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La perspective d'un étranger | Michael Aram | TEDxYerevan

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    C'est tellement merveilleux d'être ici,
    à Erevan,
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    pour la troisième fois.
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    La première fois, c'était en 1980,
    en tant qu'enfant américain de 16 ans.
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    Et je peux vous dire,
    de ma perspective d'étranger à l'époque,
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    c'était un endroit très différent,
    et c'était très excitant de se trouver là.
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    Ma grand-mère avait l'habitude
    de me dire ceci quand j'étais enfant :
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    (Arménien)
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    Ce qui, pour ceux qui, comme moi,
    ne parle pas très bien arménien,
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    signifie « Plus de langues tu parles,
    plus tu deviens ces personnes. »
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    Le message ici,
    avec une vision plus profonde,
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    est qu'avec la langue,
    nous pouvons comprendre la culture,
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    et ainsi devenir des personnes
    plus vastes, avec une vision plus vaste.
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    Mais ce dont je vais parler aujourd'hui
    est l'exact opposé.
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    C'est du fait de ne pas avoir
    une vision large,
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    de ne pas avoir ce sentiment
    de comprendre les choses
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    au point de finir par en être blasé.
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    C'est de voir les choses
    pour la première fois,
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    et la réaction viscérale que nous avons
    en voyant les choses
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    qui nous sont différentes,
    étrangères à nous et notre culture.
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    Je veux parler de comme cela
    m'a impacté moi, en tant que designer,
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    de ce que j'ai vu, expérimenté, lors de
    mon premier voyage en Inde, en 1989.
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    Je suis allé voir des amis
    qui vivaient à New Delhi,
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    et pendant que j'étais là-bas,
    je passais mes journées, plus ou moins,
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    à flâner dans la vieille ville, Old Delhi,
    qui était un endroit tellement différent
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    de tout ce que je pouvais imaginer.
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    Mes amis de Delhi n'allaient
    généralement pas dans la vieille ville,
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    parce qu'ils trouvaient que c'était bondé,
    c'était difficilement accessible,
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    à moins d'y aller à pied ou en tuk-tuk,
    et c'était en général trop loin pour eux.
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    Pour moi, c'était un endroit magique,
    qui semblait sortir directement du passé,
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    comme au siècle dernier,
    ou même comme il y a plusieurs siècles.
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    Il y avait quelque chose d'ancien
    qui me fascinait complètement.
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    Comme vous pouvez le voir, les rues
    sont bondées et c'est vraiment chaotique.
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    Mais c'est cette différence qui, pour moi,
    était terriblement excitante.
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    C'était une ville romantique pour moi,
    les appels à la prière résonnaient
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    à travers les petites allées.
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    Je montais et descendais les rues étroites
    et découvrais
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    toutes ces petites boutiques.
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    Chaque petite boutique avait
    des objets faits à la main,
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    qui étaient produits dans des ateliers,
    soit juste derrière la boutique,
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    soit juste à côté.
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    Pour moi, découvrir un endroit
    où les choses étaient créées,
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    était un choc.
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    Vous savez, tout ce que j'avais connu,
    de mon expérience aux États-Unis,
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    était des objets déjà emballés,
    industriels.
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    Alors, voir ces objets qui avaient
    des éléments faits main,
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    c'était absolument fascinant pour moi.
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    J'ai vu des boutiques de textile imprimé,
    de reliures de livres,
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    toutes sortes de choses
    que je n'aurais jamais pu imaginer.
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    Mais les boutiques
    qui m'ont impacté le plus
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    étaient celles qui créaient des objets
    à partir de métal :
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    des seaux faits main,
    des pelles, des ciseaux ;
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    des objets qui demandaient
    une grande technique à réaliser.
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    Étudiant en arts à New-York,
    ayant travaillé avec le métal,
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    je connaissais les difficultés
    avec ce matériau,
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    et c'était quelque chose
    véritablement inspirant pour moi.
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    Je traquais les artisans
    de la vieille ville,
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    en écoutant les battements du métal.
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    Je suivais les tuk-tuks qui transportaient
    des choses intéressantes,
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    tout ça pour trouver les ateliers
    où les objets avaient été fabriqués.
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    J'ai découvert une petite boutique,
    où ils fondaient le bronze au sable,
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    et j'ai appris à fondre
    les mélasses chauffées
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    avec le processus de fonte au sable.
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    Je traquais d'autres boutiques
    qui pratiquaient la fonte au sable,
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    pour apprendre comment
    cet artisanat se perpétuait,
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    pour comprendre ce qui existait
    en termes d'objets.
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    Mes impressions étaient que
    ces œuvres avaient une vibration.
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    Elles avaient une vitalité propre
    que je ne reconnaissais pas
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    des produits que j'avais vu ailleurs,
    qui avaient l'air très industriels.
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    Les pièces en elles-mêmes étaient
    très imparfaites, je dirais.
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    Et elles n'étaient pas très attractives
    pour la communauté locale.
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    Les gens qui forgeaient des seaux,
    par exemple,
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    les faisaient ainsi
    depuis des centaines d'années.
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    Mais les locaux se ruaient
    dans les magasins
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    pour acheter
    des seaux en plastiques importés
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    qui retenaient l'eau, ne fuyaient pas,
    plus légers et faciles à nettoyer.
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    Les boutiques qui faisaient des ciseaux,
    magnifiques de mon point de vue,
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    ces incroyables, magnifiques ciseaux
    forgés à la main,
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    disparaissaient parce que les gens
    achetaient des ciseaux importés de Chine,
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    avec des poignées oranges en plastique
    et qui coupent très bien.
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    Donc il y avait toute cette tribu
    d'artisans qui faisaient leur travail
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    qui était absolument exquis
    de mon point de vue,
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    mais qui devenait obsolète
    sur le marché local.
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    De ma perspective,
    en tant qu'artiste à New-York,
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    les seules autres personnes à faire ça
    étaient d'autres artistes,
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    donc leur travail était pour moi
    totalement inspirant
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    et m'a vraiment coupé le souffle.
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    À ce moment, il n'y avait pas d'annuaire,
    de répertoire ou de salon,
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    rien pour soutenir les artisans.
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    Alors le seul moyen de les trouver
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    était de les traquer, d'en entendre parler
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    et d'explorer la vieille ville.
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    C'est sur ce genre d'atelier
    que je tombais.
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    En général, je regardais les étals
    des artisans dans leurs boutiques,
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    et j'étais là, le seul Américain,
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    en casquette de baseball et t-shirt,
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    à observer, et regarder ces gens
    faisant leur incroyable travail.
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    Ils devaient penser que j'étais
    complètement dingue,
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    et se demander ce que je faisais là.
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    Mais avec le temps,
    j'ai fait des croquis dans un carnet,
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    et je montrais aux artisans
    des dessins d'objets que j'avais faits,
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    et leur demandais en gesticulant,
    avec les dessins de mon carnet,
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    ce que je voulais qu'ils créent.
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    Certains des artisans, comme ce gars-là,
    faisaient des ustensiles de cuisine.
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    Ces ustensiles, en Inde,
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    sont fabriqués depuis des siècles.
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    Mais maintenant, avec la modernisation
    et l'industrialisation,
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    les cuisines indiennes devenaient
    plus occidentalisées et modernes,
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    avec des ustensiles
    aux poignées en plastique,
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    qui sont plus simples à tenir,
    et plus pratiques.
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    Les artisans, que je considérais
    comme des trésors nationaux,
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    ces gens aux compétences extraordinaires,
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    devenaient simplement obsolètes.
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    En général, l'Inde,
    dans sa quête d'industrialisation,
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    cherchait des objets qui la faisait se
    sentir plus moderne et plus occidentale.
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    Donc, j'ai décidé que désormais,
    je travaillerai avec les artisans locaux,
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    et essayerai de faire des objets
    qui glorifieraient ce qu'ils faisaient.
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    Ce que je regardais,
    c'était la beauté de l'imperfection.
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    À la différence de la conférence
    de tout à l'heure
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    sur la perfection dans le design,
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    ma philosophie était de glorifier
    le processus artisanal,
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    et de regarder la qualité inhérente
    qui réside dans les produits artisanaux.
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    C'était quelque chose de nouveau
    pour l'Inde
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    et de très différent
    du marché américain à cette époque.
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    Ce que j'ai fait, c'était des œuvres
    avec toutes les traces de marteau,
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    toutes les coupures faites à la main
    dans le métal et de vraiment dire :
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    « Célébrons l'humanité dans ces œuvres »,
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    et de dire : « Oui, elles n'ont pas
    été faites à la machine,
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    voilà pourquoi elles ont de la valeur. »
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    Et c'est ma perspective d'étranger
    qui m'a fait voir la valeur là-dedans
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    quand ces artisans indiens étaient
    généralement peu fiers de leur travail ;
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    en fait, ils avaient honte.
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    Mes amis indiens avaient aussi honte
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    de ce qui était produit localement
    à ce moment-là.
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    Il fallait importer des produits,
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    tout ce qui venait d'ailleurs était
    génial, et ces gens en étaient désolés
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    et n'avaient aucune fierté
    de ce qui était produit localement.
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    J'ai fait quelques seaux avec ceux
    qui faisaient des casseroles auparavant.
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    Et à la place de les faire
    en cuivre et en laiton,
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    je les ai encouragés à les faire en inox,
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    un matériau avec lequel
    ils n'avaient jamais travaillé.
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    Donc, on fait ça, et ensuite
    ils se sont moqués d'eux-mêmes,
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    et j'ai fini par comprendre pourquoi :
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    ces pots ressemblaient à ceux
    dans lesquels ils mettent la bouse.
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    Il y a donc eu beaucoup d'allers-retours,
    de confusion,
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    et de rigolades pendant le processus,
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    mais avec le temps, nous avons
    vraiment appris les uns des autres.
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    Et j'ai décidé de monter un atelier,
    et me voilà, dans mon studio,
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    et c'était une période excitante,
    quand j'ai monté cet atelier,
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    parce qu'il y a eu beaucoup de magazines,
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    des magazines internationaux
    venant voir ce qu'on faisait.
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    Il y a eu des équipes européennes
    venues prendre des photos.
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    On a eu beaucoup d'encouragements
    de la clientèle indienne aisée
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    qui venaient au studio
    pour acheter mon travail.
  • 8:40 - 8:42
    Mais le plus fou pour les artisans,
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    c'est quand des stars de Bollywood
    sont venues
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    pour acheter des œuvres.
  • 8:46 - 8:47
    Parce qu'enfin, ils ont réalisé
  • 8:47 - 8:50
    que ces objets avaient de la valeur,
    et n'étaient pas seulement
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    « de la ferraille pourrie »
  • 8:52 - 8:55
    comme beaucoup de mes amis indiens
    les appelaient.
  • 8:55 - 8:59
    C'est assez intéressant, avec les années -
    voilà mon travail actuel -
  • 8:59 - 9:02
    j'ai eu l'opportunité de les montrer
    partout dans le monde.
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    J'ai été élu designer indien de l'année
    par la revue El Decor en Inde,
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    ce que j'ai pris comme un grand compliment
    n'étant pas indien.
  • 9:11 - 9:13
    J'ai aussi été invité
    par le gouvernement indien,
  • 9:13 - 9:15
    pour représenter le meilleur
    de l'artisanat indien
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    dans des salons en Australie et au Japon.
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    Quand ils ont compris
    que je n'étais pas indien,
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    ils ont été choqués,
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    mais c'était assez drôle.
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    Et récemment, dans un salon à New York,
    j'exposais mes œuvres,
  • 9:28 - 9:33
    et un industriel indien est venu me voir
    et dit : « Ont-ils été faits en Italie ? »
  • 9:33 - 9:37
    Et je lui répétais : « Non, en Inde. »
    Et lui répétait : « Italie ? Italie ? »
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    Et je disais : « Non, en Inde, en Inde. »
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    Et c'est seulement quand je lui ai dit
    en Hindi qu'il a finalement compris,
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    que ces œuvres avaient été faites
    dans son propre pays,
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    qu'il pouvait les faire lui aussi,
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    dans sa propre usine.
  • 9:49 - 9:52
    Il a fallu une vision d'étranger
    pour prouver à un Indien
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    ce qu'il pouvait réaliser chez lui.
  • 9:54 - 9:55
    Merci beaucoup.
  • 9:55 - 9:58
    (Applaudissements)
Title:
La perspective d'un étranger | Michael Aram | TEDxYerevan
Description:

Designer internationalement reconnu ayant vécu et travaillé en Inde depuis 1989, Michale Aram s'est formé à la peinture, la sculpture, puis a intelligemment appliqué les connaissances apprises dans son parcours aux arts décoratifs. Son travail est aussi une glorification de l'artisanat et des traditions artisanales vieilles comme le monde. C'est la fusion durable de ces idéaux que sont l'originalité et le savoir-faire artisanal qui a fait la renommée de l'artiste.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus: http: //ted. com/tedx

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
10:06

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