À la recherche de moments d’illumination

En 1988, Matt Goldman co-fonde Blue Man Group, une production off-Broadway qui devient un véritable succès, reconnu pour son humour, sa peinture corporelle bleue et ses cascades folles. Le spectacle part du principe que certaines conditions peuvent créer des moments d’illumination : des moments de surprise, d’apprentissage et d’exubérance, plutôt fréquents et intentionnels plutôt que aléatoires et occasionnels. Aujourd'hui, il travaille à appliquer les leçons apprises de Blue Man Group à l’éducation en créant Blue School, une école qui concilie la maîtrise académique, la pensée créative et l'intelligence sociale et personnelle. « Nous devons cultiver des conditions sûres et propices à l'émergence d'idées nouvelles et novatrices qui nous permettront d'évoluer et de prospérer, » affirme Matt Goldman.

Nous sommes en 1969, à New York,

durant le cours de musique
à l’école primaire.

Notre professeur nous emmène
dans une salle

avec seulement un piano et des chaises.

Il nous appelle au piano un par un,

il joue un do et nous demande
de chanter la note.

(Chant)

Il nous dirigeait
sur la droite de la salle,

ou sur la gauche.

(Rires)

Et quand les 35 enfants étaient passés,

le côté gauche de la salle,
dont je faisais partie,

devait se lever et repartir
vers la salle de classe.

(Rires)

Et aucun de nous n’a eu droit
à un cours de musique

de toutes nos années d’école primaire.

Il y avait le club des participants,

et le club des exclus.

Et je ne savais même pas quel était
le test d’admission.

Quelques années plus tard,
nous voici en cours d’anglais...

(Rires)

premier devoir du nouveau semestre,

et je reçois ma note,

j’ai eu 13/20,

avec comme commentaire
« Aussi bien que possible. »

(Rires)

Maintenant, franchement,
un 13/20, ça ne me dérangeait pas.

J’étais juste content que
ce ne soit pas un 11/20 ou un 10.

Mais « Aussi bien que possible. »
ne me paraissait pas juste.

Il avait l’air d'être restrictif.

Bon, combien de personnes ici
ont eu une expérience semblable,

que ce soit à l’école ou au travail ?

Nous ne sommes pas seuls.

Je pense qu’il y a
de l’ironie dans le fait

que ma vie me mènera à faire carrière

en écrivant et en faisant de la musique
pour Blue Man Group

(Rires)

et en créant une école.

(Rires)

Mais pour moi, l’école,
c’était de la torture.

J’étais quelqu'un qui n’avait pas de
propension naturelle à étudier,

et mes professeurs n’ont jamais
eu l’air de me comprendre,

je ne savais pas comment
fonctionner à l’école

et les écoles ne savaient pas
quoi faire de moi.

J’ai commencé à me
poser une question, même à l’époque,

si ces environnements
ne savent pas quoi faire

des gens qui ne rentrent pas
dans le moule standard,

alors pourquoi ne les changerions-nous pas

en misant sur les forces de chacun ?

J’ai commencé à croire

que nous avons besoin de cultiver
des conditions saines et inspirantes

pour des idées nouvelles et innovantes
afin d'évoluer et se développer.

Nous savons que les humains
sont innovateurs par nature,

puisque si nous ne l’étions pas,

nous utiliserions les pointes de flèches
de nos ancêtres d’il y a 10 000 ans.

À ce moment-là, je me suis
posé une question,

existe-t-il des moyens
pour faciliter l’innovation

pour que ces moments se produisent
plus souvent ?

Ces rares moments qui ont l’air
d'arriver un peu au hasard :

comment les faire apparaître
intentionnellement et plus souvent ?

Lorsque nous avons créé
Blue Man Group en 1988,

nous n’avions jamais fait
de prestation Off-Broadway.

En fait, nous n’avions presque
jamais fait de théâtre.

Nous connaissions ce par quoi
nous étions passionnés,

il s’agissait de nombreuses choses que
nous n’avions jamais vues sur scène,

des choses comme l’art, la pop culture,
la technologie, la sociologie,

l’anthropologie, les percussions,
les comédies et la recherche du bonheur.

Nous avons mis en place une règle :

rien ne sera mis en scène
si nous l’avions déjà vu.

Nous voulions être une source
de créativité et d’interactivité

pour nous et nos publics ;

nous voulions contribuer
au mieux-être social,

et nous voulions nous amuser
tout en le faisant.

Et au bureau,

nous voulions créer un environnement
où les gens se traitent

un peu mieux les uns les autres,

avec un peu plus de respect
et de considération

que dans le monde extérieur.

Et nous avons continué à répéter,
à collaborer et à trouver des solutions

pour créer des choses
jamais vues auparavant.

Avec le temps, j’ai pu identifier
les conditions optimales

pour ces types d’environnements
créatifs et innovants.

On parle d’intention claire, d'objectif
et de passion :

cela agit sur quelque chose
de beaucoup plus grand que nous.

L’intégrité personnelle :

c’est faire ce que l’on dit
qu’on va faire.

C’est être nous-mêmes,
dans tout échange avec autrui.

Une communication directe,
des attentes précises,

même lorsque le sujet s’avère difficile.

Le courage, la persévérance :

répéter, répéter, répéter.

Mettre en place de la coopération
dans les équipes.

Inculquer une grande confiance
et un respect mutuel.

Tout le monde contribue dans l’équipe.

Personne n’est exclu.

Nous réussissons en tant qu’équipe,
nous échouons en équipe,

et les décisions sont des décisions
jusqu’à ce qu’elles n’en soient plus.

Considérer plusieurs perspectives.

Cela signifie que chaque voix compte,
chaque émotion compte.

Les désaccords doivent être
discutés en face.

Les gens doivent se sentir
regardés et écoutés.

Prendre des risques et
accueillir les erreurs.

S’engager à être
une organisation en apprentissage,

essayant toujours de s’élever

dans l’innovation et l’apprentissage.

Et parler d'une seule voix.

C’est peut-être la colle qui fait tenir
toutes ces conditions ensemble.

Le concept, c’est de parler
exactement de la même manière

à propos de quelqu’un
qui n’est pas présent

que si cette personne était là.

Ça a l’air élémentaire,
mais c’est un exercice ambitieux

qui aide à faire face à des situations
difficiles plus respectueusement.

Mettre en place cette pratique peut
permettre d'élever le niveau,

en termes de respect mutuel, de confiance,

en diminuant les ragots et les problèmes
au bureau et en classe,

et ainsi le bruit qui s’immisce dans
le processus d’innovation.

L’itération fut essentielle pour le
processus d’innovation à Blue Man Group.

Nous écrivions une pièce

où nous voulions illustrer
le cycle de consommation et de déchets

dans une manière drôle, créative et
surprenante pour le public.

Si vous vous êtes demandé comment
réaliser une telle chose,

je peux tout de suite vous faire
gagner beaucoup de temps.

Je peux d’ores et déjà vous dire

qu’un mélange à base de flocons d'avoine,
de gelée, de « Cream of Wheat »,

de pâte à modeler, de pudding, de tapioca,
de « Silly Putty » et de tomate

ne passe pas à travers un tube enroulé
dans votre costume

et est censée sortir d’un
orifice dans la poitrine

et gicler en direction du public.

Cela n’arrivera pas.

(Rires)

Après des mois d'itération, nous sommes
tombés par hasard sur des bananes.

(Rires)

Qui aurait su que les bananes ont
exactement ce que nous recherchions

à propos du fait de rester solides
mêmes poussées dans un tube

par de l'air comprimé, tout en restant
glissantes pour obtenir

l’effet suintant

(Rires)

que nous recherchions.

Cette pièce est devenue un classique
du Blue Man Show.

Mais nous n’avons pas rejeté
toutes les règles du théâtre.

Nous avions des décors,
nous avions des éclairages.

Nous avions un régisseur
qui s’occupait du spectacle.

Mais je suis presque sûr que
nous étions l’un des premiers spectacles

qui établissait un lien de respect
avec notre public,

en les tenant la tête en bas,

(Rires)

en les trempant dans la peinture,

en les plaquant sur une toile,

(Rires)

en mettant leurs têtes dans 30 kg de gelée,

et en faisant d'eux des héros du spectacle.

(Rires)

En plus de ça, nous n’avons pas réinventé
ce qui n’avait pas besoin de l’être.

(Rires)

Des années plus tard, nous avons pris tous
ces acquis et nous avons créé une école,

une école pour nos enfants,
où nous aurions souhaité aller nous-mêmes,

une école où ce qu’il se passait
dans le couloir entre les cours

était tout aussi important

que ce qu’il se passait en classe,

une école où l’on va
à des cours de musique

même lorsque l’on ne
sait pas chanter un do.

À Blue School, les professeurs,
les parents et les élèves

se trouvent égaux autour de la table,

dans le but de créer un espace sécurisé

où les élèves développent une passion
joyeuse pour le savoir toute leur vie.

A nouveau, nous n’avons pas
essayé de réinventer la roue.

Nous ne nous éloignons pas
des méthodes plus traditionnelles

comme l’instruction directe, quand
c’est la meilleure manière qui existe.

Mais nous équilibrons cela
avec un apprentissage intégré

avec une approche de tous les sujets,

et l’équilibre est la clé.

En fait, Blue School a été créée

sur un équilibre entre la maîtrise
académique, la pensée créative,

et l’intelligence sociale et personnelle.

Je réalise que cela peut paraître
comme étant simple bon sens,

mais dans certains groupes, c’est radical.

(Rires)

Et ces qualités ont attiré beaucoup
d’attention sur Blue School

la montrant comme une école
vraiment innovante.

Il y a presque dix ans,

nous avons annoncé
l’agrandissement au collège.

Notre faculté a demandé
à nos élèves de sixième

de participer au développement
des valeurs du collège.

Le processus a commencé par une question :

que doit faire la communauté afin que vous
soyez heureux et productifs à l’école ?

Les élèves se sont retrouvés
dans un processus de 6 semaines

avec du travail individuel, de groupe,
du perfectionnisme et du consensus,

et la liste qu'ils ont établie
est vraiment extraordinaire.

Être présent et s’engager
auprès des autres.

Respecter et soutenir les besoins
des autres pour apprendre.

Être ouvert à notre diversité.

La façon dont on regarde,
dont on pense, dont on agit.

Cultiver notre connaissance de soi
et notre connaissance des autres.

Accepter les choses et prendre
du temps pour s'amuser et être heureux.

Nous donner des défis,

s'exercer à être bien,

faire des erreurs,

et nous soutenir les uns les autres
pour surmonter ces défis.

Souvenez-vous, ces enfants avaient 11 ans
lorsqu’ils ont sorti ça.

Ils ont mis en place ce qui nous a pris
20 ans à identifier.

Un des remarquables dérivés qui découle de
la création de ces communautés dynamiques,

c’est que l’on attire des personnes
qui veulent privilégier ces valeurs.

Ils les font passe avant les valeurs comme
l’argent, le prestige et la tradition.

Nous pouvons tous cheminer ensemble,

vous avec vos propres valeurs,
dans vos propres entreprises,

dans vos communautés et vos familles.

Pour nous, pour moi, tout ce qui compte,

c’était de mettre les voix
des enfants en avant

pour leur donner les outils afin de bâtir
un monde harmonieux et durable.

Je vous invite à rejoindre tous ensemble

ce voyage enthousiasmant, merveilleux,
et passionnant.

Et ensemble, « aussi bien que possible »

n’a aucune limite, lorsque l'on pense

qu’en remodelant nos environnements,

nous pouvons changer le monde.

Merci.

(Applaudissements)