Comment les luttes de notre passé affectent notre confiance | Zak Ebrahim | TEDxPorto

Quand Zak avait sept ans, son père, El-Sayyid Nosair, a tiré et tué le chef de la Ligue de défense juive. En prison, Nosair a participé à la planification de l'attentat à la bombe contre le World Trade Center en 1993. En plus de l'impact immédiat sur sa vie, les actions de son père ont également affecté à long terme sa capacité à faire confiance aux autres et même à lui-même. Zak partage des exemples de confiance dans sa vie, comment il a réalisé, en réfléchissant à ces exemples, combien la confiance est liée à la volonté de se rendre vulnérable aux autres, et pourquoi il est si important de se rendre vulnérable pour vivre une vie heureuse.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

Quand on m'a demandé de prendre
la parole aujourd'hui,

j'ai pris le temps d'écrire tous
les exemples de confiance dans ma vie.

Les relations que j'ai construites
avec ma famille et mes amis

et même le partage de l'histoire
de ma vie si publiquement.

Avec un peu de réflexion, j'ai réalisé que

la confiance pour moi
était un interrupteur

qui avait été éteint pendant
la majeure partie de ma vie.

Je pense même que j'évite d'y penser.

A vingt ans, je pensais que

j'avais réussi à échapper aux événements
traumatisants de mon passé

relativement indemne.

Ce n'est qu'à la fin de la vingtaine que
j'ai réalisé à quel point j'avais tort.

Vous voyez, pendant une grande partie
de ma vie, j'ai caché mon identité

de ceux qui m'ont connu.

À un certain moment, j'ai réalisé
que je devais accomplir

le plus grand acte de confiance
que j'aurais à accomplir dans ma vie.

J'ai rendu publique l'histoire
de ma vie avec l'aide de TED,

sur scène à Vancouver
entre Bill et Melinda Gates et Sting -

une formalité.

(Rires)

Avoir la volonté de se mettre en avant

sans savoir comment
les autres vont réagir,

c'est une chose effrayante à faire,
je le sais.

Mais à nouveau,
je me retrouve sur une scène TED,

car je me rends compte que
chaque fois que je partage mon histoire,

je me permets de baisser ma garde
et de cultiver la confiance.

Et j'espère que je pourrai montrer aux
autres qu'il est possible de faire pareil.

Pour ceux qui n'ont pas
vu mon premier talk TED,

permettez-moi
de vous donner un peu de contexte.

Dans la nuit du 5 novembre 1990

le monde tel que je le connaissais
a été complètement bouleversé.

Mon père est entré
dans un hôtel à Manhattan

et a assassiné le rabbin extrémiste
Meir Kahane.

Par cet acte, mon père a simultanément
trahi sa famille et sa communauté.

Pourtant, depuis sa cellule,
il a clamé son innocence

et a été initialement déclaré
non coupable du meurtre.

L'idée que nous pourrions un jour
être à nouveau une famille

était une lueur d'espoir

pour un jeune garçon qui idolâtrait
et adorait son père.

Je l'aimais comme tout fils aime son père.

Et j'ai eu confiance en lui
quand il m'a juré qu'il était innocent.

Au lieu de cela, depuis sa cellule,

il a continué à encourager et coordonner
des plans pour le faire sortir de prison,

pour assassiner le juge
qui l'avait condamné

et pour faire exploser plusieurs
monuments à New York.

Heureusement, ces plans ont été déjoués

grâce à la bravoure d'Ahmed Selim,

un agent des services de renseignement
infiltré dans ce groupe d'hommes.

Malheureusement,
cela ne les a pas dissuadés

de poser une bombe
dans le World Trade Center en 1993,

dans lequel
six innocents ont perdu la vie.

Mon père allait être rejugé et
condamné à la prison à vie pour son rôle.

En raison des retombées
des actions de mon père,

ma famille fut ostracisée
d'une communauté après l'autre.

Dans un tel monde, il était facile

pour un jeune enfant d'avoir peur
de se rapprocher des autres.

Ma confiance était inexistante sauf
quand il s'agissait de ma famille proche.

À 14 ans, j'allais dans ma huitième
nouvelle école

et j'ai dû faire face à certaines
de mes pires années de harcèlement.

Au plus fort de ces problèmes,
ma mère s'est remariée.

À ce moment de ma vie,

je cherchais désespérément
un modèle masculin positif.

Quelqu'un qui pourrait

m'inculquer un sentiment de fierté
et de confiance en soi

et m'apprendre à me défendre
face à mes agresseurs.

Mon nouveau beau-père
avait étudié les arts martiaux

et lors de notre premier dîner ensemble -
je ne l'oublierai jamais - il a dit :

« Vous n'avez plus à vous inquiéter,
votre père est là maintenant. »

Il me semblait être exactement
ce que je cherchais

mais il n'a pas fallu longtemps avant
qu'il ne commence à montrer qui il était.

Il a utilisé la violence physique
et émotionnelle pour me dominer

et déchirer le peu qu'il me restait
de mon estime de moi.

Cela m'a rendu plus prudent,
fatigué de faire confiance aux autres.

Par pure fatalité, après quatre années
de tourments par cet homme,

ma famille a réussi à s'échapper

mais à ce moment-là, le mal était fait.

De toutes les choses dont
je vais parler aujourd'hui

ou que j'ai vécues dans ma vie,

aucune n'a fait plus de mal
à mon estime de moi

que les tourments
que j'ai subis pendant ces années.

À ce moment-là, je cachais encore mon
identité à tous ceux qui me connaissaient.

Je me suis dit que c'était la meilleure
façon de me protéger contre le mal.

Mais à un certain moment, j'ai réalisé
qu'il manquait quelque chose

des relations que j'étais
en train de construire.

Ce mot, confiance, encore.

Sentir que je ne pourrais jamais être
vraiment moi-même avec les autres

par crainte de la façon
dont ils me jugeraient

s'ils savaient qui j'étais.

S'ils savaient ce que mon père avait fait.

Je...

Cela m'a mis à rude épreuve.

Je n'ai pas réalisé le mal
que je me faisais à moi-même,

mais, finalement,
j'ai commencé à réaliser que,

en fait, j'entravais ma croissance.

Dans mon livre « Le fils du terroriste »,
je raconte quelques histoires

à propos du partage de mon identité
avec deux de mes amis les plus proches.

Établir la confiance
avec eux au fil du temps,

m'a donné l'impression qu'il pourrait
être acceptable de leur dire qui j'étais.

Leurs réactions furent
diamétralement opposées.

Mon premier ami a été si choqué par les
éléments les plus extrêmes de l'histoire

qu'il a essentiellement ri
maladroitement tout le temps.

L'autre était furieux mais seulement parce
que je ne lui avais pas dit en premier.

Leurs réactions si banales
à ma confession m'ont fait penser

qu'il pourrait être bon de dire
aux autres qui j'étais.

Je n'avais aucune idée du cadeau
qu'ils m'avaient fait.

Mais ça ne s'est pas toujours terminé
de manière aussi positive.

Les réactions des gens ont été
des rires nerveux et des chocs

à la colère pure et simple
et aux menaces contre ma vie.

Une fois, j'ai même été blessé à la main

en essayant de prendre un couteau
à quelqu'un que Je croyais être un ami

alors qu'il se jetait sur moi,
en hurlant :

« Je rendrai service
à l'Amérique si je te tue. »

Heureusement, j'ai pu m'échapper
sans avoir été gravement blessé.

Mais j'avais éprouvé la joie
de partager avec les autres qui j'étais

et je reconnais la force et le courage

que leur acceptation m'a apporté.

Je me suis rendu compte
qu'essayer de me couper de mes proches

ne rendait pas du tout service.

Je...

Excusez-moi.

Merci.

(Applaudissements)

J'ai donc partagé mon identité
avec mes amis

et ils m'ont montré que je pouvais être
honnête avec les autres sur qui j'étais.

Je savais qu'il y avait un risque

à me montrer comme
le fils d'un terroriste.

Je savais que certaines personnes
me détestaient

simplement parce que j'étais le fils
de mon père.

Je me suis dit que ça ne serait pas
la réaction de la plupart des gens.

Et, pendant mes conférences,

je me sens sous mon meilleur jour,

en travaillant et en me liant d'amitié
avec des gens incroyables du monde entier

qui sont inspirés
pour créer un changement.

Mais cela n'a pas toujours
été aussi simple.

Je ne me suis pas jeté à l'eau
en partageant mon histoire,

je m'y suis pris par petites touches,

pas toujours avec succès,

avant que je me sente en confiance
pour parler en public.

J'ai lutté contre la dépression
pendant une grande partie de ma vie

et, parfois, elle se manifeste
comme un nuage de doute.

D'autres fois, comme un poids
sur ma poitrine

dont le seul rôle est
de m'empêcher de fonctionner.

Des voix dans ma tête ont beau
me hurler de terminer une tâche,

j'ai beau constater les résultats
dramatiques de mon inaction,

ce poids reste là, rien n'y fait.

Mais j'ai avancé

parce que je savais
que mon histoire avait de la valeur.

Je me suis engagé dans le mouvement
pacifiste aux États-Unis

et j'ai vu tant de cas où je pensais que,

si je pouvais montrer aux gens
que j'ai été soumis à l'idéologie

dont ils avaient peur mais
que je ne m'étais pas radicalisé,

qu'est-ce que cela dirait

sur la vaste majorité des musulmans
dans le monde

qui n'ont pas été endoctrinés,

comme moi ?

Qu'est-ce que cela dirait
de notre capacité à changer ?

C'était toutes ces expériences
et une nouvelle amitié

qui m'ont aidé à monter
sur ma première scène TED.

Je dis tout le temps aux gens comment
ma meilleure amie Sharon

était mon courage avant que je ne l'aie.

Elle a cru en moi avant
que je ne croie en moi.

Sans l'ombre d'un doute,
je ne me tiendrais pas ici aujourd'hui

si elle n'avait pas en elle
du courage pour deux.

Apprendre à faire confiance
aux autres m'a aidé à grandir.

Cela m'a aidé à vivre mes relations

sans crainte ni doute.

Chaque fois que je partage mon histoire,

j'ai l'impression de me permettre,
comme je l'ai dit, de baisser ma garde.

Si souvent nous construisons
des murs autour de nous

qui ne se contentent pas de limiter
ce que les autres peuvent voir de nous,

mais qui limitent souvent
ce que nous voyons de nous-même.

Et j'en suis arrivé
à la conclusion si évidente que

si je me montre aux autres
de manière ouverte et honnête,

à leur tour, ils me montrent que je suis
capable de plus que ce que je croyais.

Merci !

(Applaudissements)

Merci beaucoup.

Merci.