Il y a quelques années,
j’avais le travail féministe idéal
dans mon entreprise.
Je devais lancer une initiative nationale
pour recruter davantage de femmes.
Dans le secteur financier.
Toutefois, je devais d'abord
obtenir le soutien inconditionnel
de tous les chefs de départements.
J'ai passé sept mois
à peaufiner mon projet.
Je l'ai présenté
et j'ai obtenu le soutien
de presque tout le monde.
Dans cette équipe, il y avait deux hommes,
appelons-les Howard et Tom.
Howard ne me répondait jamais.
Je lui ai envoyé des courriels,
laissé des messages vocaux,
et je changeais de position
pendant les réunions
pour créer, en vain,
un contact visuel avec lui.
(Rires)
Il prenait son téléphone pour le lire.
Alors, je me suis remise en question.
Mes courriels auraient pu
manquer de diplomatie.
Aurais-je été trop insistante
dans mes messages vocaux ?
Howard détestait-il mon projet
ou bien étais-je trop sensible ?
Cela devait être moi.
Mais un jour,
je marchais dans un couloir
et je croise Howard.
Il a une pile de documents en main.
Quand il me voit, son visage s'éclaire
et il me dit :
« Sara, Tom vient de m'envoyer ça,
tu devrais y jeter un coup d'œil.
C'est un projet pour recruter
davantage de femmes. »
(Rires)
« Tom a une super idée, je pense.
On doit l'encourager, à mon avis. »
Howard me tend alors mon propre projet.
Il m'explique les bénéfices
de mes propres propos.
(Rires)
Howard n'a jamais été contre
l'idée de recruter plus de femmes.
Mais il avait besoin qu'un homme lui dise
pourquoi c'est important
de recruter davantage de femmes.
Et pendant toute cette scène,
je me suis tue.
Car je pressentais n'être finalement
qu'une invitée
dans un lieu qui n'avait pas
été conçu pour moi.
Alors, au lieu de remettre en question
mon environnement,
je me suis remise en question.
Je voulais comprendre
pourquoi tant de femmes talentueuses
travaillent tant d'heures,
démarrant leur carrière avec confiance,
pouvaient devenir formatées
pour douter de soi et se convaincre :
« Ça doit être moi. »
Comment est-ce possible ?
La situation ne s'améliore-t-elle pas ?
Les chances ont augmenté pour les femmes
ces 50 dernières années.
Mais la situation stagne depuis 10 ans.
Des experts avaient estimé
que l'écart salarial aura disparu en 2059.
Mais en septembre 2019,
les mêmes experts ont annoncé que,
selon les données récentes,
ils avaient dû revoir leurs prévisions
pour 2119.
(Murmures dans le public)
Dans cent ans !
Au-delà de l'écart entre les salaires,
les femmes restent sous-représentées
dans les directions,
elles ont moins facilement accès
aux dirigeants seniors,
et elles s'éloignent
des secteurs à forte croissance
comme les high-techs,
à un taux 45% plus élevé que les hommes
pour des raisons de culture, selon elles.
Que faisons-nous pour réagir
contre l'inégalité des genres ?
Pourquoi nos efforts
sont-ils infructueux ?
De nombreux secteurs pensent
gérer le problème
car ils ont mis sur pied des formations.
Huit milliards de dollars sont dépensés
en formation chaque année,
selon la Harvard Business Review.
Ces mêmes études concluent que
ces formations n'ont pas d'effet,
voire qu'elles ont un effet négatif.
Des recherches portant sur le recrutement
et les pratiques de promotion
dans 830 entreprises sur 30 ans
montrent que les hommes qui ont dû
suivre de formations en diversité
ont tendance à se rebeller
en recrutant et promouvant moins de femmes
et moins de personnes
issues des minorités.
L'autre solution consiste à demander
aux femmes de changer leurs comportements.
De s'intégrer.
De forcer la porte.
De négocier aussi souvent que les hommes.
Et de suivre plus de formations.
Les femmes obtiennent la majorité
des diplômes universitaires,
sont meilleures en leadership
que leurs pairs masculins
et gèrent des entreprises
qui font mieux que la concurrence.
Le problème ne semble pas
être l'éducation,
ni les compétences,
ni l'acuité en affaires.
On a déjà conquis tout ça.
Suffisamment pour avoir un impact
sur les entreprises qui sont prêtes.
Mais ces approches oublient de se pencher
sur un problème systémique crucial :
les biais inconscients.
(Applaudissements)
Nous nourrissons tous des biais,
ce n'est pas grave en soi.
C'est localisé dans l'amygdale
et ils continuent d'agir
quand nous allons travailler.
Les biais influencent
si je vous apprécie ou pas,
ce que je vous crois capable de réaliser
et même le volume d'espace
qu'il me semble que vous occupez.
Le mouvement Me Too, parmi d'autres,
a répandu une prise de conscience
des biais de genre.
Mais ces histoires de harcèlement
qui ont fait la une des journaux
ne sont qu'une facette.
Il n'est pas nécessaire de harceler
une femme pour ruiner sa carrière.
Les messages que je reçois de femmes
ne parlent pas de harcèlement.
Elles sont tolérées
sur le lieu de travail.
Mais elles ne sont pas valorisées.
Je n'ai jamais entendu quelqu'un dire :
« Vous savez ce que j'aime
chez mon employeur ?
Ils me tolèrent si bien,
je me sens tolérée. »
(Rires)
Pour dépasser l'inertie,
nous devons aller au-delà de Me Too.
Aller au-delà d'être tolérée
en tant que femme.
Mon organisation a décidé de résoudre
le problème de deux manières.
D'abord, si nous avons tous des biais,
il convient de structurer activement
notre lieu de travail contre les biais,
pas en essayant de changer les esprits
une formation à la fois.
Notre équipe a commencé par identifier
plus de 100 leviers culturels
qui peuvent être ajustés
pour contrer l'impact des biais.
On a découvert que de petits ajustements
peuvent amener de grands changements.
Et ça coûte beaucoup moins
que 8 milliards de dollars.
À quoi ressemble un petit ajustement ?
Quand on demande à une femme
de mentionner son genre
avant de remplir le formulaire
de candidature,
ou de répondre à un test de compétences,
ses performances sont moins bonnes que
si on ne lui avait pas demandé son genre.
Dès lors, comment éviter activement
ce biais de stéréotype ?
Déplacer la question de genre
à la fin du formulaire.
Deuxième exemple.
Une étude nationale que nous avons menée
a révélé que les hommes étaient
50% plus susceptibles d'affirmer
qu'ils avaient passé plusieurs
évaluations fréquentes
durant le cours de l'année.
Par opposition à
une seule évaluation par an.
Cela importe.
Le magazine « Fortune » a passé en revue
les évaluations par secteur industriel.
Il met en avant le fait que des critiques
liées à la personnalité,
[ Calme-toi ! Tu es un peu agressive.
Tu pourrais être plus chaleureuse.]
sans lien avec les compétences,
apparaissent dans 71 cas
sur les 94 évaluations de femmes.
Sur les 83 évaluations d'hommes,
la critique personnelle
apparaît deux fois.
Dans les entreprises qui mènent des
évaluations plus courtes et fréquentes,
des évaluations hebdomadaires
de cinq minutes, par exemple,
concentrées sur des projets spécifiques,
les critiques liées
à la personnalité disparaissent.
L'écart perçu de performance
entre les hommes et les femmes
est pratiquement inexistant.
Alors que les évaluations annuelles
se basent sur des impressions générales,
une boîte de pétri
pour cultiver les biais,
des évaluations courtes
et concentrées sur des objectifs
éliminent les zones grises
basées sur les impressions.
Certaines entreprises
agissent concrètement
pour contrer les impacts des biais.
Mais d'autres sont juste bonnes
pour en faire la publicité.
Nous avons donc voulu déterminer
lesquelles agissent réellement.
On a créé une enquête sur Facebook
et demandé aux femmes
dans des ateliers de discussion
comment elles choisissent un employeur
qui les valoriserait.
La réponse la plus fréquente ?
« J'ai fait une recherche internet. »
C'est ce qu'on a fait aussi.
(Rires)
On a fait une recherche sur : « meilleur
employeur pour les femmes dans les techs »
Nous avons obtenus trois listes
très différentes.
Une entreprise en première
position sur une liste
n'apparaît pas du tout sur une autre.
Certaines listes n'ont pas de critères,
et d'autres sont des publicités.
Elles sont payées pour ça.
Les employés et les employeurs
recherchent des comparaisons neutres,
qui dépassent les bonnes intentions.
La certification LEED
offre aux entreprises cette transparence
sur la gouvernance de l'environnement
en explicitant les étapes précises
nécessaires pour obtenir la certification.
Nous souhaitons mettre
à disposition des entreprises
un script semblable
pour l'équité des genres.
Notre deuxième étape fut donc
de rassembler les connaissances générées
par nos tests sur les leviers culturels
et de nous associer
avec l'Université de Washington
pour fonder la première
certification standard
pour l'équité des genres
dans les entreprises américaines.
(Applaudissements)
Merci.
(Applaudissements)
Pour créer ce standard,
nous avons dû déterminer ce qui
est important et ce qui ne l'est pas.
Ce qui est important
n'est pas le pourcentage total
de salariées femmes.
Ni le nombre de femmes au Comex.
Nous avons nommé cela
la métrique de vanité.
On peut les acheter
alors que la culture interne
resterait équivoque.
Les facteurs importants
et qui doivent être mesurés
sont sous la surface.
Par exemple,
même dans les organisations où
un pourcentage égal d'hommes et de femmes
disent avoir accès à un mentor,
ceux des hommes sont plus souvent
dans des positions plus élevées.
La relecture de nos enquêtes montre
que les hommes sont
deux fois plus susceptibles de dire
qu'ils ont reçu une opportunité de suivre
une personne de la direction.
L'écart salarial nous est très familier
mas les écarts d'opportunités aveugles
ont un impact aussi grand.
Quand on évalue
la culture d'une organisation,
on mesure les écarts entre les expériences
des hommes et des femmes.
Plus l'écart est petit,
plus l'équité est centrale
dans cette culture.
Nous avons également cherché
quels étaient les critères culturels
importants pour les hommes
et ceux importants pour les femmes.
Trois facteurs récurrents
importent aux hommes
et une dizaine aux femmes.
Un seul est commun aux deux.
En haut de la liste
des femmes, on trouve :
les congés parentaux payés,
les soins de santé
pour les personnes à charge
et l'impression que
leurs idées sont écoutées
et qu'elles en reçoivent le crédit.
Il s'agit de quelques indicateurs
parmi les 188 autres
qui déterminent si
une organisation atteint ou pas
nos standards quantitatifs
pour l'égalité dans le milieu du travail.
Sur la base de données significatives.
Ce sont les facteurs
qui créent une culture d'équité durable.
Pas pour un mois ou un trimestre,
pour des années.
Où en sommes-nous alors ?
On dit continuellement aux femmes
dans la vie professionnelle
qu'elles peuvent devenir
ce qu'elles souhaitent
et que cela dépend d'elles.
Les femmes de couleur,
qui subissent un écart salarial
encore plus grand,
entendent cela aussi.
Les deux tiers des travailleurs
au salaire mininum sont des femmes
et on leur dit cela aussi.
Les personnes qui ne s'identifient pas
comme homme ou femme
et camouflent leur identité
au travail aussi.
S'ils peuvent entendre qu'ils peuvent
devenir ce qu'ils souhaitent,
que cela dépend d'eux,
je crois qu'il est temps que
les entreprises entendent le même propos.
Éliminer les biais au travail
n'est pas une mince affaire.
Mais nous ne pouvons plus nous permettre
de laisser la moitié de la population
rester ignorée.
Nous avons créé un cadre de changement
pour les entreprises.
Les entreprises peuvent devenir
ce qu'elles souhaitent.
Cela dépend d'elles.
Merci.
(Applaudissements)