calmement la consigne. « Dans la rue, la main ! » Et à mon compagnon, d’envoyer un SMS avec un seul mot : « Pharmacie. » Répondre par l’amour, en situation de crise, ça demande de l’attention, très vite récompensée. Ça gagne un temps fou. Et si on remplissait le réservoir anti-stress, dès le matin ? Si on travaillait en amont, pour qu’ils puissent mieux faire face à leur journée ? Cinq minutes de tendresse chaque matin, et si ça changeait la vie ? Ça vaut le coup de tenter ! Merci. (Applaudissements)