Isabelle Moncada: Pour commencer, une question qui a l'air un peu provoque, mais qui est sérieuse et d'actualité: Faut-il en finir avec les hôpitaux? Issu du Moyen-âge, l'hospice s'est progressivement transformé en un centre de soins technologiques. On a construit des giga-bâtiments qu'il faudra amortir sur des décennies. Et puis, dans les années '60, on a vu l'apogée de l'hospitalocentrisme. Ce modèle est aujourd'hui dépassé et décrié. Pour les spécialistes, il faut créer un hôpital hors les murs, traiter les patients qui n'ont pas besoin de soins continus à domicile. Il faut dire qu'à la maison, on dort mieux, on risque moins les infections nosocomiales et ça coûte moins cher. Chaque année, en Suisse, un million de personnes doivent être hospitalisées. Comment faire baisser ce chiffre? Voici l'enquête menée par Sophie Gabut et Jean-Daniel Bohnenblust à Genève, canton parmi les pionniers dans la recherche de solutions. (musique) >> J'ai été diagnostiqué il y a une vingtaine d'années pour une maladie qui a un nom un peu compliqué mais qui s'appelle la RCUH, qui est la recto-colite ulcéro-hémorragique, qui est une maladie inflammatoire qui touche le colon. Puis mon état s'est tellement dégradé que j'ai été hospitalisé pendant 4 1/2 mois. A la suite de cette hospitalisation, j'ai fait le choix et la demande d'être hospitalisé à domicile pour pouvoir poursuivre des soins dans un cadre familial, à la maison. >> Qu'est-ce que vous avez sur le dos? >> Hé bien, j'ai de la nourriture qui m'aide à prendre du poids depuis bientôt une année, maintenant. Ça s'appelle une parentérale. Donc ça veut dire que dedans, j'ai dans mon sac une poche avec de la nourriture, alors la nourriture, malheureusement, le repas est toujours un peu le même au quotidien: voilà, c'est une poche où dedans -- alors là, comme on arrive au terme de la perfusion, il n'y en a plus beaucoup, mais dedans, on a un liquide, voilà, qui en fait est relié directement à une pompe, qui en fait injecte régulièrement le produit dans la veine. Mais oui, oui, moi j'ai même -- je peux travailler avec ça, j'ai même fait un concert à la Fête de la musique au mois de juin, où j'avais mon sac sur le dos. Donc voilà: oui, c'est possible d'avoir une vie normale avec ça sur le dois. (Musique) >> Vivre chez soi, dans des conditions approchant celles de l'hôpital: une tendance qui tranche avec le système de santé depuis ses origines: l'hospitalo-centrisme. Pour contrer l'augmentation incontrôlée des coûts et adapter la prise en charge des patients à leurs réels besoins, les cantons repensent le système. Objectif: éviter les hospitalisations évitabes en maintenant les gens chez eux. >> Alors voilà: aujourd'hui on a vu Mme K. qui vraiment souhaite un maintien au domicile -- >> A Genève, une équipe interdisciplinaire a été créée pour coordonner les soins autour du patient âgé. >> Donc on es allé -- >> Le projet s'appelle Cogeria >> Et puis -- >> Il réunit l'hôpital, des médecins privés et les acteurs sociaux. >> viennent voir -- >> Développé à l'échelle des quartiers, il place les bénéficiaires au centre d'une prise en charge globale. >> et une physio --- dans son quartier, dans le canton s'il y a des associations, des prestations, qui pourraient correspondre à ses besoins. >> Et voilà comment ça marche. Nous sommes dans un immeuble disposant d'un encadrement pour personnes âgées. >> Elle peut pas >> Hello, Mme S.? >> Une dame âgée loue un studio. Elle a 97 ans, est autonome, mais elle est tombée chez elle. >> Bonjour! >> Bonjour! Il lui a suffit d'alerter l'infirmier de garde. >> Oui, je suis tombée. >> Vous êtes tombée? >> Et j'arrive pas à me relever, ça saigne. >> D'accord. Hé bien, on va regarder tout ça. Ça saigne toujours un petit peu, le visage. >> Oui >> Je ne vais pas vous le mettre dans l'oeil. >> La consultation va prendre une tournure avant-gardiste. >> Vu que vous êtes tombée, j'aimerais bien, si vous le voulez, qu'on appelle le médecin: puis comme ça, on a un avis médical. >> Voilà: d'accord? >> Merci beaucoup. >> D'accord. >> Pour appuyer cette prise en charge, les HUG ont développé un outil de téléconsultation. >> Donc maintenant, elle va nous rappeler. Alors >> Bonjour! >> Bonjour. >> ... le médecin ... enchantée >> Bonjour, enchanté. Florian, je suis un infirmier IMAD. Alors Mme S., on a été appelés, elle a fait une chute. Elle est tombée dans son salon, elle s'est tapé la tête. Elle s'est ouvert l'arcade sourcilière gauche. >> Le système se nomme HUG@home. Lorsqu'ils le jugent nécessaire, les infirmiers peuvent appeler un médecin de garde de l'hôpital pour valider un traitement. >> Elle est quand même sonnée. >> D'accord Bonjour Madame >> Bonjour, Mademoiselle. >> Comment est-ce que vous vous sentez, maintenant? >> J'ai pas compris. >> Comment est-ce que vous vous sentez? >> Moi je me sens bien. >> Après être passées par une salle d'attente virtuelle, les consultations à distance peuvent prendre plusieurs formes: textes, photos, vidéos, en fonction des besoins. >> Alors par rapport à la prise en charge, maintenant, je pense que les steri-strips que vous avez mis, ça suffit par rapport à la plaie. Elle ne saigne pas et je pense que ça va bien se passer comme ça. >> Les patients âgés vulnérables et ceux qui sont rentrés chez eux juste après une opération sont les premiers bénéficiaires de la téléconsultation. >> ... si dans la journée, il n'y a rien qui se développe. Est-ce que vous pouvez passer en fin de journée pour voir Madame? >> Oui, pas de souci: je peux dire à l'infirmière de ce soir de repasser pour venir la voir. >> Merci beaucoup! >> Merci! >> Merci beaucoup, docteur; au revoir. >> Alors c'est un changement de paradigme, c'est sûr. Nous sommes habitués à voir un patient, pouvoir palper aussi le patient, pouvoir palper la plaie. Donc c'est quand même différent. Il est vrai que pour tout un tas de situations, on peut tout à fait faire ça à distance, par exemple une plaie, typiquement, comme on vient de voir ici, c'est très adapté de pouvoir voir le patient en vidéoconsultation. Par contre, évidemment, si c'est une douleur au niveau du ventre et puis qu'il faudrait palper le ventre, c'est mieux d'avoir le patient en vrai. >> Mais c'est bien, ça a bien séché, c'est bien. On a pu tout de suite dans les 10 minutes, avoir un avis médical, sans passer par appeler une ambulance, que... déplacer le 144, ou appeler la fille pour qu'elle vienne, qu'elle l'emmène à l'hôpital. Ça, au niveau logistique, déjà, ça permet beaucoup de choses, et puis nous, au niveau médical, ça nous permet d'avoir un avis très rapide. >> C'est parce qu'on a ... souvent, suivant comment on est tombé, c'est quand même mieux qu'ils viennent à la maison si on eut pas se déplacer. Je trouve, moi. >> Ah oui? >> Ah ben oui. >> Vous êtes sure? >> C'est plus pratique, quand même >> Ah mais, c'est sûr. >> Qu'est-ce que j'aurais fait, là, par terre, >> si j'avais pas eu quelqu'un tout de suite? >> C'est une économe de temps, d'argent >> Oui! >> Voilà, de plein de choses. >> De tout, oui, exactement. Je serais peut-être encore par terre: on sait pas (elle rit). >> Ce dispositif s'inscrit dans le virage ambulatoire visant à garantir les soins hors murs de l'hôpital. Il n'est prévu d'y recourir que dans la mesure où le médecin traitant du patient n'est pas joignable. >> Voilä: si ça va pas, vous nous appelez. >> Oui, ... vous appeler >> Voilà, hein >> Oui, je vais vous appeler, oui. >> Ça va aller, mais vous nous appelez. >> Oui. >> Nickel. Après 6 mois d'essai, 90% des visites auraient permis d'éviter un déplacement aux urgences. >> Voilà, d'accord? Au revoir, bonne soirée, Mme S. >> Merci, pareillement. >> Merci. >> Certains préfèrent éviter l'hôpital. (Musique) D'autres ne souhaitent pas y retourner. Christophe Duc a demandé l'assistance de l'IMAD, l’Institution genevoise de Maintien à Domicile, >> Allô, j'écoute. >> un établissement public autonome contrôlé par l'Etat. >> Bonjour, Antoine, vous êtes déjà là? >> Oui, je suis arrivé. >> Euh, je finis juste une petite minute, puis je vous rejoins, d'accord? >> OK. >> A tout de suite, merci. >> Voilà, tu peux la poser ici, comme ça, OK, super. >> Contrairement aux acteurs privés, l'IMAD a une obligation d'admettre les patients. Elle a développé l'hospitalisation à domicile. 8:21 Des infirmiers spécialisés viennent donner des soins habituellement reçus à l'hôpital. >> On va maintenant pratiquer des transfusions à domicile, ce qui ne se pratique pas dans tous les pays du monde. On va pouvoir faire tous les types d'antibiothérapie. On va gérer des chimiothérapies. La plupart du temps, le concept, ça va être de les retirer: elles sont posées à l'hôpital sur une pompe qui les diffuse 24 heures et nous, on les retire. Donc on a le geste technique et, évidemment toute la surveillance, tout l'accompagnement aussi, qui est en lien avec une chimio. On pratique des dialyses péritonéales, de plus en plus. Ça c'est un soin qui clairement,obligerait le patient à être hospitalisé si c'était pas pratiqué à domicile, car totalement vital. Et l'autre particularité de notre service, ça va être toute la pédiatrie. Comme ça, ça va, c'est confortable? >> Oui, merci. >> Qu'est-ce que ça vous apporte de travailler comme ça? >> Le relationnel avec le patient qui est différent, qui est beaucoup plus personnalisé, plus vrai, selon moi, qu'à l'hôpital. On prend juste de noter le soin dans votre carnet de santé. >> Le fait d'être à domicile m'a permis de me reconnecter à une certaine réalité et puis aussi de quitter cette identification à la maladie. C'est-à-dire de conserver "je suis pas malade," je ne suis pas-- ce que je suis profondément n'est pas un malade. Je souffre d'une maladie qui, à un certain temps, m'extrait de la société pour vivre une expérience hospitalière, mais je pense que le retour à la réalité aide aussi à la guérison, parce que finalement, elle favorise l'individu -- en tout cas moi, ça a été mon cas -- à essayer de quitter ce statut de malade pour redevenir quelqu'un d'actif. >> Redevenir actif, père de famille et aussi un mari. >> C'est vrai que Christophe va de toute façon mieux. Mais même quand il est rentré et qu'il allait vraiment mal, mais qu'on a eu vent de cette possibilité de venir se soigner à la maison avec -- et de bénéficier exactement de la même qualité des soins, ça a absolument tout changé, changé toute la donne. (l'enfant rit) >> Oui! >> Ça va, tu arrives à le porter? >> Aujourd'hui, vous allez mieux? >> Oui, oui je vais mieux: j'ai repris 14 kilos sur les 20 que j'ai perdus, j'en ai repris 14, j'ai pu reprendre une vie professionnelle, une vie familiale Après, je peux pas encore refaire du sport parce que j'ai eu des conséquences aussi comme la polyarthrite, enfin des choses qui ont été des effets secondaires, qui m’handicapent encore un peu au quotidien. Mais aujourd'hui, oui, j'ai repris une vie normale. >> Une vie normale qui, de surcroît, coûte moins cher au système de santé. Fabrice Léocadie dirige l'hospitalisation à domicile au sein de l'IMAD. >> On comptabilise pas tout la partie hôtelière, ou maintenance que peut avoir - ou plateau technique que peut avoir un hôpital, donc les coûts de soin en eux-mêmes sont, devraient être à peu près similaires mais par contre, en effet, quand vous enlevez toute la partie hôtelière, toute la partie restauration qui n'est pas facturée à domicile, forcément, c'est un coût qui est moindre que l'hospitalisation. >> 40% des patients ont moins que 65 ans. un tiers sont des personnes âgées, un autre tiers, des enfants. >> Les besoins ont plutôt tendance, en tout cas ces dernières années, et c'est encore plus valable ces derniers mois, ont tendance à augmenter fortement. Notamment, on peut voir évoluer la proportion de pédiatrie sur les 7 dernières années, avec quasiment un triplement du nombre, de la volumétrie de ptits. >> ......OUi oui, très bien. >> >> Il avait mal à la tête, il faisait souvent pipi, il mangeait pas, il est souvent fatigué, en plus, il a mal au ventre. Et on est entrés en urgence, le soir, à l'hôpital. Ils ont fait tous les tests et à la fin, ils ont dit qu'il a un diabète qui commence et qu'il devrait prendre toute sa vie l'insuline. 12:09