Pourquoi devriez-vous lire « Les Enfants de minuit » ? - Iseult Gillespie

Regardez la leçon complète ici : https://ed.ted.com/lessons/why-should-you-read-midnight-s-children-isuelt-gillespie

Tout commence par un compte à rebours. Une femme commence à accoucher peu avant minuit. Partout en Inde on attend la déclaration d’indépendance après près de 200 ans de domination britannique. Aux douze coups de minuit, un enfant et deux nouveaux pays naissent en synchronie parfaite. Ces événements sont aux origines des « Enfants de minuit ». Iseult Gillespie présente le saisissant roman de Salman Rushdie.

Leçon d'Iseult Gillespie, réalisée par Tomás Pichardo-Espaillat.

Tout commence par un compte à rebours.

Le 14 août 1947,

à Bombay, une femme commence
à avoir des contractions peu avant minuit.

Partout en Inde, les gens retiennent
leur souffle

dans l’attente
de la déclaration d'indépendance

après près de deux siècles d'occupation
et domination anglaises.

Aux douze coups de minuit,

un bébé en pleurs et deux nouveaux pays
naissent en parfaite synchronie.

Ce sont les événements à l'origine
de « Les Enfants de minuit »,

un saisissant roman de l'auteur
britannique d'origine indienne

Salman Rushdie.

Le bébé, qui a exactement le même âge
que son pays, est Saleem Sinai,

le protagoniste du roman.

Le récit se déroule
sur 30 années de sa vie,

en faisant des sauts
en arrière et en avant dans le temps

pour interroger des secrets de famille
et des mystères profondément ancrés.

Y compris la plus grande
de toutes les énigmes :

Saleem a des pouvoirs magiques,

qui sont en quelque sorte liés
au moment de sa naissance.

Et il n'est pas le seul.

Tous les enfants nés pendant et autour
des douze coups de minuit

sont dotés de pouvoirs extraordinaires :

comme Parvati la Sorcière,
une magicienne spectaculaire,

et Shiva, l'ennemi juré de Saleem,
un guerrier doué.

Grâce à ses pouvoirs de télépathie,

Saleem crée des connexions avec
un grand réseau d'enfants de minuit,

dont un personnage qui sait
traverser le temps et les miroirs,

un enfant qui change de genre
en s'immergeant dans l'eau,

et des frères siamois polyglottes.

Saleem se comporte comme un charmant guide

nous menant au travers des événements
magiques et du contexte historique.

Bien que le jour de sa naissance
soit un jour de fête,

il marque aussi le début d'une période
tumultueuse de l'histoire indienne.

En 1948, le leader du mouvement
d'indépendance indien,

Mahatma Gandhi, est assassiné.

L’indépendance coïncide également
avec la Partition,

qui a divisé les Indes contrôlées
par les Britanniques

en deux États : l'Inde et le Pakistan.

Cela a été une des causes de l'explosion

des guerres indo-pakistanaises
de 1965 et 1971.

Saleem est témoin de tout cela
et d'autres événements

tels que la fondation
du Bangladesh en 1971

et l'instauration de l’état
d'urgence par Indira Gandhi.

Ce vaste cadre historique
est une des raisons

pour lesquelles « Les Enfants de minuit »
est considéré

comme une des plus brillantes œuvres de la
littérature postcoloniale jamais écrites.

Le but de ce genre est de reporter
l'expérience des personnes

vivant dans des pays colonisés
ou qui l'ont été,

et en étudie les répercussions à travers
des thèmes comme la révolution,

les migrations et l'identité.

Rushdie, qui comme Saleem est né en 1947,
a grandi en Inde et en Grande-Bretagne

et il est connu pour ses histoires,
ses réflexions politiques

et son réalisme magique transcontinentaux.

Il enrichit « Les Enfants de minuit »
avec une variété de références culturelles

indiennes et pakistanaises, des
traditions familiales à la nourriture,

la religion et les contes populaires.

Gribouillée la nuit sous les yeux
attentifs de son amante Padma,

le cadre narratif de Saleem rappelle
celui des « Mille et Une Nuits »,

où une femme appelée Schéhérazade
raconte à son roi une série d'histoires

pour pouvoir rester en vie.

Et selon Saleem,

1001 est « le chiffre de la nuit,
de la magie, des réalités alternatives ».

Le long du roman,

Rushdie nous éblouit avec
des multiples versions de la réalité.

Parfois, c'est comme des montagnes russes.

Saleem raconte :

« Qui, que suis-je ? Ma réponse :

Je suis tous ceux et tout ce dont
l’être au monde a été touché par le mien.

Je suis tout ce qui se passe
après que je m'en vais

qui ne se serait pas passé
si je n'étais pas venu.

Dans cela je ne suis pas
particulièrement exceptionnel ;

chaque « moi », chacun des plus de six
cents millions que nous sommes maintenant,

contient une pareille multitude.

Je le répète pour la dernière fois :

pour me comprendre,
vous devrez comprendre tout un monde. »

Le récit de Saleem nous laisse
souvent le souffle coupé.

Et même si Rushdie décrit les
conséquences cosmologiques d'une vie,

il remet en cause l'idée qu'on puisse

condenser l'histoire
dans une seule histoire.

Son incroyable intrigue
et ses personnages changeants

ont continument suscité
fascination et louanges.

« Les Enfants de minuit » a non seulement
gagné le prestigieux Prix Booker

l'année de sa publication,

mais en 2008, lors d'un concours qui
mettait en compétition les 39 gagnants,

il a été désigné comme étant le meilleur.

Dans ce chef-d’œuvre
aux dimensions épiques,

Rushdie révèle qu'il n'existe pas
de vérités uniques;

il vaux mieux plutôt croire à plusieurs
versions simultanées de la réalité,

garder plusieurs vies sur
les paumes de nos mains

et vivre plusieurs moments
pendant un seul coup d’horloge.