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La tyrannie du mérite

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    Voici une question
    que nous devrions tous poser :
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    Qu'est-ce-qui a mal tourné ?
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    Pas seulement concernant la pandémie,
  • 0:07 - 0:09
    mais aussi concernant notre vie citoyenne.
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    Qu'est-ce qui nous a amené
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    à ce paysage politique
    polarisé et rancunier ?
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    Ces dernières décennies,
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    le fossé entre gagnants et perdants
    s'est creusé,
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    empoisonnant notre politique,
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    nous séparant les uns des autres.
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    Ce fossé est en partie dû à l'inégalité.
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    Mais il est aussi dû à l'attitude
    face à la victoire et à la défaite
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    qui va avec.
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    Ceux qui ont atteint le sommet
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    ont fini par croire que leur succès
    découlait de leurs propres efforts,
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    qu'il correspondait à leur mérite,
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    et que les perdants ne devaient
    s'en prendre qu'à eux-mêmes.
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    Cette façon de concevoir le succès
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    provient d'un principe qui a de l'attrait.
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    Si tout le monde a une chance égale,
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    les gagnants méritent leurs victoires.
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    C'est le cœur de l'idéal méritocratique.
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    En pratique, bien-sûr,
    nous sommes très loin du compte.
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    Tout le monde n'a pas
    les mêmes chances de promotion.
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    Des enfants issus de la pauvreté
    restent pauvres une fois adultes.
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    Les parents aisés peuvent transmettre
    leurs avantages à leurs enfants.
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    Dans les universités de la Ivy League,
    par exemple,
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    il y a plus d'étudiants issus
    des 1% des plus riches du pays
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    que de toute la moitié inférieure,
    toutes catégories confondues.
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    Mais le problème n'est pas seulement
    que nous échouons à vivre à la hauteur
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    des principes méritocratiques
    que nous proclamons.
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    Cet idéal lui-même est erroné.
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    Il a une face cachée.
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    La méritocratie est corrosive
    pour le bien commun.
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    Elle conduit à l'hubris chez les gagnants
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    et à l'humiliation chez les perdants.
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    Elle encourage ceux qui réussissent
    à trop se rengorger de leur succès,
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    à oublier la chance et la bonne fortune
    qui les ont aidés à arriver.
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    Et elle les conduit à mépriser
    ceux qui sont moins privilégiés,
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    moins qualifiés qu'eux.
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    Cela a des répercussions politiques.
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    L'une des sources les plus puissantes
    des mouvements populaires de ressac
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    est, chez beaucoup de travailleurs,
    le sentiment que l’élite les méprisent.
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    C'est une plainte légitime.
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    Alors même que la globalisation
    a provoqué une inégalité croissante
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    et des salaires qui stagnent,
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    ses partisans ont offert
    aux travailleurs des encouragements.
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    « Si vous voulez être performants
    et réussir dans l'économie mondiale,
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    allez à l'université. »
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    « Ce que vous gagnez dépend
    de ce que vous apprenez. »
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    « Vous pouvez y arriver
    si vous essayez. »
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    Ces élites ne perçoivent pas l'insulte
    implicite dans ces conseils.
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    Si vous n'allez pas à l'université,
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    si vous ne vous épanouissez pas
    dans la nouvelle économie,
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    c'est votre faute si vous échouez.
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    Voilà ce que cela implique.
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    Nul hasard si beaucoup de travailleurs
    sont contre les élites méritocratiques.
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    Alors que devrions-nous faire?
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    Nous devons repenser trois aspects
    de notre vie citoyenne.
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    Le rôle de l'université,
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    la dignité du travail,
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    et le sens du succès.
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    Nous devrions commencer par repenser
    le rôle des universités,
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    en tant qu'arbitres des opportunités.
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    Pour ceux d'entre nous qui passons
    nos journées avec d'autres diplômés,
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    il est facile d'oublier un simple fait :
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    La plupart des gens n'ont pas
    de license universitaire.
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    En fait, près de deux tiers
    des américains n'en ont pas.
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    C'est donc une folie
    de créer une économie
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    qui fait d'un diplôme universitaire
    la condition nécessaire
  • 4:23 - 4:27
    pour accéder à un travail digne
    et une vie décente.
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    Encourager les gens à aller
    à l'université, c'est bien.
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    En élargir l'accès à ceux qui
    ne peuvent se le permettre,
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    c'est encore mieux.
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    Mais ceci n'est pas
    une solution à l'inégalité.
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    Nous devrions moins nous soucier de
    préparer les gens au combat méritocratique
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    et nous concentrer davantage
    sur l'amélioration de la vie
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    des personnes non diplômées,
  • 4:51 - 4:55
    mais dont la contribution
    est essentielle pour notre société.
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    Nous devrions rendre au travail sa dignité
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    et le placer au centre de nos politiques.
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    Nous devrions nous rappeler que le travail
    ne consiste pas seulement à gagner sa vie,
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    mais qu'il contribue aussi au bien commun
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    et doit être reconnu pour cela.
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    Robert F. Kennedy l'a bien exprimé,
    il y a un 50 ans de cela.
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    Fraternité, communauté,
    patriotisme partagé.
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    Ces valeurs essentielles
    ne découlent pas
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    juste du fait d'acheter
    et de consommer des biens ensemble.
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    Elles résultent de l'emploi décent,
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    avec un salaire décent.
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    Le genre d'emploi
    qui nous permet de dire :
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    « J'ai aidé à construire ce pays.
  • 5:40 - 5:44
    Je participe
    à ses grands projets publics. »
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    Ce sentiment de citoyenneté
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    est largement absent aujourd'hui
    dans notre vie publique.
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    Nous présumons souvent
    que l'argent que gagnent les gens
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    est la mesure de leur contribution
    au bien commun.
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    Mais c'est une erreur.
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    Martin Luther King Jr.
    a expliqué pourquoi.
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    En méditant sur une grève
    des agents sanitaires
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    de Memphis, dans le Tennessee,
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    peu de temps avant d'être assassiné,
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    King avait dit :
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    « La personne qui ramasse
    nos ordures est, en fait,
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    aussi importante que le médecin,
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    car si son travail n'est pas bien fait,
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    les maladies sévissent.
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    Tout travail a de la dignité. »
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    La pandémie actuelle le montre clairement.
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    Elle révèle combien nous dépendons
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    de travailleurs que nous ignorons souvent.
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    Les livreurs,
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    les agents d'entretien,
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    les vendeurs de supermarché,
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    les ouvriers d'entrepôt,
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    les camionneurs,
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    les aides-soignants,
  • 6:56 - 6:57
    les gardes d'enfants,
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    le personnel soignant à domicile.
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    Ce ne sont pas les travailleurs
    les mieux payés, ni les plus honorés.
  • 7:05 - 7:09
    Mais maintenant nous les considérons
    comme des travailleurs essentiels.
  • 7:10 - 7:14
    Il est temps de débattre publiquement
  • 7:14 - 7:18
    sur comment mieux aligner
    le salaire et la reconnaissance
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    qu'ils reçoivent
    avec l'importance de leur travail.
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    Il est aussi temps d'effectuer
    un tournant moral et même spirituel,
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    de remettre en question
    notre hubris méritocratique.
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    Est-ce que je mérite moralement
    les talents qui m'assurent le succès ?
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    Est-ce de mon fait
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    si je vis dans une société
    qui valorise les talents
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    qu'il se trouve que je possède ?
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    Ou est-ce dû à ma chance ?
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    Insister sur le fait
    que je mérite d'avoir réussi,
  • 7:53 - 7:57
    ne m'aide pas à me mettre
    à la place des autres.
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    Apprécier le rôle de la chance dans la vie
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    peut encourager une certaine humilité.
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    C'est du fait d'un accident de naissance,
    ou par la grâce de Dieu,
  • 8:08 - 8:10
    ou par le mystère du destin,
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    que je suis ce que je suis.
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    Cet esprit d'humilité
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    est la vertu civique
    qu'il nous faut maintenant.
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    C'est le début d'un retour en arrière,
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    loin de l'éthique brutale du succès
    qui nous sépare les uns des autres.
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    Il nous mène au delà
    de la tyrannie du mérite
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    vers une vie publique
    moins rancunière et plus généreuse.
Title:
La tyrannie du mérite
Speaker:
Michael Sandel
Description:

Qu'est-ce-qui explique la polarisation de notre vie publique et comment amorcer sa guérison? Le philosophe politique Michael Sandel a une réponse étonnante : ceux qui ont réussi doivent se regarder dans le miroir. Il explore comment l'hubris méritocratique conduit de nombreuses personnes à croire que leur succès est dû à elles-mêmes et à regarder avec dédain ceux qui n'ont pas réussi, provoquant ainsi le ressentiment et creusant le fossé entre les « gagnants » et les « perdants » dans la nouvelle économie. Écoutez les raisons pour lesquelles nous devons revisiter le sens du succès et reconnaître le rôle de la chance afin de créer une vie publique faite de moins de rancune et de plus de générosité.

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Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
08:47
Claire Ghyselen approved French subtitles for The tyranny of merit
Claire Ghyselen edited French subtitles for The tyranny of merit
Claire Ghyselen edited French subtitles for The tyranny of merit
Ameerah Arjanee accepted French subtitles for The tyranny of merit
Ameerah Arjanee edited French subtitles for The tyranny of merit
Ameerah Arjanee edited French subtitles for The tyranny of merit
Claire Ghyselen rejected French subtitles for The tyranny of merit
Ameerah Arjanee accepted French subtitles for The tyranny of merit
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