Ce que les astronautes peuvent nous apprendre sur l'agriculture | Rodney Reis | TEDxEcoleHôtelièreLausanne

Faute d'espace dans leurs vaisseaux spatiaux et leurs fusées, les astronautes ont mis au point de nouvelles techniques agricoles pour produire des légumes frais pendant leurs voyages dans l'espace. Même avec des ressources limitées, ils sont maintenant capables de cultiver des têtes de laitue saines, même s'ils sont à des milliers de kilomètres de la Terre. Rodney Reis a étudié cette nouvelle agriculture spatiale et vous montrera que la façon authentique de cultiver des légumes n'est peut-être pas l'avenir de notre société sur Terre. Pourquoi ne pas changer notre vision des anciennes fermes et intégrer de nouveaux procédés capables de produire des aliments frais locaux toute l'année, avec l'avantage supplémentaire de réduire notre impact sur la planète ?

Rodney a suivi une formation de cadre à l'IMD Lausanne et à la London Business School, a obtenu un MBA de l'IBMEC à Rio de Janeiro, un certificat en ingénierie des télécommunications de l'Université de Californie à Irvine, et enfin un baccalauréat en informatique de l'Université fédérale de São Carlos. Il a travaillé pour de grandes entreprises comme Accenture, Nortel et Ascom, ainsi que pour de petites entreprises en démarrage. Il a participé à la création et au développement d'entreprises en Suisse, en Inde, aux Émirats Arabes Unis et au Brésil, travaillant et concluant des transactions dans plus de 25 pays au cours des 16 dernières années, principalement dans le secteur des hautes technologies.

Cette conférence a été donnée lors d'un événement TEDx utilisant le format de conférence TED mais organisé indépendamment par une communauté locale. Pour en savoir plus : http://ted.com/tedx

L’an passé, presque jour pour jour,
le 20 avril 2014,

une mission de la NASA

a fourni plus que de la nourriture
à la Station spatiale internationale :

elle a fourni une manière de la cultiver.

Ceci serait la première fois qu'une plante
comestible, ayant poussé dans l’espace,

n’est pas seulement utilisée à des fins
d’étude, mais pour la consommation.

C’est l’arrivée de l’agriculture spatiale.

Le commandant Steve Swanson
est à la tête de VEGGIE.

VEGGIE est une mini serre
qui produit de la laitue

comme celle-ci

dans l’espace.

Elle utilise 10 fois moins d’eau
qu'en agriculture normale

et requiert moins d'énergie
qu’un PC de bureau.

Pour le transport, cela prend
six fois moins de place à exploiter.

Apporter quelque chose dans l’espace
depuis la Terre vaut son pesant d’or

alors les ressources sont précieuses.

Devrait-on considérer nos ressources
naturelles de la même manière ?

Quand je pense à la Terre,

je pense au Brésil, le pays où je suis né,

un pays béni
en matière des ressources naturelles.

Cependant, il y a quelques semaines,
j’ai lu un article

traitant de la sécheresse extrême
à São Paulo.

São Paulo est une région métropolitaine
de 27 millions d’habitants.

Et ils vivent une sécheresse,

l’une des pires des cent dernières années.

Et le journaliste demandait à une dame

de quelle manière elle allait
supporter la sécheresse.

Il est connu que les Brésiliens
prennent plusieurs douches par jour.

Il lui a donc demandé :
« Allez-vous prendre moins de douches,

ou allez-vous en raccourcir la durée? »

Malheureusement, une deuxième douche
n’est pas le problème le plus pressant

en cas de pénurie d'eau.

Chaque minute, dans le monde, un enfant
meurt de maladies liées à l’eau.

En 10 ans, les deux tiers de l’humanité
devraient subir

une certaine forme de pénurie d'eau.

Ce n'est pas un danger
propre aux marchés émergents.

Les pays de l’OCDE,
les nations industrialisées,

devraient voir
leur consommation d’eau grimper

de 65 % d’ici 2050.

C’est beaucoup plus vite
qu'ailleurs au monde.

Si nous devions mettre
toute l’eau du monde

dans une immense goutte
à côté de notre planète,

voici à quoi cela ressemblerait.

De cela, seulement 1% est potable.

De cela, les deux tiers sont gelés dans
les calottes polaires et les glaciers.

Et de ce qui reste,
70 % est utilisé en agriculture.

L’accès à l’eau est égal
à la sécurité alimentaire.

Mais si l’on peut, dans l’espace, faire de
l’agriculture avec un minimum d’eau,

l’on peut sans doute améliorer
nos pratiques agricoles sur Terre.

Ces idées devraient nous inspirer.

Je suis à la tête d’une jeune entreprise,
CombaGroup,

et c'est précisément ce à quoi nous
aspirons : l’agriculture intelligente.

Voilà notre serre de
recherche et développement,

non loin d’ici, de Lausanne.

Et nous faisons pousser
de la laitue de la terre.

Nous déposons un mélange de nutriments
et d’eau directement sur les racines,

à l’aide d’une technologie
nommée l’aéroponie.

Ce qui n’est pas utilisé est recyclé.

Et pour chaque kilo de laitue produite,
nous économisons 180 litres d’eau.

Cependant, la majorité des laitues
ne poussent pas ainsi.

Voici l’histoire d’une tête de laitue,

de sa naissance jusqu’à la fin de sa vie,

qui, on l’espère, remplira sa mission
qui est de nous nourrir.

Pour ce faire, je veux retourner
à l’endroit d’où je viens

avant d’être venu en Suisse ;
je veux retourner au Royaume-Uni.

J’habitais un beau petit village
dans la campagne anglaise.

Il y avait un sublime pub, un salon de thé
et une église, pas grand-chose d’autre.

Et, aux alentours, il y avait
beaucoup de champs pour l’agriculture.

Durant les périodes froides,
particulièrement l’hiver,

pas grand-chose n’y poussait,
certainement pas de la laitue.

Il y avait toujours un marché à proximité
où je pouvais acheter de laitue fraîche

à n’importe quelle saison.

Pendant plus de la moitié de l’année,
cette laitue vient du sud de l’Espagne.

Les deux endroits principaux
sont Murcie et Almería

Elle fera 2 300 kilomètres par la route

à l’arrière d’un camion
sur une période de trois jours

et d’ici son arrivée en Angleterre,

elle aura perdu
plus de la moitié de sa vitamine C.

À quel point gaspille-t-on?

Quel est l’effet sur l’environnement?

Parlons d’abord du gaspillage.

Imaginez que ceci est 100 têtes de laitue
qui poussent dans un champ d’Espagne,

tentant de remplir leur mission.

Dix-sept seront perdues avant la récolte.

Neuf arriveront en magasin,

mais ne seront pas achetées
faute d'être très jolies.

La plus grosse partie du gaspillage
se fait à la maison.

Nous jetons 45 % des laitues
que nous achetons.

Pourquoi ?

Pourquoi payer pour en jeter ?

La raison principale est la durée de vie.

La date d’expiration d'un aliment
est dépassée,

elle a mauvaise odeur,
mauvais goût, puis on la jette.

Alors, les journées de voyage passées
à l’arrière d’un camion

sont des jours importants
dont nous pourrions profiter.

Si nous pouvions réduire
le gaspillage de laitues de 50%

et en faire, à la place
de la nourriture la plus gaspillée,

la deuxième plus gaspillée -

ce qui n’est pas un bon bilan -

nous pourrions économiser 300 litres d’eau
par kilo de laitue que nous mangeons.

C’est assez pour la deuxième
douche de cette dame

tous les jours pendant une semaine.

Malheureusement, ces têtes de laitue
poussent en Espagne, pas au Brésil.

Et les réserves d’eau en Espagne,
par habitant,

sont 12 fois plus petites
que les réserves du Brésil.

Cette laitue pousse dans l’un des endroits
les plus arides d’Europe.

Dans le sud de l’Espagne, il y pleut
deux fois moins que la moyenne nationale

Il y a six fois moins de pluie
qu’au Royaume-Uni.

Mais Ils exportent quand même l'équivalent
de 100 millions de litres d'eau

en laitues vers d’autres pays d’Europe.

Que devrions-nous faire ?

Devrions-nous arrêter de manger
de la laitue l’hiver ?

Les réserves d’eau anglaises et espagnoles
sont, par habitant, assez semblables.

Et la laitue est l’une des cultures
les plus économes en eau connues.

Si nous remplaçons un kilo de laitue
par un kilo de patates,

nous utilisons deux fois plus d’eau.

Si vous voulez un peu de lait,
c’est huit fois plus d’eau.

Si vous voulez un kilo de bœuf,
c’est 15 000 litres d’eau,

versus 200 litres d’eau

requis pour faire pousser
un kilo de laitue.

De plus, le sud de l’Espagne
est très ensoleillé,

parfait pour les vacances.

Il y a deux fois plus d’ensoleillement
que nous en avons au Royaume-Uni.

Les plantes, pour croître,
nécessitent lumière et chaleur.

Donc, si nous faisions pousser ces plantes
dans une serre au Royaume-Uni,

et utilisions l’électricité
pour éclairer et chauffer la serre,

nous dépenserions plus d’argent
et produirions plus de CO2

qu’en les important par camion
depuis l’Espagne.

Cette manière de toujours en manger
peut sembler la plus efficace.

Mais un astronaute aborderait-il
le problème de la même manière ?

Nous avons vu qu’il était possible
de réduire la quantité d'eau nécessaire.

Nous pourrions également commencer
par utiliser une lumière plus efficace.

Nous pourrions donner aux plantes juste
les couleurs nécessaires : rouge et bleu.

Voilà pourquoi vous voyez
une lumière mauve dans la photo.

Cette laitue pousse dans l'air.

Les têtes sont petites.
Nous pouvons bien les rapprocher

et leur donner graduellement
de l’espace pour pousser.

De cette manière, nous pouvons produire
deux fois plus de laitue par mètre carré

que dans un champ

et utiliser cette énergie de la lumière
et du chauffage efficacement.

Nous pourrions utiliser la chaleur perdue,
aussi, pour réchauffer la serre.

Ici en Suisse,

nous construirons un projet
de grande envergure

tout près d’une usine de gaz naturel.

Cette usine rejette dans l’air
de la chaleur et du CO2,

conséquence de la production d’énergie.

Ces ressources sont précieuses.

Nous connecterons notre serre
à cette centrale

et la réchaufferons pendant l’hiver,

en utilisant également le CO2
pour accélérer la croissance des plantes.

Ce faisant, notre empreinte de CO2
par kilo produit

est cinq fois plus basse

que si nous faisions la même chose
dans un champ en Suisse.

Cependant, l’empreinte de CO2 anglaise

est 70 fois plus élevée qu’en Suisse.

L'énergie renouvelable abonde ici,

et le Royaume-Uni utilise du charbon
pour produire de l’électricité.

Ce calcul fonctionnerait-il également
pour les mêmes idées au Royaume-Uni ?

En fait,

nous pourrions produire, pendant l’hiver,
avec la même empreinte de CO2

que le champ peut produire
pendant l’été au Royaume-Uni

et même plus bas durant [l'été]
quand il n'y a pas besoin de les éclairer

pour fournir la lumière -

mais en plus, nous pourrions fournir
un produit frais,

produit localement, et, je l’espère,
réduire le gaspillage,

réduire notre empreinte de CO2
par kilo consommé,

et le baisser à moins de la moitié
du niveau actuel

en important de la nourriture d’Espagne.

Ultimement, nous jetons plus de nourriture
que nous en mangeons, aujourd’hui.

Ça se passe aujourd'hui.

Nous faisons pousser ces plantes,
juste à côté de chez vous.

Nous servirons la laitue aujourd’hui
donc nous y goûterons.

Si nous pouvions remplacer seulement 10 %
de l’importation de nourriture au monde,

ce serait assez

pour réduire l’empreinte de CO2
d’un million de personnes

et nous économiserions assez d’eau

pour que 30 millions de personnes
se douchent chaque jour de l’année -

São Paulo en entier et le peuple.

Nous pourrions même apporter la laitue
vivante dans notre cuisine,

en important le concept
jusqu’à nos maisons,

nous aurions un produit à
longue durée de vie, plus de vitamines,

et nous réduirions le gaspillage,
sauvant ainsi nos ressources naturelles.

Voici notre équipe.

Nous nous vêtons en astronautes.

Nous essayons de penser en astronautes.

Ce que nous apprennent les astronautes
sur l'agriculture

est que nous pouvons économiser
eau, énergie et ressources,

et, ce faisant,

avoir de la nourriture fraîche et saine
pour la santé comme pour la planète.

Merci.

(Applaudissements)