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Pourquoi c'est difficile de prononcer ce petit mot raciste qui commence par N.

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    Le minute où elle l'a prononcé,
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    la température dans
    ma salle de classe a chuté.
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    D'habitude mes élèves sont
    totalement concentrés sur moi,
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    mais ils se sont enfoncés dans
    leur siège et ont détourné le regard
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    Je suis une femme noire
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    qui enseigne les histoires de race
    et de l'esclavage aux États-Unis.
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    Je suis consciente que
    mon identité sociale est toujours exposée.
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    Et mes élèves sont vulnérables aussi,
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    donc je suis prudente.
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    J’essaie d'anticiper quelle partie
    de mes cours peut mal tourner.
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    Mais, honnêtement,
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    je n'avais pas vu celle-ci arriver.
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    Aucune de mes années d'études supérieures
    ne m'avaient préparée à quoi faire
  • 0:41 - 0:44
    quand le « mot N »
    s'inviterait dans ma classe.
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    C'était ma première année
    d'enseignement
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    quand cet élève l'a prononcé
    dans ma classe.
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    Elle ne visait personne.
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    Elle était fringante, toute pimpante.
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    Elle est arrivée en classe
    avec ses devoirs faits,
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    elle s'est assise au premier rang
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    et elle était toujours de mon côté.
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    Quand elle l'a prononcé,
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    elle faisait effectivement
    une remarque sur mon cours,
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    en citant une phrase d'un film
    des années 1970, une comédie,
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    qui contenait deux insultes racistes.
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    L'une pour les descendants des Chinois
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    et l'autre, ce mot raciste.
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    Dès qu'elle l'a dit, j'ai levé mes mains
    en disant « Holà, holà ».
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    Mais elle m'a rassurée,
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    « C'est une blague de 'Blazing Saddles'. »
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    et puis elle l'a répété.
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    Tout ça s'est passé il y a dix ans,
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    et ma manière de le gérer
    m'a hantée pendant longtemps.
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    Ce n'était pas la première fois
    que je pensais à ce mot-là
  • 1:39 - 1:40
    dans un milieu universitaire.
  • 1:40 - 1:43
    Je suis professeure
    d'histoire des États-Unis,
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    ce mot est présent dans
    beaucoup de documents que j'utilise.
  • 1:46 - 1:47
    Donc j'ai dû faire un choix.
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    Après avoir consulté
    quelqu'un de confiance,
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    j'ai décidé de ne jamais le dire.
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    Même pas de le citer.
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    Mais plutôt d'utiliser l'euphémisme :
    le « mot N ».
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    Même cette décision a été compliquée.
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    Je n'étais pas encore titulaire,
  • 2:04 - 2:07
    et je m'inquiétais que
    mes collègues plus âgés
  • 2:07 - 2:10
    pensent qu'en utilisant cette expression
    je n'étais pas une chercheuse sérieuse.
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    Mais prononcer le mot lui-même
    me semblait encore pire.
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    L'incident dans ma salle de classe m'a
    forcé à reconnaître publiquement ce mot.
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    L'histoire, la violence.
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    mais aussi...
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    L'histoire, la violence, mais aussi
    chaque fois qu'on me l'a adressé,
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    qu'on l'a dit devant moi,
  • 2:32 - 2:35
    chaque fois qu'il est resté
    au bout de la langue de quelqu'un,
  • 2:35 - 2:38
    tout ça m'est venu comme
    une avalanche dans ce moment-là,
  • 2:38 - 2:40
    juste devant mes élèves.
  • 2:40 - 2:42
    Et je n'avais aucune idée de quoi faire.
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    Donc j'ai décidé d'appeler des histoires
    comme la mienne « points de rencontre ».
  • 2:50 - 2:55
    Un point de rencontre décrit le moment
    où vous vous trouvez face à face
  • 2:55 - 2:56
    avec le mot qui commence par N.
  • 2:56 - 3:00
    Si vous êtes déjà resté
    bloqué ou provoqué par ce mot,
  • 3:00 - 3:03
    le fruit d'une interaction
    sociale embarrassante,
  • 3:03 - 3:05
    d'une conversation
    universitaire désagréable,
  • 3:05 - 3:08
    ou quelque chose que vous avez entendu
    dans la culture pop,
  • 3:08 - 3:11
    ou si on l'a utilisé pour vous insulter,
  • 3:11 - 3:13
    ou si vous avez vu quelqu'un
    être insulté avec ce mot,
  • 3:13 - 3:16
    vous avez vécu un point de rencontre.
  • 3:16 - 3:19
    Et selon qui vous êtes
    et comment ce moment se passe,
  • 3:19 - 3:22
    vous pourriez avoir une gamme de réponses.
  • 3:22 - 3:24
    Ça pourrait vous déconcerter un peu,
  • 3:24 - 3:27
    ou ça pourrait être terriblement
    douloureux et humiliant.
  • 3:28 - 3:32
    J'ai eu plein de de points
    de rencontre dans ma vie,
  • 3:32 - 3:34
    mais une chose est vraie.
  • 3:34 - 3:37
    Il n'y a pas beaucoup d'espace
    pour en parler.
  • 3:40 - 3:44
    Ce jour-là, dans ma classe, a été comme
    toutes ces autre fois où
  • 3:44 - 3:47
    j'ai eu une rencontre non sollicitée
    avec ce mot tabou.
  • 3:47 - 3:48
    Je me suis figée.
  • 3:49 - 3:51
    Parce qu'il est difficile
    d'en parler.
  • 3:53 - 3:57
    Une partie de la raison pour laquelle
    il est si difficile d'en parler,
  • 3:57 - 3:59
    c'est qu'on en parle
    d’habitude que d'une façon,
  • 3:59 - 4:02
    comme une figure de style,
    on l'entend tout le temps, non ?
  • 4:02 - 4:04
    Ce n'est qu'un mot.
  • 4:04 - 4:07
    La question brûlante qui circule
    sur les réseaux sociaux
  • 4:07 - 4:09
    c'est qui peut le dire
    et qui ne le peut pas.
  • 4:11 - 4:14
    L'intellectuel noir Ta-Nehisi Coates fait
    un travail sans précédent
  • 4:14 - 4:17
    de défense de l'utilisation de ce mot
    pour les Afro-Américains.
  • 4:17 - 4:19
    D'un autre côté, Wendy Kaminer,
  • 4:19 - 4:22
    une partisane blanche
    de la liberté d'expression,
  • 4:22 - 4:24
    soutient que si nous ne le disons
    une fois pour toutes,
  • 4:24 - 4:26
    nous donnons du pouvoir au mot.
  • 4:26 - 4:28
    Et beaucoup de personnes
    pensent ainsi.
  • 4:29 - 4:31
    Le Pew Center a récemment
    rejoint le débat.
  • 4:32 - 4:37
    Dans une enquête intitulée
    « Race in America 2019 »,
  • 4:37 - 4:40
    des chercheurs ont demandé à des adultes
    américains s'ils pensaient que c'était OK
  • 4:40 - 4:43
    pour un Blanc de dire le mot N.
  • 4:43 - 4:47
    70 % des adultes
    ont répondu « jamais ».
  • 4:48 - 4:50
    Et ces débats sont importants.
  • 4:51 - 4:53
    Mais en fait
    ils obscurcissent autre chose.
  • 4:53 - 4:57
    Ils nous empêchent d'entrer
    dans la vraie conversation.
  • 4:58 - 5:00
    C'est-à-dire que ce terme
    n'est pas qu'un simple mot.
  • 5:01 - 5:06
    Il n'est pas soigneusement
    contenu dans un passé raciste,
  • 5:06 - 5:08
    une relique d'esclavage.
  • 5:09 - 5:16
    Fondamentalement,
    c'est une idée déguisée en mot :
  • 5:16 - 5:19
    que les Noirs sont intellectuellement,
  • 5:19 - 5:20
    biologiquement
  • 5:20 - 5:24
    et immuablement inférieurs aux Blancs.
  • 5:25 - 5:29
    Et -- et je pense que cette partie est
    la plus importante --
  • 5:29 - 5:32
    que cette infériorité signifie
    que l'injustice dont nous souffrons
  • 5:32 - 5:34
    et l'inégalité que nous endurons
  • 5:34 - 5:36
    est essentiellement de notre faute.
  • 5:39 - 5:43
    Donc, oui, c'est ainsi...
  • 5:49 - 5:52
    Parler de ce mot comme
    rien de plus qu'un déversement raciste
  • 5:52 - 5:56
    ou comme une obscénité dans le hip hop
  • 5:56 - 5:59
    donne l'impression que c'est une maladie
  • 5:59 - 6:01
    située dans les cordes vocales
  • 6:01 - 6:03
    qu'on peut tout simplement couper.
  • 6:03 - 6:06
    Ce n'est pas le cas, et on ne peut pas
    le couper au montage.
  • 6:07 - 6:09
    Et j'ai appris cela
    en parlant avec mes élèves.
  • 6:10 - 6:13
    Alors la fois suivante
    où la classe s'est réunie,
  • 6:13 - 6:14
    je me suis excusée,
  • 6:14 - 6:17
    et j'ai fait une annonce.
  • 6:17 - 6:19
    J'aurais une nouvelle règle.
  • 6:20 - 6:23
    Les élèves verraient le mot
    dans mes PowerPoints,
  • 6:23 - 6:27
    dans des films, dans des essais
    qu'ils liraient,
  • 6:27 - 6:32
    mais nous ne dirions jamais le mot
    à haute voix en classe.
  • 6:33 - 6:35
    Personne ne l'a jamais répété.
  • 6:35 - 6:37
    Mais ils n'ont pas
    beaucoup appris non plus.
  • 6:38 - 6:40
    Après, ce qui m'a le plus dérangée,
  • 6:40 - 6:42
    c'est que je n'ai même pas
    expliqué aux élèves
  • 6:42 - 6:47
    pourquoi, de tous les mots vils
    et problématiques en anglais américain,
  • 6:47 - 6:51
    pourquoi ce mot particulier
    avait son propre tampon,
  • 6:51 - 6:54
    la phrase de substitution :
    « le mot N ».
  • 6:54 - 6:56
    La plupart de mes élèves,
  • 6:56 - 7:00
    dont beaucoup sont nés à la fin
    des années 1990 et après,
  • 7:00 - 7:03
    ne savait même pas que cette expression
  • 7:03 - 7:06
    est une invention relativement récente
    dans l'anglais américain.
  • 7:06 - 7:09
    Pendant mon enfance, ça n'existait pas.
  • 7:10 - 7:14
    Mais à la fin des années 1980,
  • 7:14 - 7:18
    des étudiants, des écrivains,
    des intellectuels noirs,
  • 7:18 - 7:23
    ont commencé à parler de plus en plus
    des attaques racistes commises contre eux.
  • 7:25 - 7:28
    Mais, de plus en plus,
    quand ils racontaient ces histoires,
  • 7:28 - 7:31
    ils n'utilisaient plus ce mot.
  • 7:32 - 7:34
    Au lieu de cela, ils l'ont réduit
    au N initial
  • 7:34 - 7:36
    et l'ont nommé :
    « le mot qui commence par N ».
  • 7:37 - 7:40
    Ils sentaient que à chaque fois que
    ce mot était prononcé
  • 7:40 - 7:43
    il rouvrait des vieilles blessures
    ce qu'ils se refusaient de faire.
  • 7:43 - 7:47
    Ils savaient que leurs interlocuteurs
    entendraient le vrai mot dans leur tête.
  • 7:47 - 7:49
    Ce n'était pas la question.
  • 7:49 - 7:53
    La question était qu'ils ne voulaient pas
    mettre le mot dans leur propre bouche
  • 7:53 - 7:54
    ou dans l'air.
  • 7:55 - 7:57
    En faisant cela,
  • 7:57 - 8:00
    ils ont fait une nation entière
    commencer à se remettre en question
  • 8:00 - 8:01
    sur l'acte de le dire.
  • 8:03 - 8:07
    Cela a été un coup tellement radical
  • 8:07 - 8:09
    que les gens en sont encore furieux.
  • 8:11 - 8:15
    Des critiques accusent ceux d'entre nous
    qui utilisent cette expression
  • 8:16 - 8:18
    ou des gens que sont outragés,
  • 8:18 - 8:20
    vous savez, juste parce que
    ce mot est dit,
  • 8:20 - 8:22
    d'être trop fondés sur des principes,
  • 8:22 - 8:24
    politiquement corrects
  • 8:24 - 8:27
    ou, comme je viens de le lire il y a
    quelques semaines dans le New York Times,
  • 8:27 - 8:29
    « insupportablement éveillé ».
  • 8:29 - 8:30
    Non ?
  • 8:30 - 8:33
    J'ai adhéré un peu à cette idée aussi,
  • 8:33 - 8:37
    et c'est pour cela que
    la fois suivante où j'ai donné cours,
  • 8:37 - 8:40
    j'ai proposé un débat
    sur la liberté d'expression.
  • 8:41 - 8:46
    Le « mot N » aux espaces universitaires,
    pour ou contre ?
  • 8:47 - 8:50
    J'étais sûre que les élèves
    seraient impatients
  • 8:50 - 8:53
    pour débattre qui peut le dire
    et qui ne le peut pas.
  • 8:54 - 8:55
    Mais je m'étais fourvoyée.
  • 8:57 - 8:58
    En fait...
  • 9:00 - 9:03
    Mes élèves ont commencé à confesser.
  • 9:05 - 9:09
    Une élève blanche du New Jersey
    a parlé de quand elle n'a pas réagi
  • 9:09 - 9:12
    quand un gamin noir de son lycée
    était harcelé avec ce mot.
  • 9:12 - 9:16
    Elle n'avait rien fait et elle se sentait
    encore coupable, des années après.
  • 9:17 - 9:19
    Un autre, du Connecticut,
  • 9:20 - 9:22
    a parlé de la douleur de rompre
  • 9:22 - 9:25
    une relation très étroite
    avec un parent,
  • 9:25 - 9:29
    parce que ce parent a refusé
    d'arrêter de dire ce mot.
  • 9:31 - 9:36
    L'une des histoires les plus mémorables
    est venue d'une étudiante noire très calme
  • 9:36 - 9:37
    de la Caroline du Sud.
  • 9:37 - 9:40
    Elle ne comprenait pas
    toutes ces discussions.
  • 9:40 - 9:43
    Elle a dit que tout le monde
    à son école disait le mot.
  • 9:44 - 9:48
    Elle ne parlait pas d'enfants qui
    s’injuriaient dans le couloir.
  • 9:49 - 9:53
    Elle a expliqué qu'à son école,
  • 9:53 - 9:55
    lorsque les enseignants
    et les administrateurs
  • 9:55 - 9:59
    étaient fâchés contre
    un étudiant afro-américain,
  • 9:59 - 10:02
    ils appelaient cet étudiant avec
    le « mot N ».
  • 10:03 - 10:06
    Elle disait que cela
    ne la dérangeait pas du tout.
  • 10:06 - 10:08
    Mais quelques jours après,
  • 10:08 - 10:12
    elle est venue me rendre visite dans mes
    heures de bureau et s'est mise à pleurer.
  • 10:14 - 10:16
    Elle avait pensé qu'elle était immunisée.
  • 10:16 - 10:18
    Elle s'est rendue compte
    qu'elle ne l'était pas.
  • 10:20 - 10:22
    Au cours des 10 dernières années,
  • 10:22 - 10:26
    j'ai entendu littéralement
    des centaines de ces histoires,
  • 10:26 - 10:29
    de toutes sortes de personnes
    de tous âges.
  • 10:29 - 10:33
    Des gens de plus de cinquante ans
    qui se souvenaient des histoires
  • 10:33 - 10:34
    de la deuxième année
  • 10:34 - 10:36
    et de quand ils avaient six ans,
  • 10:36 - 10:39
    soit d'appeler quelqu'un avec ce mot,
    soit d'être appelé ainsi,
  • 10:39 - 10:43
    mais ils ont porté cela, pendant toutes
    ces années, vous savez.
  • 10:43 - 10:48
    Et en écoutant les gens parler
    de leurs points de rencontre,
  • 10:48 - 10:50
    le schéma qui a émergé pour moi,
    en tant qu'enseignante,
  • 10:50 - 10:53
    que j'ai trouvé le plus dérangeant,
  • 10:53 - 10:55
    c'est que l'endroit le plus difficile
  • 10:55 - 10:57
    pour ces points de rencontre
  • 10:57 - 10:59
    est la salle de classe.
  • 11:00 - 11:05
    La plupart des enfants américains
    vont rencontrer le « mot N » en classe.
  • 11:06 - 11:10
    L'un des livres les plus proposés
    aux élèves aux lycées américains
  • 11:10 - 11:13
    est « Les Aventures de Huckleberry Finn »,
    de Mark Twain,
  • 11:13 - 11:16
    dans lequel le mot apparaît
    plus de 200 fois.
  • 11:16 - 11:19
    Est cela n'est pas une mise en examen
    de « Huck Finn ».
  • 11:19 - 11:23
    Le mot est partout dans
    la littérature et l'histoire américaines.
  • 11:23 - 11:26
    Il est partout dans la littérature
    afro-américaine.
  • 11:26 - 11:29
    Pourtant, les étudiants me disent
  • 11:29 - 11:33
    que lorsque ce mot est prononcé en classe
  • 11:33 - 11:36
    sans débat ou sans contexte,
  • 11:36 - 11:40
    il empoisonne tout
    l'environnement de classe.
  • 11:41 - 11:45
    La confiance entre élève
    et professeur est cassée.
  • 11:47 - 11:50
    Malgré cela, beaucoup de professeurs,
  • 11:51 - 11:53
    souvent avec les
    meilleures intentions du monde,
  • 11:53 - 11:55
    prononcent toujours
    le « mot N » en classe.
  • 11:57 - 12:02
    Ils veulent montrer et mettre l'accent sur
    les horreurs du racisme aux États-Unis,
  • 12:02 - 12:05
    ils comptent donc sur lui pour choquer.
  • 12:06 - 12:09
    L'invoquer, c'est mettre
    nettement en relief
  • 12:09 - 12:12
    la laideur du passé de notre nation.
  • 12:12 - 12:14
    Mais ils oublient
  • 12:14 - 12:18
    que les idées sont bien vivantes
    dans notre tissu culturel.
  • 12:25 - 12:31
    Ce mot de cinq lettres est comme
    une capsule de douleur accumulée.
  • 12:33 - 12:35
    Chaque fois qu'il est prononcé,
    chaque fois,
  • 12:35 - 12:39
    il libère dans l'atmosphère
    la notion odieuse
  • 12:39 - 12:42
    que les Noirs sont moindre.
  • 12:44 - 12:45
    Mes élèves noirs me disent
  • 12:45 - 12:48
    que lorsque le mot est cité
    ou prononcé en classe,
  • 12:48 - 12:52
    ils ont l'impression qu'un spot géant
    se tourne vers eux.
  • 12:53 - 12:54
    Un de mes élèves m'a dit
  • 12:54 - 12:57
    que ses collègues de classe
    étaient devenus comme des figurines,
  • 12:57 - 12:59
    se retournant pour évaluer sa réaction.
  • 13:01 - 13:04
    Un étudiant blanc m'a dit
    qu'en troisième année,
  • 13:04 - 13:08
    quand ils étaient en train d'apprendre
    « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur »
  • 13:09 - 13:11
    et le lisaient à haute voix en classe,
  • 13:11 - 13:13
    cet étudiant était si stressé
  • 13:13 - 13:16
    par l'idée de devoir lire le mot,
  • 13:16 - 13:19
    ce que le professeur exigeait des élèves,
  • 13:19 - 13:23
    qu'il a passé la majeure partie du cours
  • 13:23 - 13:25
    caché aux toilettes.
  • 13:26 - 13:27
    C'est sérieux.
  • 13:27 - 13:30
    Les étudiants partout dans le pays
  • 13:30 - 13:33
    parlent de changer de licence
    et d'abandonner les cours
  • 13:33 - 13:36
    en raison d'un enseignement médiocre
    autour du « mot N ».
  • 13:36 - 13:40
    La question de son utilisation négligente
    chez les enseignants
  • 13:40 - 13:43
    a atteint un tel niveau de paroxysme
  • 13:43 - 13:47
    qu'il a conduit à des manifestations
    à Princeton, Emory,
  • 13:47 - 13:48
    The New School,
  • 13:48 - 13:51
    Smith College, où je travaille,
  • 13:51 - 13:52
    et Williams College,
  • 13:52 - 13:58
    où tout récemment les élèves ont boycotté
    l'ensemble du département d'anglais
  • 13:58 - 14:01
    à cause de cela et d'autres problèmes.
  • 14:02 - 14:04
    Et il s'agit uniquement de cas
    qui font l'actualité.
  • 14:05 - 14:07
    C'est une crise.
  • 14:07 - 14:09
    Et bien que la réaction des étudiants
  • 14:09 - 14:12
    ressemble à une attaque
    contre la liberté d'expression,
  • 14:12 - 14:15
    je promets que c'est
    une question d'enseignement.
  • 14:16 - 14:21
    Mes élèves n'ont pas peur des documents
    qui contiennent le « mot N ».
  • 14:21 - 14:23
    Ils veulent apprendre sur James Baldwin
  • 14:24 - 14:25
    et William Faulkner
  • 14:25 - 14:27
    et sur le mouvement des droits civiques.
  • 14:29 - 14:33
    En fait, leurs histoires montrent
  • 14:33 - 14:38
    que ce mot est une caractéristique
    centrale de leur vie comme des jeunes
  • 14:38 - 14:39
    aux États-Unis.
  • 14:41 - 14:42
    C'est dans la musique qu'ils aiment.
  • 14:43 - 14:45
    Et dans la culture populaire
    qu'ils imitent,
  • 14:45 - 14:47
    la comédie qu'ils regardent,
  • 14:47 - 14:50
    c'est à la télévision et au cinéma
  • 14:50 - 14:52
    et commémoré dans les musées.
  • 14:53 - 14:54
    Ils l'entendent dans les vestiaires,
  • 14:55 - 14:56
    sur Instagram,
  • 14:56 - 14:58
    dans les couloirs de l'école,
  • 14:58 - 15:02
    dans les salons de discussion
    des jeux vidéo auxquels ils jouent.
  • 15:02 - 15:04
    C'est partout dans le monde
    dans le lequel ils évoluent.
  • 15:04 - 15:07
    Mais ils ne savent pas quoi en penser
  • 15:07 - 15:09
    ou même ce que signifie vraiment le mot.
  • 15:10 - 15:13
    Je ne comprenais même pas
    ce que ça voulait dire
  • 15:13 - 15:14
    avant d'avoir fait des recherches.
  • 15:15 - 15:17
    J'ai été étonnée d'apprendre
  • 15:17 - 15:21
    que les Noirs ont intégré le « mot N »
    pour la première fois dans le vocabulaire
  • 15:21 - 15:23
    comme protestation politique,
  • 15:23 - 15:26
    non pas dans aux années 1970 ou 1980,
  • 15:26 - 15:29
    mais aussi loin que les années 1770.
  • 15:30 - 15:32
    Et j'aimerais avoir
    plus de temps pour parler
  • 15:32 - 15:36
    de la longue et subversive histoire de
    l'utilisation du « mot N » chez les Noirs.
  • 15:37 - 15:39
    Mais je dirais ceci :
  • 15:39 - 15:42
    Plusieurs fois,
    mes élèves viennent me dire :
  • 15:42 - 15:45
    « Je comprends les racines virulentes
    de ce mot, c'est l'esclavage ».
  • 15:47 - 15:49
    Ils n'ont que partiellement raison.
  • 15:50 - 15:54
    Ce mot, qui existait avant
    de devenir une insulte,
  • 15:54 - 16:00
    mais qui devient une insulte à un moment
    très précis de l'histoire américaine,
  • 16:00 - 16:05
    quand un grand nombre de Noirs ont
    commencé à obtenir leur liberté,
  • 16:05 - 16:08
    dans le Nord du pays dans les années 1820.
  • 16:08 - 16:10
    Autrement dit,
  • 16:10 - 16:15
    ce mot est surtout
    une attaque à la liberté,
  • 16:15 - 16:17
    la mobilité
  • 16:17 - 16:19
    et l'aspiration des Noirs.
  • 16:20 - 16:21
    Aujourd'hui encore
  • 16:21 - 16:25
    rien ne déclenche aussi rapidement
    une tirade de « mot N »
  • 16:25 - 16:28
    qu'une personne noire
    qui fait valoir ses droits,
  • 16:28 - 16:31
    ou qui va où bon lui semble,
    ou qui prospère.
  • 16:31 - 16:35
    Pensez aux attaques subies par
    Colin Kaepernick quand il s'est agenouillé
  • 16:35 - 16:38
    ou à Barack Obama quand il est
    devenu président.
  • 16:39 - 16:42
    Mes élèves veulent connaître
    cette histoire.
  • 16:43 - 16:47
    Mais quand ils posent des questions,
    on les fait taire et on les humilie.
  • 16:48 - 16:51
    En évitant de parler du « mot N »,
  • 16:52 - 16:56
    nous avons fait de ce mot
    le tabou ultime,
  • 16:56 - 16:59
    nous l'avons transformé
    en quelque chose de si captivant,
  • 16:59 - 17:01
    que pour tous les enfants américains,
  • 17:01 - 17:05
    quel que soit leur origine raciale,
  • 17:05 - 17:07
    une partie de leur passage
    à l'âge adulte consiste à comprendre
  • 17:07 - 17:09
    comment se négocie ce mot.
  • 17:09 - 17:13
    Nous traitons les conversations à ce sujet
    comme le sexe avant l'éducation sexuelle.
  • 17:13 - 17:16
    Nous sommes prudes,
    nous les faisons taire.
  • 17:16 - 17:20
    Alors ils en apprennent par des amis
    mal informés et par des chuchotements.
  • 17:22 - 17:24
    J'aimerais pouvoir
    retourner en classe ce jour-là
  • 17:24 - 17:26
    et dépasser ma peur
  • 17:26 - 17:30
    pour parler du fait que quelque chose
    s'est réellement passé.
  • 17:30 - 17:32
    Pas seulement pour moi
    ou pour mes étudiants noirs.
  • 17:32 - 17:34
    Mais pour nous tous.
  • 17:35 - 17:37
    Vous savez, je pense
  • 17:37 - 17:41
    que nous sommes tous liés par notre
    incapacité à parler de ce mot.
  • 17:42 - 17:45
    Mais, et si nous explorions
    nos points de rencontre
  • 17:45 - 17:47
    et commencions à en parler ?
  • 17:49 - 17:52
    Aujourd'hui, j'essaie de créer
    les conditions dans ma classe
  • 17:52 - 17:55
    pour avoir des conversations
    ouvertes et honnêtes à ce sujet.
  • 17:55 - 17:58
    Une de ces conditions -
    ne pas dire le mot.
  • 17:59 - 18:00
    Nous pouvons en parler
  • 18:00 - 18:02
    parce qu'il ne vient pas en classe.
  • 18:03 - 18:04
    Une autre condition importante,
  • 18:04 - 18:07
    c'est que je ne confie pas
    à mes étudiants noirs la responsabilité
  • 18:07 - 18:10
    d'enseigner cela à leurs
    camarades de classe.
  • 18:10 - 18:11
    C'est mon boulot.
  • 18:11 - 18:13
    J'arrive donc préparée.
  • 18:13 - 18:17
    Je tiens la conversation en bride courte
  • 18:17 - 18:20
    et je suis armée
    d'une connaissance de l'Histoire.
  • 18:20 - 18:24
    Je pose toujours
    la même question aux élèves :
  • 18:24 - 18:28
    pourquoi est-il difficile
    de parler du « mot N » ?
  • 18:28 - 18:31
    Leurs réponses sont incroyables.
  • 18:31 - 18:33
    Ils sont incroyables.
  • 18:34 - 18:36
    Mais plus que tout,
  • 18:36 - 18:40
    je me suis profondément familiarisée
    avec mes propres points de rencontre,
  • 18:42 - 18:44
    mon histoire personnelle autour de ce mot.
  • 18:45 - 18:48
    Parce que lorsque le « mot N »
    arrive à l'école,
  • 18:48 - 18:51
    ou n'importe où, d'ailleurs,
  • 18:51 - 18:56
    il apporte avec lui toute l'histoire
    compliquée du racisme américain.
  • 18:57 - 18:59
    L'Histoire de la nation
  • 18:59 - 19:00
    et la mienne,
  • 19:00 - 19:03
    ici, maintenant.
  • 19:04 - 19:05
    C'est impossible de l'éviter.
  • 19:06 - 19:08
    (Applaudissements)
Title:
Pourquoi c'est difficile de prononcer ce petit mot raciste qui commence par N.
Speaker:
Elizabeth Stordeur Pryor
Description:

La professeure Elizabeth Stordeur Pryor mène un examen réfléchi et historique de l'un des mots les plus clivants de la langue anglaise : le « mot N ». S'appuyant sur son expérience personnelle, elle explique comment la réflexion sur nos points de rencontre avec ce mot peut aider à encourager des discussions productives et, finalement, à créer un cadre qui remodèle l'éducation autour de l'histoire compliquée du racisme aux États-Unis.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
19:21

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