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20 % d'espace pour enrichir la parole | Kenichi Matsumoto | TEDxKobe

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    Vous êtes prêts ? Allons-y !
  • 0:22 - 0:23
    Commençons par de la gym intellectuelle.
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    Ne vous posez pas de question.
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    Une salade de pommes de terre, et...
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    Et... elle coute 250 yens.
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    Voyez-vous, c'est mon partenaire
    en affaires,
  • 0:32 - 0:35
    on tient un kaïten sushi à Iwaki,
    dans la province de Fukushima,
  • 0:35 - 0:37
    et c'est Demura-san qui en a eu l'idée.
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    C'est un kaïten sushi, donc.
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    Il y a certes un menu de garnitures.
  • 0:41 - 0:43
    Mais un de ces mets nous a posé problème.
  • 0:43 - 0:44
    Quel mets ?
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    Notre salade de patates
    n'avait pas de succès.
  • 0:47 - 0:48
    Mais il y a des œufs et de la mayo.
  • 0:48 - 0:50
    Il faut donc la vendre le jour même
  • 0:50 - 0:53
    ou au pire, le lendemain
    sans quoi on doit la jeter.
  • 0:53 - 0:56
    En ajoutant la salade de patates
    au menu sans rien de plus,
  • 0:56 - 0:58
    ça ne donne pas envie.
  • 0:58 - 1:01
    Alors, qu'a fait Demura, croyez-vous ?
  • 1:01 - 1:03
    Il a ajouté une explication
  • 1:03 - 1:07
    à la salade de pommes de terre
    pour la rendre particulière.
  • 1:07 - 1:09
    Notre chiffre d'affaires
    a explosé avec ça.
  • 1:09 - 1:12
    Et si c'était vous à la place de Demura,
  • 1:12 - 1:14
    quelle explication ajouteriez-vous
  • 1:14 - 1:17
    pour vendre ce plat dans notre menu ?
  • 1:17 - 1:20
    Imaginez deux ou trois idées !
    C'est ça, la gym intellectuelle.
  • 1:20 - 1:21
    Hmmm.
  • 1:21 - 1:24
    Vous avez dû penser à plein de choses.
  • 1:24 - 1:27
    Mais la bonne réponse qui
    a explosé notre chiffre d'affaires est :
  • 1:27 - 1:31
    « Salade préparée par la star
    de notre restaurant, Miyo - 250 yens. »
  • 1:32 - 1:34
    C'est curieux, n'est-ce pas ?
    C'est plutôt insolite
  • 1:35 - 1:38
    de pouvoir rendre une salade
    de pommes de terre appétissante
  • 1:38 - 1:41
    en y accolant une narration
    qui lui apporte un certain volume.
  • 1:41 - 1:43
    C'est l'idée d'engager les clients
  • 1:43 - 1:47
    et en fait, toutes les entreprises
    se posent la question de savoir
  • 1:47 - 1:49
    comment promouvoir
    leurs produits et leurs services.
  • 1:49 - 1:52
    J'ai de plus en plus souvent le privilège
  • 1:52 - 1:57
    de les coacher, parfois même,
    je coache des enseignants,
  • 1:57 - 2:00
    pour les aider à améliorer
    leurs compétences en communication.
  • 2:00 - 2:02
    Il y a huit ans, en 2010,
  • 2:02 - 2:05
    on a ouvert une formation
    en art de la scène rakugo
  • 2:05 - 2:07
    à Osaka, dans un théâtre appelé
    Temma Tenjin Hanjo Tei.
  • 2:08 - 2:11
    Des artistes professionnels du rakugo
  • 2:11 - 2:14
    donnaient des cours à des gens
    comme moi et je me suis inscrit.
  • 2:14 - 2:15
    J'étais mû par l'envie
  • 2:15 - 2:19
    d'améliorer mes compétences
    en communication verbale,
  • 2:19 - 2:22
    de pouvoir faire des plaisanteries
    qui toucheraient leur cible.
  • 2:22 - 2:24
    Environ six mois plus tard,
    à la fin de la formation,
  • 2:25 - 2:28
    le président de l'association de rakugo -
  • 2:28 - 2:32
    il s'agit de Bunshi Katsura,
    le sixième de la maison Katsura -
  • 2:32 - 2:36
    m'a baptisé avec mon nom de scène :
    Hachikenya Kenichi.
  • 2:36 - 2:38
    Je suis et reste un amateur
  • 2:38 - 2:43
    mais j'ai l'honneur de faire du rakugo
    dans ma région natale, Amazaki.
  • 2:43 - 2:45
    Les deux premières années,
  • 2:45 - 2:49
    ce sont mes proches et mes amis
    qui venaient m'écouter sur scène.
  • 2:49 - 2:53
    Je n'étais pas très doué
    et leur oreille était complaisante.
  • 2:54 - 2:59
    Je me souviens très bien
    du 25 février 2012.
  • 2:59 - 3:02
    J'ai reçu une invitation pour prendre part
  • 3:03 - 3:04
    à une représentation de rakugo.
  • 3:04 - 3:07
    J'étais super motivé et cette invitation
    m'a fait danser de joie.
  • 3:07 - 3:11
    J'étais déterminé à faire rire
    les gens de bon cœur.
  • 3:12 - 3:14
    J'ai choisi avec soin
    mes vêtements de scène.
  • 3:14 - 3:17
    Un kimono traditionnel noir
    avec l'emblème de ma famille.
  • 3:18 - 3:22
    Le comédien de rakugo s'assied
    sur une estrade, un dais.
  • 3:22 - 3:25
    Je me suis précipité sur l'estrade
    et je me suis assis hâtivement
  • 3:25 - 3:28
    avec un air déterminé
    à faire rire tout le monde.
  • 3:28 - 3:33
    Et là, les 30, 40 petits vieux
    et petites vieilles dans l’assistance
  • 3:33 - 3:38
    m’ont regardé le sourire aux lèvres
    comme pour m’accueillir avec chaleur.
  • 3:39 - 3:44
    Mais au bout de trois, quatre,
    cinq minutes, ça a changé.
  • 3:44 - 3:47
    Les gens dans le public
    commençaient à gesticuler,
  • 3:47 - 3:50
    certains regardaient même leur montre.
  • 3:50 - 3:52
    Au bout de 10 minutes,
    à la moitié de mon histoire,
  • 3:53 - 3:56
    la moitié du public est assoupie,
    la tête dodelinant.
  • 3:57 - 3:59
    Au moment de la chute, à la 18e minute,
  • 3:59 - 4:02
    les organisateurs,
    ceux-là mêmes qui m’ont invité,
  • 4:02 - 4:05
    sont dans les bras de Morphée.
  • 4:05 - 4:08
    J'étais littéralement mortifié.
  • 4:08 - 4:12
    On dit que pour tuer un comédien
    de rakugo, pas besoin d'arme blanche,
  • 4:12 - 4:13
    trois bâillements suffisent.
  • 4:13 - 4:16
    Avec un tel bide, j'étais au-delà
    de toute agonie dantesque.
  • 4:16 - 4:20
    Je me demandais combien de réincarnations
    seraient nécessaire pour effacer ma honte.
  • 4:20 - 4:22
    Et ça m'a fait réfléchir.
  • 4:22 - 4:26
    Comment aurais-je pu éveiller la curiosité
    des petits vieux et des petites vieilles ?
  • 4:26 - 4:28
    Qu'aurais-je bien pu faire
    pour les faire rire ?
  • 4:28 - 4:32
    J'ai cogité, j'ai posé la question
    à plein de gens et j'ai lu des bouquins.
  • 4:32 - 4:36
    Je me suis souvenu de mes cours
    d'art dramatique à l'école
  • 4:36 - 4:40
    et d'une citation de Kohei Tsuka,
    un auteur de pièces de théâtre.
  • 4:40 - 4:42
    Ça m'est revenu ainsi, sans raison.
  • 4:42 - 4:44
    Tsuka dit ceci.
  • 4:45 - 4:48
    Imaginez une scène
    où un couple se sépare, devant la mer.
  • 4:48 - 4:50
    Aucun paysage marin n'est
    suffisamment froid
  • 4:50 - 4:52
    pour renforcer l'idée
    de séparation entre eux,
  • 4:52 - 4:56
    que ce soit la mer du Japon,
    l'Alaska ou l'Antarctique.
  • 4:57 - 5:00
    On est sur une scène, et on joue.
  • 5:01 - 5:02
    Si le comédien est super bon,
  • 5:02 - 5:04
    il va mettre sa main en poche,
    regarder l'horizon,
  • 5:05 - 5:08
    et murmurer que la mer semble si froide.
  • 5:08 - 5:11
    Même sans le bruit des vagues,
    la mer deviendra glaciale.
  • 5:11 - 5:14
    Il va pouvoir créer une mer
    plus triste que l'Antarctique.
  • 5:14 - 5:17
    C'est parce qu'il émoustille
    l'imagination du public
  • 5:17 - 5:21
    en lui faisant faire le lien
    avec un monde plus vivant.
  • 5:21 - 5:24
    Ça m'a convaincu.
  • 5:24 - 5:27
    Je n'avais pas pu réveiller
    de leur sommeil mes petits vieux
  • 5:27 - 5:30
    parce que je n'avais pas pu
    éveiller leur imagination.
  • 5:30 - 5:32
    C'était donc ça !
  • 5:32 - 5:34
    Ce qui m'a amené à la question suivante :
  • 5:34 - 5:37
    comment je fais, moi,
    pour suivre les pas de Tsuka ?
  • 5:37 - 5:41
    Comment faire pour éveiller l'imagination,
    pour créer une image évocatrice ?
  • 5:42 - 5:43
    C'était une question épineuse.
  • 5:43 - 5:49
    C'est à cette époque que j'ai vraiment lu
    un des haïkus les plus connus :
  • 5:49 - 5:53
    Croquant un kaki, j'écoute la cloche
    du temple Horyuji tinter.
  • 5:53 - 5:57
    On dit que c'est le poème
    le plus célèbre écrit par Shiki Masaoka.
  • 5:57 - 6:01
    Mais moi, je pose la question suivante
    à toutes les personnes que je rencontre :
  • 6:01 - 6:03
    ce poème de Shiki Masaoka,
  • 6:03 - 6:07
    quand exactement dans la journée
    pensez-vous qu'il l'a composé ?
  • 6:08 - 6:11
    Il y a 24 heures dans une journée,
    à quelle heure ?
  • 6:11 - 6:14
    Entre 80 et 90 % des gens
  • 6:14 - 6:17
    me répondent qu'il l'a écrit en soirée.
  • 6:17 - 6:21
    Parfois on me dit que c'est le milieu
    de la nuit, vers trois heures du matin.
  • 6:21 - 6:25
    Plus rarement, on évoque l'aube.
  • 6:25 - 6:26
    Cela arrive, certes,
  • 6:26 - 6:28
    mais entre 80 et 90 % des gens
  • 6:29 - 6:33
    pensent qu'il a composé son poème
    entre cinq et six heures du soir.
  • 6:33 - 6:36
    Alors je leur pose une nouvelle question :
  • 6:36 - 6:37
    « Ah bon, le soir.
  • 6:38 - 6:40
    Où voyez-vous ça dans le poème ?
  • 6:40 - 6:42
    Ça n'apparaît nulle part. »
  • 6:42 - 6:45
    Sans même l'évoquer,
    tous les lecteurs de ce poème
  • 6:45 - 6:49
    imaginent naturellement
    une scène un peu nostalgique,
  • 6:49 - 6:51
    un soir paisible et encore chaud,
  • 6:51 - 6:55
    à l'ombre du temple Horyu
    quand la cloche tinte.
  • 6:56 - 6:58
    Absolument rien de tout cela
    n'apparaît dans le poème,
  • 6:58 - 7:01
    pourtant, il évoque ces images précises
    dans l'esprit des gens.
  • 7:01 - 7:04
    Et je suis arrivé à la conclusion
  • 7:04 - 7:09
    qu'il ne faut pas raconter 100 %
    des choses mais laisser 20 % de blancs.
  • 7:09 - 7:13
    Cet espace est la source même
    qui fertilise l'imagination.
  • 7:13 - 7:15
    Les blancs fertilisent l'imagination.
  • 7:15 - 7:19
    Je vais essayer de vous expliquer ce que,
    concrètement, ça veut dire.
  • 7:19 - 7:23
    Je vais vous présenter une partie
    de « Sutokuin », une pièce de rakugo.
  • 7:24 - 7:28
    Un jeune homme se promène en ville
    et croise une jeune femme par hasard.
  • 7:28 - 7:29
    Il en tombe éperdument amoureux.
  • 7:30 - 7:34
    Il décrit la jeune femme avec ces mots :
  • 7:34 - 7:36
    « Elle doit avoir 17 ou 18 ans.
  • 7:36 - 7:41
    Elle est accompagnée par quatre
    ou cinq personnes, qu'elle est belle !
  • 7:41 - 7:45
    Elle était aussi belle
    que la rosée sur un pétale de rose. »
  • 7:45 - 7:47
    C'est une strophe de « Sutokuin ».
  • 7:47 - 7:50
    Si on décrit un homme,
    on peut dire ce genre de choses :
  • 7:50 - 7:53
    Il était grand et ses yeux vifs
    étaient d'un noir d'encre.
  • 7:53 - 7:56
    Le genre d'homme mystérieux.
  • 7:56 - 7:59
    Cela vient de « Rinki no koma »,
  • 7:59 - 8:01
    une histoire sur la jalousie des femmes.
  • 8:02 - 8:04
    Pour décrire une femme, on pourrait dire :
  • 8:04 - 8:07
    « Elle était aussi mince et belle
    qu'Isabelle Adjani »,
  • 8:07 - 8:09
    ou bien : « Elle ressemble
    à Audrey Hepburn.
  • 8:10 - 8:13
    Elle est élégante
    et a une grande classe. »
  • 8:13 - 8:15
    Ce ne sont que deux exemples
  • 8:15 - 8:18
    mais les personnes qui savent qui sont
    Isabelle Adjani et Audrey Hepburn
  • 8:18 - 8:20
    vont se faire une image :
  • 8:20 - 8:23
    « Une femme si belle et si classe
    existe vraiment ! »
  • 8:23 - 8:25
    Ceux qui ne savent pas de qui on parle
  • 8:25 - 8:28
    ne pourront pas imaginer l'élégance
    des femmes évoquées.
  • 8:28 - 8:34
    Ils vont se bloquer sur ça,
    et leur imagination ne s'enflammera pas.
  • 8:34 - 8:36
    C'est pareil pour décrire un homme.
  • 8:36 - 8:39
    « Il ressemblait à Machin
    et il était si beau.
  • 8:39 - 8:42
    Le mec est à tomber raide morte. »
  • 8:42 - 8:44
    Mais si la personne à qui on s'adresse
    n'aime pas Machin,
  • 8:44 - 8:47
    elle va penser que notre personnage
    est vulgaire ou peu séduisant.
  • 8:47 - 8:50
    C'est le risque avec l'imagination.
  • 8:50 - 8:53
    Faire appel à un langage vaporeux
  • 8:53 - 8:55
    est donc une compétence cruciale.
  • 8:55 - 8:57
    Il en va de même dans la vie quotidienne.
  • 8:57 - 9:00
    Si par exemple, il pleut.
  • 9:00 - 9:02
    On a écouté le bulletin météo
  • 9:02 - 9:06
    qui nous annonce des précipitations
    à hauteur de 100 mm par heure pour demain.
  • 9:06 - 9:07
    « Ha ! En effet !
  • 9:07 - 9:10
    Il va pleuvoir des cordes. »
  • 9:10 - 9:12
    Seuls les météorologues
    se feront une image.
  • 9:12 - 9:15
    Les gens normaux se demanderont
    ce que ça signifie vraiment.
  • 9:15 - 9:19
    Certes, 100 mm est un fait quantifiable.
  • 9:19 - 9:21
    C'est une donnée exacte et absolue.
  • 9:21 - 9:25
    Mais toutefois, cela ne nous permet pas
    de sentir l'odeur de la pluie au printemps
  • 9:25 - 9:29
    ou de l'entendre battre sur la toiture.
  • 9:29 - 9:32
    Toute la question est donc
    de transposer cela dans l'imaginaire :
  • 9:32 - 9:34
    « La pluie résonnait comme une cascade. »
  • 9:35 - 9:38
    « Un rideau de pluie
    s'est déversé sur nous. »
  • 9:38 - 9:43
    De telles expressions
    vont éveiller notre imagination.
  • 9:44 - 9:46
    Un autre exemple : les battements du cœur.
  • 9:46 - 9:49
    Entre : « mon rythme cardiaque
    a augmenté »
  • 9:49 - 9:51
    et « mon cœur battait la chamade, »
  • 9:51 - 9:53
    laquelle évoque davantage la nervosité ?
  • 9:53 - 9:55
    La chamade, n'est-ce pas ?
  • 9:55 - 9:58
    On trouve le même phénomène
    dans la chanson.
  • 9:58 - 10:02
    « Courir après un lapin dans sa montagne,
    pêcher des poissons, dans sa rivière »
  • 10:02 - 10:04
    Il s'agit de quelques paroles
    de « Furusato ».
  • 10:04 - 10:07
    Sa montagne, sa rivière,
    une image vague de « lui ».
  • 10:07 - 10:10
    Elle pourrait nous sembler nostalgique.
  • 10:10 - 10:11
    Que se passe-t-il si par exemple,
  • 10:11 - 10:14
    on nommait une montagne
    ou une rivière précise ?
  • 10:14 - 10:17
    Courir après un lapin
    dans la montagne de Ko.
  • 10:17 - 10:20
    Pêcher dans la rivière Kanzaki.
  • 10:20 - 10:22
    Certes, on peut se faire une image
  • 10:22 - 10:25
    quand on vient de la région
    de Kobe ou de Kyoto et Osaka.
  • 10:25 - 10:27
    Chez ceux qui ne sont pas de la région,
  • 10:27 - 10:30
    ce nom de montagne
    ou de fleuve n'évoque rien.
  • 10:31 - 10:34
    En rendant le lieu vague,
    sa montagne, son fleuve,
  • 10:34 - 10:41
    on se souvient des lieux de notre enfance
    et ils remplissent notre imagination.
  • 10:42 - 10:44
    Maintenant, un autre exemple,
  • 10:44 - 10:47
    où on pense avoir transmis
    100 % du message mais ce n'est pas le cas.
  • 10:47 - 10:49
    Je vais vous montrer.
  • 10:49 - 10:52
    On rencontre souvent
    des phrases de ce genre-ci :
  • 10:52 - 10:54
    « Il était une fois,
    il y a plus de 2 000 ans,
  • 10:55 - 10:57
    en contrefort d'une colline
    haute de 843 mètres,
  • 10:58 - 11:01
    un couple de vieillards
    qui avaient plus de 70 ans.
  • 11:01 - 11:04
    Un jour de mai,
    vers une heure de l'après-midi,
  • 11:04 - 11:06
    l'épouse faisait la lessive seule,
  • 11:06 - 11:11
    dans la plaine verte, sur la berge
    du fleuve, large de 300 mètres.
  • 11:11 - 11:14
    Mais 580 mètres en amont,
  • 11:15 - 11:18
    une grosse pêche
    de 60 centimètres de diamètre
  • 11:18 - 11:23
    dévale le courant à une vitesse
    de 5 kilomètres à l'heure. »
  • 11:23 - 11:26
    Une onomatopée suffit pour résumer
    le bruit de cette pêche :
  • 11:27 - 11:28
    « Donbukaro »
  • 11:28 - 11:31
    (Rires)
  • 11:31 - 11:35
    La phrase que je viens de vous lire est
    composée de 345 lettres et caractères.
  • 11:36 - 11:39
    Un mot de neuf lettres résume
    une phrase de 345 caractères.
  • 11:39 - 11:40
    Prenez le temps de réfléchir :
  • 11:40 - 11:41
    dans votre vie,
  • 11:41 - 11:44
    avez-vous déjà fait la lessive
    au bord d'un fleuve,
  • 11:44 - 11:47
    aperçu une pêche dans les flots que vous
    avez attrapée et ramenée à la maison ?
  • 11:48 - 11:51
    Personne, bien évidemment,
    n'a jamais fait ça.
  • 11:51 - 11:55
    Toutefois, même sans avoir vécu ça,
    quand on entend l'onomatopée donburako,
  • 11:55 - 11:57
    consciemment ou inconsciemment,
  • 11:57 - 12:00
    on recrée dans notre esprit
    toute cette histoire.
  • 12:00 - 12:03
    C'est pour cela que le conte de Momotaro
    est célèbre dans le monde.
  • 12:03 - 12:05
    Il est connu aussi en dehors du Japon.
  • 12:05 - 12:08
    Donburako est une onomatopée,
    elle évoque un bruit.
  • 12:08 - 12:09
    Aux yeux des étrangers,
  • 12:09 - 12:12
    le japonais est riche en onomatopées.
  • 12:13 - 12:14
    Ça les impressionne.
  • 12:14 - 12:18
    J'ai un peu creusé le sujet
    comme cela semble si puissant.
  • 12:18 - 12:21
    J'ai fait une recherche Google
    sur « donburako ».
  • 12:22 - 12:25
    Pour vérifier comment
    cela se traduit en anglais.
  • 12:26 - 12:29
    Le résultat est vraiment édifiant.
  • 12:30 - 12:33
    Ouvrez bien les yeux !
    Et le résultat est...
  • 12:34 - 12:36
    (Voix) (Anglais) Don Braco
  • 12:36 - 12:38
    [Donburako - Don Braco]
    Donburako.
  • 12:38 - 12:40
    Pas de traduction donc.
  • 12:41 - 12:44
    C'est finalement normal puisqu'il
    s'agit d'une onomatopée.
  • 12:44 - 12:46
    Il paraît qu'il y en a 5 500
    dans la langue japonaise.
  • 12:46 - 12:49
    C'est un nombre impressionnant.
  • 12:49 - 12:53
    C'est pour cela que la langue japonaise
    ne cesse de m'émerveiller.
  • 12:53 - 12:56
    Pourtant, on entend souvent dire
    au sujet des Japonais
  • 12:56 - 12:58
    qu'ils ne sont pas habiles
    pour communiquer,
  • 12:58 - 13:01
    qu'ils ne savent pas se mettre en valeur.
  • 13:01 - 13:04
    On me l'a déjà fait remarquer
    une ou deux fois.
  • 13:04 - 13:06
    Mais si on me demande mon avis,
  • 13:07 - 13:10
    ce n'est un manque d'habileté,
    ni une incapacité à se mettre en valeur.
  • 13:11 - 13:14
    J'ai fini par penser
  • 13:15 - 13:18
    que nos ancêtres ont construit
    des relations et une société qui font sens
  • 13:19 - 13:20
    à travers les époques,
  • 13:20 - 13:23
    en s'intéressant à l'univers mental
    de l'autre,
  • 13:23 - 13:26
    en créant un silence autour
  • 13:26 - 13:32
    ou en imaginant des représentations
    de sons et de bruits, des onomatopées,
  • 13:33 - 13:39
    qui n'existent pas mais qui enflamment
    l'imagination de l'autre.
  • 13:39 - 13:42
    Et donc, pour émouvoir l'autre,
  • 13:42 - 13:44
    pour viser droit dans son cœur,
  • 13:44 - 13:48
    il faut cultiver ces choses fertiles
    qu'il a en lui.
  • 13:48 - 13:50
    J'ai compris que
  • 13:50 - 13:54
    ce terreau, ce sont ces 20 % d'espace
    que je lui laisse.
  • 13:55 - 13:58
    Certains parmi vous sont
    peut-être convaincus
  • 13:58 - 14:01
    de ne pas pouvoir parler avec éloquence.
  • 14:01 - 14:05
    Ou bien d'avoir toujours échoué
    à se faire bien comprendre par l'autre.
  • 14:05 - 14:08
    Cela peut devenir un traumatisme
    qui empêche de persévérer.
  • 14:08 - 14:09
    Certains parmi vous
  • 14:09 - 14:12
    ont peut-être fait marche arrière,
    ou se sont renfermés sur eux-mêmes.
  • 14:13 - 14:16
    Ce n'est pas grave.
  • 14:16 - 14:19
    Deux haïkus vont vous expliquer pourquoi.
  • 14:19 - 14:21
    Voici le premier.
  • 14:21 - 14:24
    Les premières neiges - arrivent avec peine
    à cacher la bouse.
  • 14:24 - 14:28
    Le chant de la cigale, le chant
    de la cigale, seul son qu'on entend.
  • 14:28 - 14:30
    On penserait que ces vers
    sont quelconques, sans relief.
  • 14:30 - 14:32
    Qui a bien pu écrire ça ?
  • 14:32 - 14:35
    Ils sont pourtant du poète Shiki Masaoka.
  • 14:35 - 14:39
    Masaoka, en l'espace de 17 ans,
    entre ses 18 et 34 ans,
  • 14:39 - 14:42
    a écrit 40 000 poèmes et haïkus.
  • 14:42 - 14:43
    40 000.
  • 14:44 - 14:46
    Il a conservé 40 000 poèmes, en fait.
  • 14:46 - 14:49
    Combien d'autres en a-t-il écrit
    avant de les jeter car trop nuls ?
  • 14:49 - 14:52
    Combien de vers a-t-il jetés
    impitoyablement car trop mauvais ?
  • 14:52 - 14:55
    Si on prend en considération
    ces vers-là aussi,
  • 14:55 - 14:57
    Masaoka a dû en écrire
    des centaines de milliers.
  • 14:57 - 15:00
    Il faut écrire tous ces vers ratés
  • 15:00 - 15:04
    pour écrire une pépite comme :
    « Croquant un kaki ».
  • 15:04 - 15:08
    C'est parce qu'il a trébuché souvent
    qu'il a pu créer ce poème célèbre.
  • 15:08 - 15:09
    Comment est-ce que je sais ça ?
  • 15:09 - 15:12
    Eh bien, parce que moi aussi,
    j'ai trébuché très souvent.
  • 15:12 - 15:14
    Je me suis couvert de ridicule.
  • 15:14 - 15:15
    Je me suis trompé un peu partout.
  • 15:15 - 15:17
    J'ai une montagne d'échecs.
  • 15:17 - 15:20
    Mais je suis convaincu
    qu'il y a une véritable valeur à échouer
  • 15:20 - 15:23
    car cela signifie
    d'avoir relevé le défi et essayé.
  • 15:23 - 15:24
    Par exemple,
  • 15:25 - 15:28
    si on reprend mon premier exemple
    de la salade de Miyo,
  • 15:28 - 15:31
    tout le monde se demande qui est Miyo.
  • 15:31 - 15:33
    Sans doute vous êtes-vous forgé une image.
  • 15:34 - 15:36
    Allons à sa rencontre.
  • 15:36 - 15:39
    Je suis allé au restaurant
    et j'ai demandé à rencontrer Miyo.
  • 15:39 - 15:40
    « Elle est absente aujourd'hui. »
  • 15:40 - 15:44
    J'y suis retourné mais c'était à nouveau
    son jour de congé.
  • 15:44 - 15:47
    Je peux y aller autant de fois que je veux
    mais Miyo n'est jamais là.
  • 15:48 - 15:49
    Pourquoi ?
  • 15:49 - 15:50
    Exactement !
  • 15:50 - 15:53
    Miyo n'existe pas,
    c'est le fruit de l'imagination.
  • 15:53 - 15:55
    Un personnage fictif ?
  • 15:55 - 15:59
    Vous pourriez regretter que
    Miyo n'existe pas dans la vraie vie.
  • 15:59 - 16:01
    Mais quand je vous ai raconté l'anecdote,
  • 16:01 - 16:03
    vous avez imaginé Miyo.
  • 16:03 - 16:06
    Elle a pris chair dans votre esprit.
  • 16:06 - 16:08
    Chacun de vous connaît une Miyo
  • 16:08 - 16:12
    et c'est ça qui a conféré son succès
    à la salade de pommes de terre,
  • 16:12 - 16:14
    qui l'a rendue si tentante et savoureuse.
  • 16:15 - 16:19
    La richesse et la profondeur
    naissent bien de l'imagination.
  • 16:19 - 16:21
    C'est le silence
    qui a enrichi le discours.
  • 16:21 - 16:25
    Alors, ensemble, faisons un pas à la fois.
  • 16:25 - 16:28
    Quand nous prenons la parole,
    veillons à préserver 20 % de silence,
  • 16:29 - 16:32
    20 % de silence chez celui qui écoute.
  • 16:32 - 16:37
    Cela vaut la peine de relever ce défi.
  • 16:38 - 16:39
    Merci.
  • 16:39 - 16:42
    (Applaudissements)
Title:
20 % d'espace pour enrichir la parole | Kenichi Matsumoto | TEDxKobe
Description:

Kenichi Matsumoto est coach en prise de parole. Il a étudié l'art de la scène humoristique « rakugo », la variante japonaise du one-man show, pour affuter ses compétences. Il est devenu comédien spécialiste du rakugo par la suite. Il se base sur cet art de la performance pour montrer les forces de la rythmique de la langue japonaise. Il est convaincu que les Japonais étaient de grands communicants à l'origine.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus: http: //ted. com/tedx

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Video Language:
Japanese
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
16:50

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