Les prisons sont l'un des piliers centraux de l’État. En plus d'être de véritables entrepôts de misère humaine, elles constituent une menace qui se fait sentir bien au-delà de leurs murs, et nous conditionnent, dès le plus jeune âge, à accepter une vie de soumission, sur les plans économiques, sociaux et politiques. Elles sont un avertissement permanent qui nous contraignent à faire ce qu'on nous ordonne. Ou bien le contraire. C'est assurément un environnement anormal pour un être humain. Vous voyez...ce sont des cages, fondamentalement. Imaginer que l'on doive y rester 23h par jour, n'en sortir qu'1h par jour... C'est accablant. Les prisons, sous une forme ou sous une autre, existent depuis le développement des premiers États. La plupart du temps, elles servaient à enfermer les criminels qui attendaient leur véritable punition - généralement une forme de torture publique, l’exécution ou une lourde servitude. Cela a changé progressivement au milieu du 18ème siècle, lorsque le système carcéral moderne a commencé à prendre forme avec l'émergence du capitalisme industriel. A cette époque, les villes principales d'Europe et d'Amérique du Nord étaient des lieux grouillant de misère concentrée, de désespoir et d'inégalités - ce qui en faisait des foyers de criminalité. Nourries par l'hystérie de la classe dirigeante, des lois sévères transformèrent une infraction relativement mineure, telle que le vol d'une montre de poche, en un crime passible de pendaison publique. Dans ce contexte, des groupes chrétiens progressifs, comme les Quaker, proposèrent une réforme carcérale comme alternative plus humaine aux exécutions de masse. Ces premiers avocats de l'incarcération invoquaient l'idée selon laquelle une longue période d'isolement donnerait la possibilité aux pécheurs de méditer sur leurs mauvaises actions et de se repentir devant Dieu. C'est pourquoi ils nommèrent ces nouvelles structures des pénitenciers. Il ne fallut pas longtemps pour que les dirigeants virent le potentiel des prisons pour le maintien des hiérarchies sociales sous la dénomination de "sécurité publique". Aux Etats-Unis, la construction de prisons connut très tôt une explosion dans les années qui suivirent la Guerre Civile, alors que l'Amérique s'efforçait de reconstruire l’échafaudage de la suprématie blanche qui avait été mise à mal par l'abolition formelle de l'esclavage. Ce système raciste d'incarcération massive s'étendit à nouveau durant la décennie suivant la défaite du mouvement Black Power, et d'autres mouvements de libération des années 70, ce qui a contribué à donner naissance à sa forme moderne et tentaculaire : le complexe industriel carcéral. Durant les prochaines 30 minutes, nous parlerons à des individus qui partageront leur expérience personnelle de cette bête, et les défis cruciaux qu'elle implique. Puis nous discuterons de certaines actions menées par des prisonniers et des abolitionnistes qui cherchent à abattre les barrières de l'isolement imposé par l'Etat, à secouer la cage... et à causer beaucoup de désordre. Le Panoptique était un projet de prison, élaboré par Jérémy Bentham à la fin des années 1700. Au centre du bâtiment, il y a une tour de contrôle. Les prisonniers sont disposés dans des cellules de sorte que le garde au centre puisse surveiller n'importe lequel à tout moment. Dans les sociétés disciplinaires, le sujet intériorise le sentiment d'être regardé en permanence, et s'impose une pratique d'autodiscipline. La simple possibilité d'être vu conduit le sujet à adapter son comportement à ce qu'il pense être les attentes de ceux qui pourraient le regarder. La prison, c'est l'Etat militarisant le cours du temps. C'est une usine de production de tristesse et de soumission. C'est une structure intérieurement très hiérarchisée, fondée sur l'ennui et la surveillance. C'est le sentiment, profondément ancré en nous, que, peu importe à quel point nos vies sont pourries, l'Etat peut encore nous enlever quelque chose. La prison est comme une menace permanente qui pèse sur toutes les relations d'échange et de domination. Ainsi la prison affecte chacun d'entre nous à travers chacune de nos interactions routinières au sein du capitalisme. Même si nous n'y mettions jamais un pied. Je dirais que le système carcéral industriel est quelque chose qui s'est développé indépendamment de l'idée du droit pénal. Il est devenu une machine autonome. Au service des intérêts économiques d'entreprises. Pour d'autres buts également poursuivis par ce système, comme des motifs démographiques. Politiquement, ceux qui ont le plus intérêt à changer les choses sont ceux qui sont empêtrés dans le système. Il sert ainsi ce type de but politique. Il sert un but démographique. Et il sert d'outil de contrôle. L'économie politique des prisons est aussi liée à l'histoire de la désindustrialisation. Aux États-Unis, il y eut des vagues de migrations, principalement d'Afro-américains, vers les centres urbains comme Chicago, Oakland, Philadelphie, Detroit. Lorsque les emplois se déplacèrent vers les banlieues et à l'étranger sous l'effet de la mondialisation, cela créa des zones de concentration de pauvreté dans les villes. Les prisons absorbèrent alors ceux qui furent exclus du marché du travail. Alors vous voyez...dans des lieux comme Detroit ou Chicago, ceux qui sont considérés comme superflus pour les besoins du capital sont alors parqués dans les prisons. L'idée c'est vraiment d'extraire de la société des individus précis. Votre race, votre pauvreté, votre histoire coloniale, la maladie mentale, le handicap : toutes ces choses se recoupent dans le système carcéral. Il devient l'endroit où on met ceux dont on pense qu'ils ne sont pas des citoyens honnêtes, égaux, utiles. Et on les jette en prison. Le contrôle et la détention de l'immigration impliquent une constellation de plusieurs agences, dont L'Agence des Services de la Frontière canadienne, qu'on peut comparer à ICE (équivalent aux US). Depuis très longtemps, des gens sont déportés depuis le Canada. Depuis des décennies, des gens sont rentenus dans des cellules ordinaires puis expulsés du Canada. Mais maintenant, des gens sont incarcerés soit dans des prisons de province, ou dans ce qu'on appelle des Centres de Détentions de l'Immigration ou des Centre de Prévention de l'Immigration - mais ce sont en fait seulement des prisons spécifiques pour les migrants. Au Canada, le temps d'incarcération des migrants est indéfini, ce qui veut dire qu'on peut être retenu pour toujours. Il y a ainsi des gens incarcérés depuis huit ans. Il y a de nombreux morts dans les prisons migratoires - dont nous ne connaissons même pas le nom ni le numéro, car ils ne sont pas répertoriés. Alors quand des gens regardent de l'autre côté de notre frontière et disent : " Oh Trump emprisonne des enfants, et met des gosses dans des cages"...nous faisons la même chose. Nous détenons des enfants dans des prisons migratoires aussi. Beaucoup de monde est conscient qu'il y a une sur-incarcération des Indigènes au Canada. Aujourd'hui, près de 40% des femmes incarcérées sont des femmes indigènes au Canada. A Saskatchewan, 99% des filles incarcérées sont des Indigènes. Plus de 50% des jeunes incarcérés au Canada sont Indigènes. Bien qu'il soit vrai que les Etats-Unis surpassent tout le monde en terme d'incarcération des gens, surtout des Noirs, le Canada a lui aussi un problème relatif à l'incarcération des Noirs et à l'incarcération de masse en général. Il est très clair que la prison, et le système judiciaire, sont destinés à maintenir une classe permanente de gens qui commette des crimes, qui doit être gérée par la police et par les prisons. Une façon de procéder à cela est de reproduire des genres de cycles traumatiques sur les gens. Presque tous ceux que j'ai rencontré en prison avaient des histoires horribles de sales trucs qui leur étaient arrivés, qui remontaient à l'époque où ils étaient gosses. Et ce genre de trauma avait conduit ces gens aux situations dans lesquelles ces traumas étaient réactivés. Et la prison joue consciemment sur ces choses, n'est-ce pas ? Comme presque tout le monde a ce genre d'histoire de violence sexuelle. Ainsi la prison donne le pouvoir à n'importe quel garde de vous fouiller au corps à n'importe quel moment. Les gens s'y habituent. Mais le fait de s'y habituer, d'atteindre un point où ça n'a plus aucune importance peu importe le nombre de fois où vous faites palper implique une forme de porte, une internalisation de la douleur. Et ainsi l'abandon de soi au contrôle extérieur rend les gens plus vulnérables. La vie en prison est une routine très structurée. Cela est vrai, que vous vous trouviez dans un pénitencier fédéral de basse sécurité, ou dans l'aile administrative séparée d'un super complexe de sécurité maximale. Les prisons sont une expérimentation sociale en cours du totalitarisme. Mets tes mains derrière ton dos ! Nous avons envoyé des camarades de cellule à l'hôpital. Des crânes cassés, fracturés, des bras cassés, des côtes cassées. Des oreilles déchirées. Orbite cassé. Cela arrive. Ils utilisent une règlementation importante, les hiérarchies internes, la privation sensorielle et l'ennui comme outil de conditionnement psychologique. Ces pratiques visent à user les gens, ce qui limite le besoin d'user de violence coercitive directe, et visent à convaincre les autres d'accepter finalement l'autorité de l'institution. Ma santé mentale diminuait. Doucement mais surement. Ce serait le cas pour n'importe qui. J'ai tenu un moment...maintenant je me dis juste "tant pis". IL n'y a rien de naturel dans le fait d'être enfermé dans des cages et retenu contre ta volonté. Toute la routine du monde ne peut rien y changer. Les jours sont tous plus ou moins semblables. Des rais des lumières fluorescentes en guise d'aurore. On quitte sa cellule le matin, on va dans une sorte de grande salle. On attend là que le charriot des repas arrive. Les gens sont pris d'une sorte de frénésie d'échange, du lait contre du jus d'orange par exemple ou d'autres choses comme ça. On a environ quinze minutes pour manger, avant que les gardes enlèvent les charriots, parce que leurs pauses sont programmées au moment de nos repas. Ensuite on est dans la salle commune pour la journée. Il n'y a pas grand chose à faire ici... parfois la télé est allumée. Au bout de trois heures, le déjeuner arrive. De nouveau, il arrive sur un charriot, sur des plateaux en plastique. Tout le monde fait ses échanges. Après le déjeuner on est enfermés pour que les gardes puissent prendre leur pause. Si on a de la chance, on est deux par cellule. Dans beaucoup de prisons provinciales, on est trois. Il y a alors une personne dont le lit est sur le sol. Il n'y a alors aucun espace pour marcher, sauf peut-être un très étroit passage pour aller aux toilettes. Et finalement, après peut-être deux ou trois heures, on est relâchés. On est de retour dans la grande salle...il ne se passe toujours rien. On peut retrouver des potes auxquels on a pas parlé depuis la veille, à cette heure, et leur raconter des histoires à propos de tout le rien qui nous est arrivé. On a pas vraiment le sens de l'heure qu'il est, on se tient informé par ce qu'il y a à la télé vous voyez ? Et on devient un peu comme... Maury O Clock. Il y a aussi le Dr. Phil O Clock. Et puis Ellen O'Clock veut dire que c'est l'heure du dîner, parce qu'on mange à 4h, pour coller avec la durée du changement d'équipe des gardes. Après le dîner, on est à novueau enfermés pendant deux nouvelles heures. Avec nos compagnons de cellule. On a peut être amené un livre cette fois...(?) des livres de poches qui ont trainé dans la prison depuis toujours, couverts de sang et de morve et qui ne sont jamais vraiment remplacés. Puis on sort deux heures le soir. Les programmes du soir sont plus variés que ceux de la journée, vous savez, alors ça peut être comme le show où des célébrités font du lip-sync. Puis on est de nouveau enfermés pour la nuit, qui commence probablement vers 20h. Les lumières sont allumées pendant deux heures. De même, on ne fait que tuer le temps. Après l'extinction des feux, on doit essayer de rester silencieux. Plus de chasse d'eau des toilettes jusqu'au lendemain matin, parce ce sont des chasses d'eau industrielles ultra puissantes qui font énormément de bruit. Et puis on se lève quand les lumières fluorescentes s'allument, tout le truc recommence à nouveau. Quand on rentre là dedans, ces gens sont très attentionnés et demandent à voir tes documents administratifs juste pour être sûrs que tu les a sur toi. Puis on passe à travers un détecteur de métal. Ce n'est pas effrayant...tout va bien se passer. J'avais 16 ans quand mon frère a été incarcéré. Mon frère avait 17 ans et il avait écopé d'une peine de prison à vie sans sursis. Une peine qui n'existe qu'aux Etats-Unis. A vivre avec un parent incarcéré, on devient conscient du coût que représente le simple fait d'exister en prison. Je suis continuellement en train de charger de l'argent sur le compte de mon frère pour qu'il puisse acheter des produits de l'épicerie carcérale. Toute forme de communication entre les prisonniers et les membres de leur famille sont médiatisés par une compagnie qui escroque les prisonniers. Les téléphones par exemples. Il y a une tendance à remplacer les visites en personne par des visites digitales. Il y a ainsi deux compagnies de télécommunication carcérale qui dominent l'industrie aux Etats-Unis : Global Tel Link et Securus Technologies. Ces compagnies vont parfois exiger, dans leurs contrats, que la prison à laquelle elles offrent leurs services, bannissent les visites en personne et les remplacent par des visites digitales. Au fond elles exploitent le besoin des prisonniers de rester socialement liés à leur famille et à leurs êtres chers. Burnside, ou Central Nova SCotia Correctional Facility, est la prison de la région d'Halifax. Il y a environ 400 hommes, et environ 40 femmes...ça dépend des jours. On ne peut jamais s'imaginer la capacité de ces prisons. Car ce qu'ils font quand ils ont atteint les limites de leurs capacités d'accueil, c'est dire qu'il pourrait y avoir plus de monde. Burnside est actuellement peuplée aux deux tiers et jusqu'à 80% de détenus provisoires, c'est à dire des gens qui n'ont été reconnus coupables d'aucun crime. Ils attendent un jugement, ou sont en situation irrégulière, ou n'ont pas eu de caution. Ils ont lutté contre l'incarcération. Donc en gros ils ne sont pas vraiment sortis depuis août. Ce qu'on observe, pas seulement à Burnside, mais dans tout le pays, c'est que ces faits deviennent la norme. Etre enfermé ainsi, c'était plutôt rare avant. Ca n'arrivait que lorsqu'on cherchait quelqu'un, lorsqu'il s'agissait d'un incident extrêmement violent. Maintenant c'est devenu la nouvelle normalité. Et quand je dis enfermé, qu'il soit clair ici que ce dont nous parlons, c'est dans des conditions de confinement solitaire étendues à la norme pour la prison toute entière. Les anciens soit-disant "gangs" qui contrôlaient tout - Les Bloods, les Crips, Gangster Disciples, les Aryan Brotherhood - apparaissent comme des dinosaures de nos jours. Il y a des groupes plus jeunes qui sont organisés un peu différemment. Ils sont moins basés sur des liens de race comme l'étaient les vieux gangs. Les lignes sont plus floues. Si on arrive en prison et qu'on est pas membre d'un gang, on va vous trouver un lien pour vous enrôler de toute façon, parce que ça augmente la somme d'argent qu'ils obtiennent. Donc oui, c'est une vraie vache à lait. J'ai passé du temps à la fois dans des prisons provinciale d'hommes et de femmes jusqu'ici. C'est un phénomène nouveau. Je ne m'y attendais pas. La ségrégation de genre est l'un des aspects de la prison les plus poignants, car c'est l'un des sites où la société sépare les gens le plus brutalement et leur dit quel est leur genre, et ce qu'il signifie. Cette forme de ségrégation genrée et de contrôle différencié modèle le comportement des gens très profondément. Puisque les gens passent des mois, des années dans conditions extrêmement restrictives dans lesquelles les gens se surveillent les uns les autres, s'imposent mutuellement des comportements. Par la suite, cela se répand en retour dans la communauté, et c'est de cette façon que la prison se diffuse. Il n'y a pas que les murs qui contiennent physiquement les gens. C'est tout un ensemble d'institutions et de formes sociales de contrôle qui modèlent profondément le comportement. Cela signifie que la culture des prisonniers - qui est toxique et répugnante, et je ne pense pas que nous devions la valoriser, est ainsi exportée dans ces espaces également. Ainsi, ces dynamiques autour de la violence et de la surveillance sont reproduites et favorisent le retour des gens en prison. Ainsi, avec le temps, on assiste une sorte de reproduction de la classe des criminels. De ceux dont le rôle est d'être en permanence géré par la système carcéral. L'émeute de la prison d'Attica Prison démarra le 9 septembre 1971, deux semaines après que le révolutionnaire noir incarcéré, George Jackson, fut assassiné en essayant de s'échapper de San Quentin. Durant les quatre jours de l'insurerction, presque 1300 prisonniers prirent le contrôle de la prison et prirent 43 gardes en otage. Ils revendiquèrent une série de mesures pour améliorer les conditions de vie des détenus. Mais au lieu de négocier avec les insurgés, le gouverneur de New York, Nelson Rockfeller envoyer une armée de 550 soldats et de 74 officiers de correctionnel pour ravager la prison et la reprendre par la force. 43 personnes sot mortes au cours du massacre qui en a résulté, dont 10 gardes et 33 prisonniers. A la suite de l'indignation qui s'en suivit, des réformes furent passées pour améliorer les conditions dans le système carcéral de New York. 45 ans plus tard, le 9 septembre 2016, des prisonniers de 12 états des Etats-Unis lancèrent ce qu'on a appelé "la plus grande grève des prisons de l'histoire". Leur première demande était la fin de l'esclavage carcéral - en référence à la sur-exploitation du travail des prisonniers et la dénonciation d'une faille dans le 13ème amendement de la constitution qui interdit formellement l'esclavage "sauf dans le cas du châtiment d'un crime." La force de travail carcérale aux Etats-unis comprend 800 000 prisonniers dans l'ensemble du pays. Le salaire moyen est actuellement de 86 centimes par heure. En Louisiane, les prisonniers gagnent 4 centimes par heure. Et en Alabama, en Arkansas, en Floride, en Georgia, et au Texas, les prisonniers ne sont pas du tout payés. Une deuxième grève coordonnée, qui tenu trois semaines en 2018, provoqua des manifestations, des grèves de la faim et des débrayages par les prisonniers dans 17 états, ainsi qu'à la prison de Burnside, située dans la province canadienne de Nova Scotia. Les grèves de 2016 et de 2018 étaient toute deux orchestrées avec une aide extérieure de la part de ceux qui les soutenaient. Et bien qu'ils n'aient pas atteint leurs objectifs, ils avaient permis de lancer une discussion plus large sur les conditions de l’incarcération de masse aux Etats-Unis. Les prisonniers utilisent des téléphones portables pour se rassembler derrière une cause commune, pour contrer le système. A Hayes, où les prisonniers surpassent en nombre les officiers de 5 pour un, c'est une menace sérieuse. Si 1700 prisonniers disent : "Je ne veux plus être là" et commencent simplement à marcher vers la barrière, vous croyez que 40-50 policiers vont pouvoir faire quelque chose... Qu'est ce qu'ils pourraient bien faire..?! La grève dans la la prison de Burnside est née en tandem avec la greve des prisons aux Etats-Unis Le 21 août et le 9 septembre ont été choisis car des émeutes très marquantes s'étaient déroulées ces jours là. Aux Etats-Unis, la grève des prisons fut une vraie grève parce qu'elle était fondée sur le retrait de la force de travail carcérale. Nous voulons être payés et non travailler gratuitement dans ces groupes de prisonniers enchaînés ensemble ! Là, on a marre, on laisse tomber mec ! Vous allez tous devoir gagner vous mêmes votre thune, on en a assez de cette merde ! Bien sûr, dans le contexte provincial, dans une prison de province, il n'y a pas autant de travailleurs, mais Burnside voulait aussi lutter pour leurs conditions. Nous étions en lien avec le Comité Organisé des Travailleurs Incarcérés et on travaillait avec les gens qui travaillaient avec les grévistes dans les états, il y avait cette communication dans les deux sens. On ne sait pas quelles répercussions cela a eu sur ceux qui ont pu lutter pour leurs droits et prendre la tête de l'organisation, mais avec le temps je pense qu'on en verra de plus en plus. Je pense qu'il y a beaucoup d'espoir chez les gens dans les organisations extérieures qui s'organisent directement avec les prisonniers car ce qui se passe c'est que, quand quelqu'un à l'intérieur est engagé dans l'organisation d'une activité, il sera souvent soumis à une forme très sévère de répression. Quand ils accusent l'un de nous d'être les meneurs de la rébellion de l'armée des 12 singes, ils se lancent dans une entreprise de torture à grande échelle... Vous savez, nous étions dans le froid glacial tout l'hiver. Ils venaient toutes les 15 minutes et secouaient les portes pour nous garder éveillés, et que nous ne puissions dormir. Quand nous sommes partis après un an, nous avions tous perdu à peu près 35 % de notre masse corporelle. L'une des choses que les gens font pour d'essayer d'isoler un espace afin d'avoir une forme d'autonomie en prison c'est de trouver les endroits où ils ne pourront pas être très surveillés. Cela veut dire que certaines choses n'arrivent que dans les douches, car même si n'importe quel garde peut vous contraindre à enlever vos vêtements à n'importe quel moment, on ne vous filme pas dans les douches et la plupart du temps on ne vous filme pas dans les cellules non plus, à moins que vous soyez sous un régime spécial, comme une garde anti suicide par exemple. Pendant le temps où les cellules des portes ne sont pas fermées à clef, ces lieux deviennent des endroits où on peut avoir des conversations privées ou échanger des choses, ou régler ses compte, par exemple. Ces espaces sont à comprendre comme une manière par laquelle les gens reprennent la maîtrise de leur capacité à faire les choses comme ils l'entendent. Ce bâtiment sert à rappeler constamment les 18h de siège au cours duquel les prisonniers prirent le pouvoir sur les matons, prenant trois d'entre eux en otage, ainsi qu'un conseiller et d'autres prisonniers. Cet incident conduisit à la mort du lieutenant Steven Floyd. Il y a déjà une prison pour migrants à Laval, elle tombe en ruine, et le bâtiment est plein d'amiante, et le gouvernement doit absolument la fermer mais nous ne devrions pas pour autant les laisser en ouvrir une autre à la place. Il y a deux cabinet d'architectes auxquels on a attribué le contrat de contruction, l'un s'appelle Lemay, il est à Montréal. Et l'autre est Group A, à Québec. Il y a un an environ, un communiqué a revendiqué une action qui impliquait un lâcher de criquets dans le quartier général de Lemay. A l'automne 2018, des ateliers ont démarré, des réunions d'information et des discussions à et autour de Montréal au sujet de la prison expliquant pourquoi les gens devaient l'arrêter. Il y avait un poster de campagne. Il y a eu quelques magazines consacrés au projet. Les bureaux de Loiselle, l'une des compagnies impliquées dans la réparation des sols, ont été tagués et quelqu'un a peint un slogan contre la prison sur leurs murs. En février, il y a eu une manifestation sur Saint Henri pendant laquelle les gens sont allés au QG de Lemay. En février aussi, des gens ont été à Laval pour bloquer une visite des entrepreneurs principaux, qui fut un succès. Aucun des investisseurs qui sont venus ce jour là ne parvint à atteindre le lieu où ils devaient aller et un certain nombre d'entre eux rentrèrent chez eux. Pendant tout le mois de mars, il y a eu une campagne contre les investisseurs, on demandait aux gens d'appeler les compagnies et de leur dire de ne pas accepter le contrat de construction de la prison. Une rumeur prétendait que quelqu'un a eu une entreprise au téléphone qui lui a demandé "pourquoi notre numéro est-il sur internet ? Pourquoi les gens n'arrêtent pas de nous appeler ? Arrêtez de nous appeler ! On ne va pas investir dans la prison." Un communiqué a dit que les gens avaient explosé les vitres du bureau de Lemay à cause de leur projet de construction d'une copropriété et qu'ils avaient peint tout autour deux tours du projet du groupe d'immeubles qui étaient pilotées par Lemay. Si tu as accès à une station radio locale, je recommande chaudement de mettre en place une sorte d'émission de radio dédiée à la prison, dans laquelle ils peuvent choisir la musique, leur faire parvenir l'info. Des lignes carcérales. Ils informent dans les prisons qu'ils ont une ligne et qu'elle est ouverte l'après-midi et les gens peuvent les appeler, et c'est comme ça qu'on commence à construire des relations. Rien que de pouvoir parler avec des gens, établir un lien, recevoir de l'empathie et de la compréhension mutuelle. Offrir un support pratique à propos des manières de gérer le rapport à la loi, les mettre en relation avec des avocats, les aider à relayer des appels. Autant de moyens utiles pour subvertir l'aliénation en prison. Dans les mois qui virent l'élection présidentielle de Trump, le financement des deux plus grosses entreprises carcérales privées du monde, CoreCivic et Geo Group, fut doublé. Les investisseurs avaient parié que le trident anti-migrants de Trump, sa rhétorique de camapgne de tolérance zéro pour la criminalité, mènerait à des contrats publics plus profitables à la construction de nouveaux centres de détention. Quand le Mexique nous envoie son peuple, il n'envoie pas ses meilleurs éléments. Ils amènent de la drogue. Ils amènent le crime. ce sont des violeurs. Et une fois au pouvoir, Trump ne les a pas déçus. Nous allons prendre les criminels, et ceux qui ont des antécédents criminels... nous allons les expulser ou les incarcérer. Des millions d'Américains ont reculé d'horreur devant la barbarie des pratiques de Trump. Cela fut particulièrement vrai à propos des images virales des enfants arrachés à des bras de leurs parents et jetés dans des centres de détention construits à leur intention et surnommées de manière grotesque "prisons pour bébés". Mais tandis que les images et les détails de la "tolérance zéro" suscitaient la rage, ce phénomène des familles séparées de force n'est certainement pas nouveau. Il est une composante intégrale, bien que souvent invisible, de la pratique de l'incarcération de masse. Néanmoins, la résistance à ces images fut vive. Des bureaux de ICE et des centres pénitenciers furent ciblés par des occupations à travers les Etats-unis forçant de nombreux bureaux à fermer de manière temporaire. Et alors que les occupations furent finalement délogées, et que l'indignation s'éteignait, cela nous a donné l'idée de ce à quoi un mouvement plus large et plus durable contre la prison pourrait ressembler. Construire un pratique qui s'oppose à la prison est l'une des choses les plus importantes que nous pouvons faire en tant qu'anarchistes. Je pense que pour cela, nous devons commencer par changer la façon dont on voit la société, pour apprendre à y voir la prison. Parce que trop souvent la prison produit le silence, l'invisibilité en enfermant la voix et les corps là où on ne peut les voir. Alors, commencer à regarder, "où sont les prisons dans cet espace ?" Y aller physiquement, les regarder, marcher autour, manifester devant elles, envoyer des feux d'artifice. Et ensuite, comprendre comment la prison affecte notre vie, même si on n'y a jamais été, et se demander "de quoi ai-je peur ?" "Quand ai-je peur ?" "Quel genre d'interactions reposent sur l'autorité et la violence des prisons pour les imposer ?" Parlez de cela avec vos amis, demandez vous si vous pouvez mettre en place des pratiques qui permettent de diminuer un peu cette peur ou de reconnaître que l'on a plus de choix que ce qu'on croyait. Par exemple : pourquoi payer mon loyer ? Pourquoi obéir à mon patron ? Pourquoi payer pour de la nourriture lorsque vous avez besoin de nourriture ? Brise tout cela. Parce que se tenir derrière toutes ces figures d'autorité c'est se tenir derrière des murs, des fils barbelés et des portes fermées. Je crois qu'apprendre à voir peut nous donner plus de pouvoir d'y résister. Presque pire que la prison est la peur de la prison, et c'est l'une des voies principales par laquelle la prison se projette elle-même dans la société et contrôle notre comportement même si on a jamais entendu le claquement d'une porte de cellule qui se referme. Je dirais donc qu'en tant qu'anarchistes, en tant que personnes qui aiment la liberté et sont préparées à agir pour elle, que nous avons besoin d'être en quelque sorte préparés à passer quelques temps en prison. Gardez en tête que ce qu'on imagine être les choses est souvent pire que ce qu'elles sont vraiment. Vous allez vous sentir inquiets, vous allez vous sentir effrayés. Cela aide toujours d'avoir des gens de l'extérieur, car j'ai passé à peu près 27 ans enfermé et je les ai passés la plupart du temps avec la tête de l'autre côté de la barrière. C'est bien de ne pas être aspiré par un endroit pareil. Une fois que la tête est à l'intérieur et qu'on commence à penser à la politique interne à ce qui se passe, cela peut vraiment miner. Donc si on garde la tête de l'autre côté, autant que faire se peut, c'est toujours mieux. Aussi, c'est un principe avec lequel je vivais... J'aime continuer à être qui je suis, là et maintenant. Parce que le " là et maintenant", c'est vraiment tout ce que nous avons. On peut trouver des moyens..si on a de l'imagination, on trouve des moyens de faire compter le temps que l'on a à présent. Vous pouvez élaborer des projets qui comptent. Et vous pouvez continuer à changer le monde où que vous soyez. Qu'est-ce que vous feriez à ma place ? Pensée suicidaires. Mais pour mes gamins j'ai choisi de survivre à l'enfer sur terre, parce que c'est l'enfer, je vous jure qui que soit qui l'ait crée. Ils auraient dû l'essayer d'abord ! Ils auraient senti comment marche leur merde. La malveillance est mauvaise. L'ignorance est pire. Il n'y a pas de fils barbelés, beaucoup d'espaces verts et de l'étonnant art contemporain. Les prisonniers ont de belles vues depuis leurs fenêtres de cellules. Cela fait partie d'un plan visant à rendre les prisons plus humaines. Demandez vous de quelle façon la prison change dans votre coin. Comment les choses se développent ? dans la région où nous sommes, il y a une tendance à abandonner l'usage de la réclusion en faveur de formes variées de peines à l'intérieur de la communauté. En étudiant l'histoire des prisons, vous verrez que les réformateurs sont actuellement ceux qui plantent les graines du prochain régime de contrôle social. Et je pense que quels que soient les changements, il faudrait toujours s'y opposer. Qu'il s'agisse de la construction d'un nouveau centre pénitentiaire, du changement des lois permettant des peines plus surveillées au lieu de l'incarcération. Plus vous êtes engagé avec des prisonniers, plus subversive est l'activité que vous entreprenez avec eux, plus vous libérez non seulement les prisonniers du complexe carcéral, mais plus vous répandez l'émancipation dans la zone libre au dehors. Etant donné le nombre de gens enfermés, il y a autant de gens prêts à des actions variées. Il faut commencer par une relation de confiance, qui se construit avec du temps. La plupart des choses que l'on a accomplies ont été possibles grâce à ces relations. Nous communiquons, quotidiennement, avec des gens à l'intérieur, et nous répondons à des besoins élémentaires. Cela peut-être mettre de l'argent sur leur téléphone, pour la cantine, amener en voiture la mère de l'un d'eux pour une visite. Une chose très importante à organiser et pour laquelle il faut se mobiliser est le droit des prisonniers à rester en contact avec leurs êtres chers par un contact physique et par des moyens libres de communication. Vous entendrez parler des conséquences qui en découleront. Comme je le disais, la grève des prisons émergea spontanément à partir de nos speach à la radio puis nous avons reçus des coups de fil à propos de nos conditions de vie. Partout où une prison se construit, nous devons essayer de l'arrêter. Ne laissons pas l'Etat se doter de davantage d'infrastructures pour exercer sa répression sur nous et nos communautés. je recommande la lecture des écrits de ceux qui sont déjà passés par là. Cela inclut les groupe comme Critical resistance en Californie, des anarchistes à Bruxelles, il y a eu aussi un group appelé End the Prison Industrial Complex à Kingston, Ontario, qui luttait contre l'expansion de la prison dans leur ville. Et ces groupes ont tous écrit leurs réflexions à propos de leurs luttes, que l'on peut trouver sur internet. Beaucoup de gens ont lutté contre les prisons depuis des années, et je conseille la lecture de leurs réflexions. La prison nous affecte tous, même si nous n'y avons jamais été. C'est un combat qui appartient à tous. Réflechis et prends parti. La prison ne règle aucun problème. Elle n'améliore rien. Elle ne fait qu'aggraver les situations. Quand les gens défendent les prisons, je peux leur dire sans exagération que si on se débarassait aujourd'hui de la prison, c'est à dire si les matons étaient virés, tous les officiers de police virés, si les bâtiments étaient rendus aux pigeons et à la pluie, cela rendrait immédiatement le monde meilleur. Il y a plus de monde incarcéré aujourd'hui que dans n'importe quelle autre période de l'histoire de l'humanité. Une étude récente estime le nombre de détenu à 11 millions dans le monde. Et étant donnée la tendance à l'accélération du taux de femmes incarcérées, des pics massifs de la population carcérale en Amérique du sud et en Amérique centrale, de l'accroissement de l'immigration, et le déplacement mondial des gouvernements vers des formes de plus en plus autoritaires et nationalistes...malheureusement, cette tendance semble destinée à continuer. Alors que nous dérivons vers des niveaux toujours plus profond de conflits sociaux et de répression étatique, il est d'une importance vitale que nos mouvement développent des liens plus forts avec ces camarades qui ont été capturés et kidnappés par l'Etat. Pas simplement dans l'intérêt de ceux qui sont derrière les barreaux, aussi important cela soit-il , mais aussi dans le but de démystifier la prison pour ceux d'entre nous qui sont dehors, afin d'affûter nos capacités de résistance. Nous vous rappelons que Trouble est fait pour être regardé en groupe, et pour servir de ressource afin de susciter la discussion et l'organisation collective. Êtes vous prêt à démarrer une correspondance régulière avec des prisonniers politiques, à procurer un support matériel à ceux qui s'organisent à l'intérieur ou qui luttent contre la construction d'un nouveau centre de détention dans votre ville ? Pensez à vous réunir avec des camarades, à organiser la projection de ce film et à discuter d'un point de départ. Intéressé par l'organisation régulière de visionnage de Trouble sur votre campus, centre associatif ou simplement à la maison avec des amis ? Devenez un Fauteur de Troubles ! Pour 10 balles par mois, on vous envoie en avance une copie de l'épisode et un kit avec des ressources supplémentaires et des des questions que vous pouvez utiliser pour lancer la discussion. Si vous n'avez pas les moyens, pas de soucis ! Vous pouvez regarder en streamming, télécharger tout notre contenu gratuitement à partir de notre site web : sub.media/trouble. Si vous avez des suggestions de thème d'épisode, ou si vous voulez juste entrer en contact avec nous, écrivez nous à trouble@sub.media. Just un mot : rapidement après avoir été interviewé pour ce film, Sean Swain fut transféré de l'Ohio State Penitentiary au Nottoway Correctional Center, en Virginie. Vous pouvez lui écrire à sa nouvelle adresse : Pour des ressources additionnelles concernant la correspondance avec des prisonniers politiques, regardez le kit de visionnage pour cet épisode, disponible sur notre site web. Cet épisode n'aurait pas té possible sans le généreux support de Bursts et iZrEAL Media Arts. Nous allons faire une pause d'un mois pour travailler sur un autre projet, mais après cela, restez connectés pour Trouble#21, où nous examinerons attentivement les approches anarchistes des luttes anti coloniales et anti impérialistes. Maintenant, sors d'ici... et cause du désordre !