Le premier baiser
Sa bouche
tomba sur ma bouche
comme une neige d'été,
une cinquième saison,
un nouvel Éden,
comme l'Éden lorsque
Ève fit soupirer Dieu
avec le déhanchement
subtil de ses hanches —
son baiser me marque ainsi —
En fait...
C'est comme si elle avait lié
la sueur d'un ange
à la saveur d'une mandarine.
Je le jure.
Ma bouche était une prison depuis toujours
souillée de secrets, ma bouche
était une impasse
à peine illuminée de dents -
mon cœur,
une huître close dans les abîmes,
mais sa bouche s'approcha
comme une Cadillac bleu ciel
remplie de canaris,
conduite par un toucan -
Je le jure —
Ses lèvres se firent ailes
lorsqu'on s'embrassa,
sauvages
et méticuleuses —
comme si elle donnait
la parole à un hippocampe-
sa bouche si délicate,
aspirant un murmure hors de ma bouche
jusqu'à ce que mon cerveau
devienne un piano percuté,
martelé -
c'était tellement...
Sa langue était
la septième lune de Saturne-
Aussi chaude.
Chaude, froide et tourbillonnante,
vibrante, me transformant
en une planète bénie -
le soleil d'un côté,
la nuit guidant sa main hésitante
de l'autre :
un feu alimentant l'autre.
Son baiser, je le jure -
comme si notre Mère fendait la lune
pour te l'offrir.
Et tu sens enfin ton ombre
relâcher son étreinte.
C'était ça, mais en plus doux-
comme une armée de prêtres estropiés
sur des échasses,
toujours plus haut,
déterminés,
sans jamais vaciller,
dissipés,
mais bon sang - je le jure !
Ce baiser, nos lèvres entièrement dévouées
au monde comme des chevaliers de la paix,
comme une terre vierge,
pour toujours une nouvelle ville,
sans frontières, sans murs,
juste des portes.
Comme ça, je le jure.
Comme ça.