Pourquoi militer pour la lutte contre le changement climatique

« Je rêve d'un monde où les cours de géographie enseigneraient la crise climatique comme ce grand défi réussi par des gens comme vous et moi », affirme Luisa Neubauer, la militante pour la lutte contre le changement climatique. Avec Greta Thunberg, elle a contribué à lancer « Fridays For Future », l'important mouvement international de grève des écoles qui protestent contre l'inaction face à la crise climatique. Elle révèle les quatre premières étapes à franchir pour devenir un activiste climatique lambda à n'importe quel âge. « C'est une action intergénérationnelle. C'est un accomplissement pour l'humanité », dit-elle.

Je n'ai jamais envisagé
de devenir militante pour le climat.

Mais les choses ont changé.

Et maintenant,
me voici militante pour le climat,

je vous demande à tous d'en faire de même.

Je vais vous expliquer pourquoi

et surtout, comment devenir militant.

Tout a commencé quand j'avais 13 ans.

J'ai tout d'abord pris connaissance
des gaz à effet de serre.

À l'époque, nous avions étudié
la question en classe pendant 90 minutes

et j'étais agacée à l'idée que

quelque chose de si fondamental

soit bouclé en un seul
cours de géographie.

J'en ai gardé de l'amertume
et donc, lorsque j'ai obtenu mon bac,

j'ai décidé d'étudier la géographie,

juste pour m'assurer que
j'étais sur la bonne voie

avec cette histoire
de changement climatique.

Et c'est à ce moment-là que tout a changé.

Pour la première fois,
j'ai commencé à explorer des données

concernant la science
et la crise climatique.

Je n'en croyais pas mes yeux.

Comme beaucoup d'entre vous,

je pensais que la planète était en danger.

Mais j'étais loin d'imaginer que
nous nous enfoncions à vitesse grand V

dans ce désastre climatique
que nous avons nous-mêmes créé.

Pour la première fois aussi, j'ai compris
que les choses sont bien différentes

lorsqu'on considère
la situation dans son ensemble.

Prenez la concentration de CO2
dans l'atmosphère, par exemple,

le principal facteur
du réchauffement climatique.

Oui, c'est grave.

On dirait bien qu'on est
sur une mauvaise piste.

Mais c'est en ne considérant
pas seulement les 60 dernières années,

mais les 10 000 dernières années,

qu'on comprend
à quel point c'est terrifiant.

Ce n'est là qu'un seul aspect de la crise
que nous sommes en train de vivre.

Je ne vais pas entrer dans les détails,
mais laissez-moi vous dire une chose :

nous sommes à un moment de l'histoire

où la force la plus destructrice
sur la planète est l'humanité elle-même.

Nous sommes à une période de l'histoire où

aucun scientifique ne peut vous garantir
que vous survivrez à cela.

Nous sommes à un moment de l'histoire où

l'humanité est en train
de créer un environnement

qui n'est plus sûr pour les humains.

Oui, j'étais là,

en première année de géographie,

et j'étais plutôt excédée.

Néanmoins...

il y avait de bonnes nouvelles.

La même année
où j'ai fait ces découvertes,

des dirigeants du monde entier
se sont réunis à Paris

avec l'objectif commun de limiter
le réchauffement planétaire

à moins de deux degrés.

Les photos ont fait le tour du monde

et selon les dires,
cet événement a marqué l'histoire

Quel soulagement, n'est-ce pas ?

Sauf que...

quelque chose n'a pas vraiment fonctionné.

Après la signature de cet accord,

rien ne s'est vraiment amélioré.

Pour ne pas dire
que les choses ont empiré.

Décideurs et industries,
dirigeants et hommes politiques,

sont retournés à leurs affaires,

exploitant nos moyens de subsistance
tout en épuisant les ressources de demain,

construisant sans cesse
des centrales à charbon,

alors même que tout cela doit s’arrêter,

selon l'Accord de Paris.

Il y a eu des progrès, bien sûr.

Il y a des installations d'énergie
éolienne et solaire partout dans le monde.

Mais ces changements positifs
sont lents, trop lents, en fait.

Ainsi, depuis la signature
de l'Accord de Paris,

les graphiques climatiques
continuent de grimper en flèche,

battant des records chaque année.

Les cinq années les plus chaudes
jamais enregistrées

ont été les cinq dernières années

et à aucun moment les émissions mondiales
n'ont été plus élevées qu'aujourd'hui.

J'en étais donc là,

à voir et à comprendre
la science d'un côté,

mais à ne pas voir les réponses,
à ne pas voir l'action, de l'autre côté.

À ce moment-là, j'en avais assez.

Je voulais aller moi-même à la Conférence
des Nations unies sur le climat,

cet endroit qui a justement été conçu pour
rassembler des personnes

pour résoudre les questions climatiques

sauf que ce n'est pas vraiment le cas,
apparemment.

C'était l'année dernière.

Je me suis rendue
à la Conférence sur le climat

et j'ai voulu savoir
de quoi il s'agissait vraiment.

Pour les réalistes politiques,
ce n'est peut-être pas une surprise,

mais j'ai eu du mal à supporter

que les industries
des combustibles fossiles

et les dirigeants politiques

fassent tout ce qui est en leur pouvoir
pour empêcher un véritable changement.

Ils ne sont pas désireux de fixer
des objectifs suffisamment ambitieux

pour nous mettre sur la voie
des moins de deux degrés.

Après tout, ce sont les seuls à bénéficier
de cette crise climatique, n'est-ce pas ?

L'industrie des combustibles fossiles
génère des profits,

et les dirigeants politiques, eh bien,
ils regardent les prochaines élections

et ce qui peut les rendre populaires,

et je suppose que personne
ne pose les questions qui fâchent.

Ils n'ont pas l'intention
de changer la donne.

Il n'y a aucun pays au monde où
des entreprises ou des pouvoirs politiques

sont sanctionnés
pour avoir détruit le climat.

Avec toute l'étrangeté
et la tristesse de cette conférence,

il y avait quelqu'un de différent,

quelqu'un qui semblait très inquiet,

et c'était Greta Thunberg.

J'ai trouvé que tout le reste
semblait désespérant

et n'avait aucun sens,

j'ai donc décidé de prendre part à
sa grève du climat pendant la conférence.

C'était ma toute première grève du climat

et c'était un cadre
incroyablement étrange,

juste elle et moi assises
dans cette salle de conférence,

entourées de cette foule en costume

qui n'avait aucune idée
de ce qui était en train de se passer.

Et pourtant, cela m'a semblé plus éloquent

que tout ce à quoi je m'attendais
depuis très longtemps.

Et c'est là que j'ai pensé
qu'il était peut-être temps

d'entamer les grèves en Allemagne.

J'étais convaincue

que personne d'autre ne réglerait
ce problème pour nous,

et s'il y avait la moindre chance
que les choses puissent changer,

il semblait presque insensé
de ne pas essayer.

J'ai donc -

(Applaudissements)

Donc, je suis retournée à Berlin.

J'ai trouvé des alliés qui ont eu
la même idée au même moment

et ensemble, nous avons pensé donner le
coup d'envoi de ce « Fridays For Future ».

De toute évidence, nous n'avions aucune
idée dans quoi nous nous embarquions.

Avant notre première grève,
beaucoup d'entre nous, y compris moi,

n'avions jamais organisé
de manifestation publique

ou de protestation auparavant.

Nous n'avions pas d'argent,
pas de ressources

et absolument aucune idée de ce
qu'est vraiment une grève climatique.

Nous avons donc commencé
à faire ce que nous savions faire :

nous avons commencé à envoyer des SMS,

à texter en masse, nuit et jour,
à tenter de joindre tout le monde

en organisant notre première
grève climatique via WhatsApp.

La veille de notre première grève,
j'étais tellement nerveuse

que je n'arrivais pas à dormir.

Je ne savais pas à quoi m'attendre,
mais je m'attendais au pire.

Peut-être était-ce parce que
nous n'étions pas les seuls

à vouloir avoir notre mot à dire
dans un environnement politique

qui semblait avoir oublié comment
inclure la perspective des jeunes

dans la prise de décision, peut-être.

Mais d'une façon ou d'une autre,
ça a marché.

Et du jour au lendemain,

nous étions partout.

Et moi, du jour au lendemain,

je suis devenue une activiste climatique.

D'habitude,

dans ce genre de conférence TED,

je dirais maintenant
que c'est trop ambitieux,

que nous, les jeunes,
allons régler ce problème,

que nous allons sauver l'avenir,
la planète et tout le reste,

que nous, les jeunes
qui luttons pour le climat,

nous allons le régler.

En général.

Mais ça ne marche pas comme ça.

Ce n'est pas ainsi
que fonctionne cette crise.

Voici un rebondissement :

aujourd'hui, trois ans et demi
après la signature de l'Accord de Paris,

quand on observe la science,

on s'aperçoit qu'il est encore possible de

maintenir le réchauffement de la planète
en dessous de deux degrés,

techniquement.

Et nous voyons aussi qu'il est
encore possible de contrôler

d'autres évolutions désastreuses,

tels que l'extinction massive
et la dégradation des sols.

Oui, en théorie.

C'est incroyablement improbable.

Et de toute façon,

il faudrait que le monde
connaisse des changements

que nous n'avons jamais connus auparavant.

Il faudrait complètement
décarboner nos économies d'ici 2050

et transformer la répartition des pouvoirs
qui permet actuellement

à ces géants de l'énergie fossile
et aux dirigeants politiques

de rester au sommet.

Ce n'est rien d'autre
que la plus grande transformation

depuis la Révolution Industrielle.

On peut qualifier cette période

d'une révolution climatique

en très peu de temps.

Nous n'avons plus
une seule année à perdre.

Quoi qu'il en soit,
pour que ce changement se produise,

il faut que le monde cesse de compter sur

un, deux ou trois millions
d'étudiants grévistes

pour régler ce problème.

Oui, nous sommes formidables,
nous allons continuer ainsi,

nous allons nous rendre dans des endroits
où personne ne nous attendait, oui.

C'est loin d’être terminé ;

nous n'en sommes qu'au début.

C'est un mouvement
qui doit être intergénérationnel.

C'est un travail pour l'humanité.

Et c'est là que tous les regards
se tournent vers vous.

Pour que ce changement se produise,

nous devrons résoudre
un million de choses.

C'est une chose incroyablement
complexe, après tout.

Mais...

il y a des choses que tout le monde
peut commencer.

Commençons par ce qui fâche :

et si je vous disais de faire plus de vélo

ou manger moins de viande, voyager moins,
ou effectuer des achats d'occasion.

Désolé, ce n'est pas si facile.

Mais voici la bonne nouvelle :

vous n'êtes pas que des consommateurs
et des acheteurs,

bien que les industries aimeraient
que vous vous en teniez qu'à cela.

Non, vous et moi, nous sommes tous
des êtres politiques,

et nous pouvons tous
faire partie du changement.

Nous pouvons tous être
ce que beaucoup de gens appellent

des militants climatiques.

Est-ce que j'ai raison ?

(Rires)

Quelles sont donc les premières étapes ?

Voici quatre premières étapes essentielles
pour que le changement aboutisse,

quatre premières étapes
que tout le monde peut commencer à faire,

quatre premières étapes déterminantes
pour la suite à venir.

Alors de quoi s'agit-il ?

Première étape :

nous devons recadrer radicalement
notre compréhension

d'un activiste du climat,

cette compréhension peut être
la réponse à cette crise climatique.

Un activiste climatique
n'est pas celui qui a lu chaque étude

et qui consacre tous ses après-midis
à distribuer des tracts sur le végétarisme

dans les centres commerciaux.

Non.

N'importe qui peut être
un militant climatique,

tous ceux qui veulent se joindre
au mouvement de ceux qui ont l'intention

de vieillir sur une planète

qui accorde la priorité
à la protection des milieux naturels,

au bonheur et à la santé des populations,

plutôt qu'à la destruction du climat
et au naufrage de la planète,

au profit des industriels.

Et puisque la crise climatique affecte
tous les aspects de notre vie sociale,

de notre vie politique
et de notre vie privée,

nous avons besoin d'activistes du climat
partout dans le monde,

non seulement dans chaque pièce,

mais aussi dans chaque ville,
chaque pays et chaque continent.

Deuxième étape :

j'ai besoin que vous sortiez
de cette zone de confort,

loin des sentiers battus sans avenir.

Vous êtes tous ici, soit un ami
ou un membre de la famille,

un employé, un collègue,
un étudiant, un enseignant

ou dans la plupart des cas, un électeur.

Tout cela s'accompagne
d'une responsabilité

que cette crise vous oblige
à assumer en grandissant.

Il y a l'entreprise qui vous emploie

ou qui vous parraine.

Est-elle sur la bonne voie
pour respecter l'Accord de Paris ?

Votre parlementaire local
sait-il que cela vous tient à cœur,

que vous voulez en faire
une priorité à chaque élection ?

Votre meilleur ami
en a-t-il connaissance ?

Lisez-vous ou écrivez-vous un journal ?
Super.

Faites-leur savoir que vous voulez
qu'ils en parlent dans chaque édition,

et que vous voulez qu'ils défient
les décideurs politiques

à chaque entretien.

Si vous êtes chanteur, chantez à ce sujet.

Si vous êtes enseignant, enseignez-le.

Si vous avez un compte bancaire,
dites à votre banque que vous la quitterez

s'ils continuent d'investir
dans les combustibles fossiles.

Et, bien sûr, le vendredi,
vous devriez tous savoir quoi faire.

Troisième étape :

quitter sa zone de confort
fonctionne le mieux

quand vous unissez vos forces.

Une personne qui demande
un changement inopportun

est surtout incommode.

Deux, cinq, dix ou encore cent personnes
qui demandent des changements improbables,

sont difficiles à ignorer.

Plus vous êtes nombreux,

plus il devient difficile pour les gens
de justifier un système de vie éphémère.

Le pouvoir n'est pas quelque chose
que vous avez ou n'avez pas.

Le pouvoir, vous le prenez
ou vous le laissez aux autres,

et il grandit une fois
que vous le partagez.

Nous, les jeunes de la rue,
nous, les étudiants grévistes,

nous montrons comment
cela peut fonctionner.

« Un étudiant gréviste
sera toujours un gréviste »

d'après Greta Thunberg.

Deux, cinq, dix, mille personnes
qui manifestent,

c'est un mouvement,

et c'est ce dont
nous avons besoin partout.

Pas de pression.

(Rires)

Et la quatrième étape, enfin

et c'est probablement
l'aspect le plus important.

J'ai besoin que vous commenciez
à vous prendre plus au sérieux.

S'il y a bien une chose que j'ai apprise

durant ces sept derniers mois
d'action climatique,

c'est que si vous ne faites rien,

il y a de fortes chances
que personne d'autre ne le fasse.

Les institutions les plus puissantes
de ce monde

n'ont pas l'intention de changer
les choses dont elles profitent le plus,

donc il ne sert à rien
de compter davantage sur elles.

C'est effrayant, je sais.

C'est une énorme responsabilité,

un énorme fardeau
sur les épaules de tous, oui.

Mais cela signifie aussi,
que si nous le voulons,

nous pouvons avoir notre mot à dire.

Nous pouvons faire partie
de ce changement, de ces solutions.

Et c'est très bien, non ?

Alors pourquoi ne pas essayer ?

Allons inonder le monde
d'activistes climatiques.

Sortons de nos zones de confort,

unissons-nous et commençons
à nous prendre plus au sérieux.

Imaginez à quoi ressemblerait ce monde,

où les enfants grandiraient,

impatients à l'idée de vivre
une grande aventure

et un avenir prometteur
sans avoir peur de rien.

À quoi ressemblera ce monde lorsque
la prochaine conférence sur le climat

sera un grand événement
de gens qui se rassemblent,

qui ont entendu
les voix de millions de personnes,

qui retrousseront leurs manches,
prêts à apporter de réels changements.

Vous savez,

je rêve de ce monde

où les cours de géographie
enseignent la crise climatique

comme le plus grand défi

relevé par des gens comme vous et moi,

qui avaient commencé à agir à temps

parce qu'ils ont compris
qu' ils n'avaient rien à perdre

et tout à gagner.

Alors pourquoi ne pas essayer ?

Personne d'autre ne sauvera notre avenir.

C'est bien plus qu'une invitation.
Faites passer le message.

Merci.

(Applaudissements)