WEBVTT
00:00:05.060 --> 00:00:07.000
L'Art...
00:00:07.010 --> 00:00:08.730
... en question
00:00:11.125 --> 00:00:13.425
Un enfant
00:00:13.425 --> 00:00:15.550
deux,
00:00:15.575 --> 00:00:17.900
puis trois
00:00:17.950 --> 00:00:20.600
réunis autour de leur maman.
00:00:22.000 --> 00:00:25.375
Un tableau signé Louise Vigée-Lebrun.
00:00:25.375 --> 00:00:28.800
Encore une touchante scène de bonheur familial ?
00:00:30.850 --> 00:00:33.350
Pourtant, il y a quelque chose de lugubre :
00:00:33.350 --> 00:00:35.600
le palais est vide et froid
00:00:37.775 --> 00:00:40.575
un épais voile sombre se referme sur le berceau
00:00:44.500 --> 00:00:47.250
des ombres s’avancent…
00:00:50.550 --> 00:00:55.450
Cette femme c’est Marie-Antoinette, la dernière reine de France.
00:00:55.450 --> 00:00:58.525
Il lui reste sept ans à vivre :
00:00:59.900 --> 00:01:03.075
Au terme de la Révolution française, elle sera condamnée à mort…
00:01:05.925 --> 00:01:08.175
Elle sait déjà que le peuple la hait.
00:01:09.375 --> 00:01:14.575
Le tableau est sa dernière tentative pour reconquérir l’opinion par l’image.
00:01:14.600 --> 00:01:16.050
En vain !
00:01:16.700 --> 00:01:20.675
Pour autant, l’échec de la reine signifie-t-il l’échec du tableau ?
00:01:21.470 --> 00:01:25.250
Mérite-t-il mieux que d’être remisé au rayon des œuvres de propagande ?
00:01:25.250 --> 00:01:31.730
Episode 4 : Vigée-Lebrun
*Marie-Antoinette et ses enfants - Du "plan com" à la guillotine ?*
00:01:33.130 --> 00:01:35.260
Partie 1 : Analyse d'un "plan com"
00:01:37.975 --> 00:01:39.500
Ne nous laissons pas tromper :
00:01:39.500 --> 00:01:42.175
ce tableau bien lisse cache une stratégie de communication
00:01:42.175 --> 00:01:44.125
qui répond à trois erreurs passées :
00:01:45.375 --> 00:01:48.050
Première erreur : *la fashionista écervelée*.
00:01:50.300 --> 00:01:52.575
La pose d'actrice délurée,
00:01:53.800 --> 00:01:56.625
devant un rideau de théâtre et des fumigènes,
00:01:58.675 --> 00:02:01.175
le déluge de bibelots et de fanfreluches,
00:02:03.550 --> 00:02:05.400
le vertige des perruques...
00:02:06.425 --> 00:02:07.350
… c'est fini!
00:02:09.050 --> 00:02:11.750
Avec un coussin en forme de piédestal,
00:02:11.875 --> 00:02:13.575
assise sur un fauteuil,
00:02:13.600 --> 00:02:15.625
soutenue par une solide colonne classique
00:02:15.650 --> 00:02:17.050
et un décor austère,
00:02:17.075 --> 00:02:19.125
la reine retrouve toute son autorité.
00:02:21.700 --> 00:02:25.100
Seconde erreur : *la bergère bohême*.
00:02:25.200 --> 00:02:29.075
Boudant ses devoirs de reine,
Marie-Antoinette avait fui le palais de Versailles
00:02:29.075 --> 00:02:31.675
pour son village artificiel de Trianon.
00:02:33.025 --> 00:02:35.525
C'est si bon de se promener en chapeau de paille
00:02:35.525 --> 00:02:37.575
et simple chemise importée d'Angleterre.
00:02:38.875 --> 00:02:40.525
« Les copines le font bien ! »
00:02:42.000 --> 00:02:45.125
Mais *qu'une reine* se montre au peuple dans cette tenue,
00:02:45.150 --> 00:02:47.900
c'est de la provocation anti-patriotique !
00:02:49.000 --> 00:02:53.725
Retour à Versailles, devant
la *Galerie des glaces* de l'illustre ancêtre Louis XIV.
00:02:55.825 --> 00:02:56.875
Couronne,
00:02:57.600 --> 00:02:58.800
fleur de lys :
00:02:58.825 --> 00:03:00.625
nous sommes bien chez une reine de France.
00:03:02.675 --> 00:03:05.000
Retour à la robe vintage de velours rouge,
00:03:05.075 --> 00:03:06.125
couleur du pouvoir
00:03:06.150 --> 00:03:08.125
et clin d'oeil à la précédente reine,
00:03:08.175 --> 00:03:09.700
simple et dévote.
00:03:14.200 --> 00:03:16.800
Troisième erreur : *la croqueuse de diamants*.
00:03:18.575 --> 00:03:21.050
Le goût de la reine pour les bijoux est connu,
00:03:21.050 --> 00:03:23.650
si bien qu'une intrigante a monté une affaire d'escroquerie
00:03:23.650 --> 00:03:25.625
en se servant de son nom.
00:03:25.625 --> 00:03:27.550
C'est "*l'affaire du collier*".
00:03:27.550 --> 00:03:31.050
La reine n'y est pour rien, mais le scandale l'éclabousse.
00:03:32.025 --> 00:03:35.375
Alors, on applique le plan d'austérité :
00:03:35.375 --> 00:03:37.025
ni collier ni diamant.
00:03:38.975 --> 00:03:40.175
Bien calculé.
00:03:42.450 --> 00:03:44.775
Le portrait est exposé à Paris.
00:03:45.600 --> 00:03:47.000
Mais c’est *trop tard* :
00:03:47.000 --> 00:03:49.450
le peuple n’a plus confiance en la monarchie.
00:03:50.700 --> 00:03:56.400
L’Etat, engagé derrière la guerre d’indépendance américaine, ...
00:03:56.400 --> 00:03:58.325
... est en déficit chronique.
00:04:00.400 --> 00:04:04.375
Lourdement endetté, il est au bord de la banqueroute.
00:04:04.400 --> 00:04:08.625
Des millions de prêteurs craignent pour leur épargne.
00:04:08.700 --> 00:04:11.650
Connue pour ses dépenses, la reine sert de bouc-émissaire :
00:04:14.350 --> 00:04:20.350
« Madame Déficit », « l'Autrichienne » est accusée de ruiner volontairement la France.
00:04:22.100 --> 00:04:26.425
Pour retrouver la sympathie des Français, Marie-Antoinette doit donc innover.
00:04:27.825 --> 00:04:30.700
Ce sera en assumant son rôle de mère.
00:04:33.630 --> 00:04:35.360
Partie 2 : *La Maternité au pouvoir*
00:04:36.425 --> 00:04:37.360
Une "reine-mère" ?
00:04:37.400 --> 00:04:39.225
A priori, rien d'original !
00:04:41.500 --> 00:04:44.800
Donner des héritiers au roi : c'est la vocation de toute reine de France
00:04:51.825 --> 00:04:56.275
Celles qui avaient précédé Marie-Antoinette n'apparaissaient qu'en *intermédiaires biologiques* entre :
00:04:56.275 --> 00:04:58.400
son mari, le roi, ...
00:04:58.400 --> 00:05:00.400
... et son fils, le futur roi.
00:05:03.075 --> 00:05:05.775
Et à la Cour d'Autriche, lorsque Marie-Antoinette était enfant ...
00:05:05.775 --> 00:05:10.200
sa mère exhibait fièrement sa progéniture
00:05:10.200 --> 00:05:15.175
représentée comme autant d'*adultes miniatures* autonomes.
00:05:20.775 --> 00:05:25.125
Mais ici, il se passe autre chose :
00:05:25.125 --> 00:05:27.375
d'abord la composition *en triangle*...
00:05:27.375 --> 00:05:31.175
… est empruntée aux saintes familles de la Renaissance italienne :
00:05:31.175 --> 00:05:33.000
le sacré refait surface !
00:05:35.550 --> 00:05:37.325
Deuxième aspect, plus moderne :
00:05:37.350 --> 00:05:40.525
un lien affectif sincère unit la mère et ses enfants...
00:05:40.575 --> 00:05:43.900
...qui ont droit à des vêtements adaptés à leurs besoins, sans perruque ni épée.
00:05:47.250 --> 00:05:50.550
A l’origine de ce changement, il y a le philosophe Jean-Jacques Rousseau
00:05:50.550 --> 00:05:53.525
qui demande aux mères de cesser le libertinage
00:05:53.525 --> 00:05:55.975
- pour retrouver un rôle civique valorisant
00:05:55.975 --> 00:05:58.425
en tant qu'éducatrices des futurs citoyens éclairés.
00:06:00.375 --> 00:06:04.500
La référence est Cornélia, matrone de la Rome antique :
00:06:04.500 --> 00:06:06.075
dédaignant les bijoux,
00:06:06.070 --> 00:06:10.700
elle déclara que son bien le plus précieux, ce sont ses enfants.
00:06:17.925 --> 00:06:21.200
On comprend mieux le rôle de ce meuble, un serre-bijoux,
00:06:21.200 --> 00:06:23.050
volontairement relégué dans l'ombre
00:06:23.050 --> 00:06:26.325
au profit des enfants présentés à la Nation.
00:06:28.525 --> 00:06:30.750
Maternité sacrée et civique :
00:06:30.750 --> 00:06:33.250
la reine fait *d'une pierre deux coups* !
00:06:34.825 --> 00:06:37.575
Mais le sentiment maternel est aussi affaire de mode :
00:06:37.575 --> 00:06:42.400
nombreuses sont les élégantes à exhiber leurs enfants en peinture...
00:06:42.400 --> 00:06:45.175
...alors qu'elles les abandonnent toujours aux nourrices.
00:06:46.200 --> 00:06:49.050
L’opinion soupçonne Marie-Antoinette d’être l'une d'elles
00:06:49.050 --> 00:06:51.525
et préfère se focaliser sur un détail lugubre :
00:06:51.525 --> 00:06:52.550
le berceau vide !
00:06:54.575 --> 00:06:56.575
Il était destiné à la princesse Sophie,
00:06:56.575 --> 00:06:58.850
mais elle est morte avant l’achèvement du tableau.
00:06:58.900 --> 00:07:01.025
Le public sera-t-il pris de pitié ?
00:07:03.050 --> 00:07:06.625
Non, on juge que l'expression de la reine n'est pas en phase :
00:07:06.625 --> 00:07:07.670
insouciante,
00:07:07.670 --> 00:07:09.475
distraite,
00:07:09.475 --> 00:07:11.325
bref, une *mauvaise mère*.
00:07:13.000 --> 00:07:16.025
Argument repris sept ans plus tard par les juges révolutionnaires
00:07:16.025 --> 00:07:17.700
qui iront jusqu'à l'accuser d'inceste !
00:07:21.875 --> 00:07:24.625
Echec à la reine : le tableau ne la sauvera pas.
00:07:25.525 --> 00:07:27.900
Et nous, devons-nous sauver le tableau ?
00:07:31.430 --> 00:07:33.300
Partie 3 : *Etre reine face à l'opinion*
00:07:35.325 --> 00:07:36.950
On pourrait en douter :
00:07:36.950 --> 00:07:39.150
bridée par une commande administrative,
00:07:39.150 --> 00:07:43.150
le peintre Vigée-Lebrun n’a pas pu y exprimer
l’originalité qui fait son succès.
00:07:44.550 --> 00:07:48.650
Il reposait sur une formule innovante
qu'elle proposait à ses clientes :
00:07:48.650 --> 00:07:53.100
non seulement elle corrige
les imperfections physiques de ses modèles, ...
00:07:53.100 --> 00:07:56.075
... mais elle arrange elle-même
leurs tenues et leurs coiffures :
00:07:57.425 --> 00:07:59.950
adieu codes vestimentaires traditionnels,
00:08:01.900 --> 00:08:05.550
place au décontracté élégant révélant la beauté naturelle.
00:08:06.200 --> 00:08:11.300
Et surtout, elle incite les femmes à exprimer en public leur *personnalité privée* :
00:08:11.300 --> 00:08:13.150
sourire,
00:08:13.150 --> 00:08:14.875
spontanéité,
00:08:14.870 --> 00:08:16.125
tendresse !
00:08:17.025 --> 00:08:20.025
La postérité du tableau se situe donc sur un autre terrain
00:08:20.025 --> 00:08:21.800
qui va se révéler au XIXème
00:08:23.300 --> 00:08:25.825
Loin de la morgue des monarques d'autrefois,
00:08:25.825 --> 00:08:29.025
le portrait officiel doit désormais plaire au public bourgeois
00:08:29.150 --> 00:08:30.925
et réfléter ses valeurs morales.
00:08:33.200 --> 00:08:36.600
C'est la bonne mère de famille qui sert de référence en politique
00:08:36.600 --> 00:08:40.850
Victoria, la femme la plus puissante du XIXe siècle, n’y coupe pas.
00:08:41.575 --> 00:08:43.775
Les Français eux-mêmes, à travers l'image de Marianne,
00:08:43.775 --> 00:08:47.625
se choisissent une mère nourricière et instructrice comme symbole républicain.
00:08:49.070 --> 00:08:52.575
Et, moins d’un siècle après Vigée-Lebrun, on ne perçoit plus de contradiction
00:08:52.575 --> 00:08:54.825
entre les différents portraits de Marie-Antoinette
00:08:56.775 --> 00:09:02.200
A côté de son rôle de mère, elle s’affirmait en créatrice d’un domaine qui lui était propre :
00:09:02.200 --> 00:09:05.250
celui du luxe champêtre et raffiné de Trianon.
00:09:06.000 --> 00:09:10.600
En son temps, ce luxe décontracté était perçu comme un indice de dépravation
00:09:10.600 --> 00:09:12.570
incompatible avec la maternité.
00:09:14.900 --> 00:09:21.150
alors qu'au siècle suivant, il devient un devoir de souveraine au service de l’économie nationale :
00:09:21.150 --> 00:09:25.550
mère exemplaire, l'impératrice Eugénie,
entourée de ses dames d’honneur,
00:09:25.550 --> 00:09:29.025
dicte en même temps le ton de la mode française
au reste du monde.
00:09:32.500 --> 00:09:36.125
Ce portrait inaugure donc une nouvelle ère
00:09:36.125 --> 00:09:38.120
celle où peintres et souverains
00:09:38.120 --> 00:09:40.750
ne peuvent plus ignorer *l'opinion publique*.
00:09:45.850 --> 00:09:50.984
Prochain épisode : Rembrandt - *Le Retour du Fils prodigue*
*Après l'amour d'une mère, celui d'un père*
00:09:50.984 --> 00:09:57.284
Plus d'informations sur : www.canal-educatif.fr
00:09:57.284 --> 00:09:59.484
Réalisé par
00:09:59.484 --> 00:10:01.650
Produit par
00:10:01.650 --> 00:10:03.850
Ecrit par
00:10:03.850 --> 00:10:06.017
Ce film existe grâce à la contribution
de nombreux sponsors et bénévoles
00:10:06.017 --> 00:10:08.184
et au soutien du Château de Versailles
00:10:08.184 --> 00:10:10.384
Voix-off
00:10:10.384 --> 00:10:12.550
Montage et vidéographisme
00:10:12.550 --> 00:10:14.750
Post-production et prise de son
00:10:14.750 --> 00:10:16.917
Sélection musicale
00:10:16.917 --> 00:10:19.084
Musiques
00:10:19.084 --> 00:10:21.717
Crédits photo
00:10:21.717 --> 00:10:23.884
Remerciements
Sous-titres français : CED
00:10:23.884 --> 00:10:25.884
Une production du CED