Moi, je crois que notre vie est unique et précieuse. Pour nous qui avons eu la chance de naître, c'est une vie à chérir, une vie pour faire le bien, qui vaut la peine d'être vécue en bonne santé. Très jeune, on pense que nos parents, nos grands-parents, nos proches seront toujours là et puis, on apprend la réalité. Je me souviens quand ma fille Madeleine... La voilà à quatre ans. Je la couchais et elle m'a demandé si je serais toujours là pour la protéger. J'en ai presque les larmes aux yeux. Tout parent connaît ce sentiment. Il fallait être honnête et je lui ai répondu que, comme tout le monde, je vieillirai et je mourrai. J'ai vu ses yeux se voiler et elle m'a fait un gros câlin. Puis je lui ai dit, ce qu'on dit tous à nos enfants : de ne plus y penser. C'est ce qu'elle a fait. (Rires) Mais voilà ma grande idée : on l'a tous fait, on a tous cherché à oublier cette réalité. Ironie du sort, je pense que cela nous empêche de voir la vie qu'on pourrait avoir. Vous voyez, ma grand-mère Vera, c'est une femme formidable. Elle a sauvé des vies pendant la Guerre. Elle a fui la persécution en Hongrie pour se réfugier en Australie. Elle avait le sens de l'humour et l'amour de la vie. Elle a consacré beaucoup de temps à m'élever. Elle ne voulait pas que je l'appelle grand-mère, seulement Vera, parce qu'elle détestait l'idée de vieillir. Mais depuis, je l'ai vue vieillir. Elle aussi, elle s'est vu vieillir et s'en excusait souvent. Il y a quelques mois, j'ai appris qu'en tombant chez elle, elle s'était cassé le col du fémur. Elle est allée à l'hôpital et s'est fait opérer. Son cœur s'est arrêté lors de l'opération. Avec mon fils de 5 ans, Ben, j'arrive à Sydney pour lui faire mes adieux. Je l'ai vue là, elle n'était plus que l'ombre de la femme qu'elle était, un tube d'alimentation dans le nez. Elle reconnaissait à peine les gens autour d'elle. Et je me suis dit que, contre ce machin qu'on appelle la vieillesse, il fallait faire quelque chose. (Rires) Cette femme, autrefois pleine de vie, réduite à ça, c'est inconcevable. Ce n'est que mon histoire, mais ce drame se joue dans toutes les familles. Ce n'est évidemment pas qu'un cas isolé. Sans être trop déprimant, nos proches connaîtront ce drame, ou quelque chose de similaire, comme nous tous. Et c'est dans le meilleur des cas. Pourquoi ne pas en faire davantage à ce sujet ? On connaît l'importance du vieillissement. L'Organisation Mondiale de la Santé vient juste de publier un rapport de 32 pages faisant état que le vieillissement serait un des problèmes majeurs de notre génération. À ne rien faire pour garder les personnes âgées actives et en bonne santé, les dépenses anéantiront les infrastructures publiques et notre train de vie, nos économies s'effondreront. C'est ce que disent les autorités. Mais vous ne savez peut-être pas qu'on consacre seulement 1 % de la recherche médicale à étudier les causes du vieillissement et encore moins à tenter d'y remédier. Cette situation est, selon moi, un grand mystère. D'après moi, nous préférons ne pas y penser. C'est très étrange. J'ai vu certains d'entre vous rire quand on m'a présenté. On nous a inculqué à éviter à tout prix la discussion à ce sujet, on est mal à l'aise quand on parle de prolonger la vie en retardant le vieillissement. C'est même tabou pour beaucoup de gens. J'ai débattu à la radio avec le conseiller en bioéthique de George Bush. Il a avancé que le vieillissement était naturel, et faisait partie de la vie. C'est ce qui donne un sens à la vie. Un vrai ramassis... (Rires) Maladie d'Alzheimer, maladies cardiaques, cancer sont des choses naturelles. On fait tout notre possible pour prévenir et ralentir ces maladies. On consacre 99 % de la recherche médicale à ralentir la progression de ces maladies, qui ne concernent qu'une infime fraction d'entre nous, alors que le vieillissement, lui, nous concerne tous. On n'a qu'à continuer sur cette voie en étudiant chaque maladie individuellement. On a toujours fait cela, ça semble parfait. Mais on ignore en réalité que le taux de vieillissement est à la baisse. Ce que je veux dire, c'est qu'on a mis au point de nombreux médicaments capables de traiter des organes, comme le cœur, qu'on sait garder en bonne santé, alors que le cerveau, lui, continue à vieillir. On se retrouve donc avec... pour prendre ma grand-mère en exemple, des personnes âgées qui ont un cœur en bon état de marche, mais dont le cerveau, lui, ne fonctionne plus. C'est pour tout système de santé un grave problème. Cela coûte très, très cher. Il nous faut des médicaments capables de garder en bon état de marche l'ensemble des organes. En ne soignant qu'un seul organe, il risque d'y avoir un problème ailleurs. On déplace le problème vers d'autres maladies. Ce n'est pas la bonne manière de s'y prendre. Observons ce graphique. On nous a toujours dit que grâce aux médicaments, on vivrait plus longtemps en meilleure santé. Faux. D'après ce graphique, la durée de vie passée en bonne santé, exprimée en pourcentage, est en baisse en réalité. Pas étonnant que les dépenses de santé soient à la hausse. Il faut, bien sûr, qu'on nous garde en bonne santé plus longtemps. Je ne parle pas de vivre un demi-millénaire. Je vois parfois cette citation dans les journaux. Mais ce que je veux dire, c'est qu'on puisse vivre en bonne santé jusqu'à 100 ans, voire 110 ans, contrairement à ma grand-mère qui, elle, souffre. Et on sera nombreux à passer par là, sauf si on fait en sorte de trouver l'origine du vieillissement. À mon avis, c'est le problème principal de notre époque. Maintenant, je vais parler un peu de mon travail et de la manière dont on peut découvrir l'origine du vieillissement. Dans ma jeunesse, après un doctorat à Sydney, je suis parti à Boston, dans un établissement qu'on appelle MIT, pour étudier la levure bourgeonnante qui sert à faire du pain et de la bière et les causes de son vieillissement. Si on ne trouvait pas pour une levure, on n'aurait aucune chance sur l'homme. Par chance, j'y suis arrivé, malgré les critiques de cette méthode. Certaines venaient même de prix Nobel qui me disaient qu'on n'abordait pas le vieillissement comme cela, qu'une levure n'avait ni cheveux blancs, ni maladie cardiovasculaire, ni cancer. Mais je les ai ignorés, heureusement. Moi, qui étais assez naïf à l'époque, mais heureusement. Dans les années qui ont suivi, on a découvert collectivement qu'une levure vieillissait. Et l'une des raisons, c'est qu'elle active ses gènes, à mesure qu'elle vieillit. Ce que je veux dire, c'est que chaque cellule a un nombre déterminé de gènes. Dans chacune de vos cellules, le même nombre de gènes, mais ces gènes ne s'activent pas en même temps. Ils seront activés ou inhibés pour déterminer si une cellule est pour le foie ou le cerveau. On a découvert qu'à une semaine environ de vieillissement, la levure avait tous ces gènes qui s'activaient pour mourir ensuite. On a découvert alors les gènes capables de ralentir ce processus, ceux capables d'inhiber ces gènes indésirables en les empêchant de s'exprimer. Cela a mené à la découverte du gène de la longévité baptisé SIR2. SIR2 est l'acronyme de « Silent Information Regulator 2 ». En 1999, on a créé un laboratoire à l'école de médecine de Harvard. J'avais 29 ans. Je pensais pouvoir refaire le monde, c'était passionnant. Peu après, on découvrait qu'il y avait sept gènes de la longévité. On les appelle les sirtuines. Les sirtuines ont gagné en importance dans la science. On compte à présent des milliers d'études dans ce domaine. Ces gènes protégeraient l'organisme des maladies liées au vieillissement. En injectant des copies supplémentaires de ces gènes dans une levure, dans un ver nématode, dans une mouche ou dans une souris, ils se portent mieux. Dans la majorité des cas, ils vivent plus longtemps, en bonne santé. Il faut découvrir un moyen de réguler ces gènes, de les activer. De cette façon, on arriverait à retarder toutes les maladies qu'on a en vieillissant et même à inverser le vieillissement. Je vais expliquer le rôle des sirtuines. J'ai beaucoup de chance que les gens de TEDx m'aient aidé à faire ces vidéos. Voici le nouveau concept du vieillissement. En vieillissant, les gènes ne s'activent ni ne s'inhibent comme il faut. Jeune, la musique jouée est harmonieuse, mais en vieillissant, l'orchestre se met à jouer pêle-mêle et gâche tout. L'agrandissement de la cellule révèle un chromosome qu'on étire ensuite et voilà l'ADN, en spirale et en gris. Les boules roses sont les protéines histones au niveau desquelles s'enroule l'ADN. Le rouge désigne des gènes inhibés. Le problème quand on vieillit, c'est que, lorsque des substances chimiques se fixent aux histones, ces gènes vont s'activer, D'où les lumières vertes. Ce gène, qui aurait dû rester inhibé dans le cerveau de ma grand-mère, est désormais activé, et c'est terrible. Si le rôle de ce gène est d'indiquer au foie d'être une cellule du foie et qu'il est activé dans le cerveau, vous voyez le problème. C'est en grande partie ce qui expliquerait le processus du vieillissement. Cela mène à une hypothèse d'une grande importance. On pensait que les mutations, ces changements irréversibles affectant l'ADN, étaient la cause du vieillissement, mais si c'était ce processus qu'on appelle changement épigénétique, ce serait un phénomène réversible. Je vais vous montrer comment l'inverser. Ces sirtuines produisent des protéines. Je vais vous en montrer une animation. On dirait un Pac Man. Le rôle des protéines sirtuines dans l'organisme, c'est d'enlever ces molécules chimiques. Maintenant le gène qui était activé, en vert, chez cette personne âgée, s'inhibe à nouveau. C'est ce que font les sirtuines dans notre organisme. Ils sont favorisés naturellement quand on ne mange pas et par l'exercice. En mangeant un gros steak, on les désactive à nouveau. On cherchait un moyen d'enclencher ce mécanisme, une molécule pouvant être prise sous forme de comprimé pour activer les enzymes des sirtuines pour nous débarrasser de ces substances chimiques et de ces maladies du vieillissement et pour garder le corps en bonne santé On pourrait même inverser un jour en théorie certains effets du vieillissement. Comme je le disais, j'étais à Boston et ça devenait de plus en plus intéressant. J'ai démarré une entreprise qui reposait sur la découverte de molécules capables d'activer ces enzymes. Celle qu'on a découverte il y a 10 ans, dont les médias ont beaucoup parlé, était issue du vin rouge. C'était du resvératrol. Ne m'obligez pas à le répéter, c'est un mot difficile, le resvératrol. Et donc le resvératrol, (Rires) comme vous en avez sans doute... entendu parler, est dans le vin rouge. Mais, le problème, c'est qu'il faudrait boire une centaine de verres de vin rouge par jour. (Rires) Je vous le déconseille. Ne le faites pas. (Rires) Mais il nous fallait un médicament pareil. Une molécule plus puissante que le resvératrol. Cette entreprise a collecté beaucoup de fonds pour chercher des molécules encore plus efficaces que le resvératrol. On en a trouvé des 100 fois plus puissantes que la molécule du vin rouge. On les a testées sur des animaux. Et ces animaux, des souris, étaient en meilleure santé. Pas de maladie cardiovasculaire. Ces molécules les ont protégés de la maladie d'Alzheimer, du cancer. C'était très prometteur. Il y a eu des essais chez l'homme, ces molécules semblaient sans risque et il y avait déjà quelques signes qui laissaient penser que ces molécules avaient le même fonctionnement que le resvératrol dans la prévention des maladies du vieillissement. À cet instant, tout était parfait. On connaîtrait un monde différent de mon vivant. On n'avait pas à s'en faire, tout irait bien. Et puis j'ai touché le fond. Ce qu'il s'est passé, il y a quelques années, la plus grande société pharmaceutique au monde publie une étude scientifique affirmant que cette science étaient fausse, complètement fausse, que le resvératrol ne marchait pas sur ces protéines. Un autre groupe niait le lien des sirtuines avec le vieillissement. C'était une période très déprimante de ma vie. Il y avait d'éminents chercheurs qui m'envoyaient leurs condoléances. Les essais cliniques ont été suspendus. Je pensais avoir déçu mon labo. Je pensais avoir déçu l'Australie. Je pensais avoir déçu la Terre entière. Certains jours, je voulais abandonner ma carrière de chercheur. Mais l'aspect positif, c'est qu'au labo, on a été contraints de revenir sur nos pas pour bien cerner l'efficacité du resvératrol et des autres médicaments de synthèse. J'ai réuni un groupe de chercheurs, une trentaine environ, et on s'est mis au travail afin de cerner la vérité. On a découvert que le resvératrol se lie effectivement au Pac Man. En s'y fixant, à l'arrière, il le fait aller plus vite. C'est ainsi qu'ils fonctionnent tous. Le resvératrol et ces médicaments avaient le même fonctionnement. C'était extraordinaire. Les essais cliniques ont repris. Et j'espère qu'un jour, dans un proche avenir, il existera des médicaments, comme un comprimé. J'en ai un exemplaire. On pourrait prendre ceci au petit déjeuner, pour repousser les maladies du vieillissement à beaucoup plus tard et nous garder en meilleure santé. J'attends le jour où ça arrivera et ce jour-là, on se remémorera notre époque de la même façon qu'on pense aux gens d'il y a un siècle, où on mourait d'une écharde infectée, ce qui, à l'époque, était parfaitement naturel. Non seulement on a le droit de jouir de cette récente découverte dans notre intérêt et celui de nos proches, mais nous en avons aussi le devoir sur le plan financier et éthique. Et si vous ne me croyez pas, demandez à un enfant de quatre ans. (Rires) Je vous remercie. (Applaudissements)